La chute du mur de Berlin

La chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, a précédé la dissolution de la République Démocratique Allemande et le début de l’effondrement et de la fin de l’URSS. Elle a permis de vérifier les hypothèses que Trotsky avait développées en 1938, résumées dans ce passage : « Le pronostic politique a un caractère alternatif : ou la bureaucratie, devenant de plus en plus l’organe de la bourgeoisie mondiale dans l’État ouvrier, renversera les nouvelles formes de propriété et rejettera le pays [Trotsky se réfère à l’URSS, mais c’est applicable à tout Etat ouvrier] dans le capitalisme ; ou la classe ouvrière écrasera la bureaucratie et ouvrira une issue vers le socialisme ».

Comme l’a indiqué Trotsky il y a 77 ans, la bureaucratie, en montrant son caractère contre-révolutionnaire, a posé les bases de la restauration capitaliste avant la réunification officielle, comme la privatisation et la liquidation des entreprises nationalisées de RDA et l’union commerciale et monétaire.

Qu’en est-il de la seconde affirmation de Trotsky ? Plus de 60 ans de domination de la bureaucratie stalinienne ont causé non seulement la dégénérescence de la dictature du prolétariat, mais aussi un terrible affaiblissement de l’avant-garde prolétarienne dans le monde entier. Les partis communistes ont cessé d’être des organisations qui encadraient les travailleurs/euses ayant le plus haut niveau de conscience politique. Les purges contre les révolutionnaires ont permis qu’entrent dans les partis des laquais serviles, des arrivistes sans scrupules, des théoriciens réformistes et des éléments parmi les plus arriérés du prolétariat. Les PC sont devenus des appareils de domination entre les mains d’une bureaucratie débridée.

Les masses, quant à elles, ont été consciencieusement engagées dans un processus de léthargie politique. Bien que dans les États ouvriers, les moyens de production appartenaient à l’État, l’État était hors du contrôle des travailleurs/euses. Loin de la discussion politique et de la prise de décision, les éléments les plus avancés et rebelles ont été achetés, emprisonnés, déportés ou éliminés physiquement. Les défaites du prolétariat à l’échelle internationale, essentiellement du fait des directives d’une IIIème Internationale assujettie aux intérêts de Moscou (application de la théorie du socialisme dans un seul pays), ont sapé la confiance des masses et les progrès dans leur niveau de conscience.

Ces conditions subjectives expliquent que sans l’orientation d’une force politique qui aurait lié la lutte contre la bureaucratie stalinienne à la défense des conquêtes de l’économie socialiste planifiée, le mouvement de rue qui a abattu le mur a permis à l’impérialisme d’imposer sa propre direction aux protestations et de parvenir à la restauration capitaliste

La « réunification » a ouvert la porte aux attaques contre les conditions de travail et de vie des prolétaires d’Allemagne de l’Ouest et surtout de l’Est. Inflation, privatisation, désindustrialisation et chômage ont été et sont toujours les bases structurelles des différences entre l’Est et l’Ouest en termes de salaires, de retraites et de niveau de vie. La privatisation rapide, à vil prix, des ex-entreprises d’État et des coopératives, et l’apparition soudaine d’un secteur à bas salaires, ont permis que jusqu’à aujourd’hui, le coût de la force de travail reste à un niveau relativement bas à l’échelle internationale. Cela a également fondé le succès de l’économie exportatrice. Cette situation a suscité l’ambition de la bourgeoisie allemande, qui a mis en place une politique impérialiste en Europe, en vigueur aujourd’hui.

L’effondrement du « socialisme réel » a représenté une véritable douche froide pour le prolétariat, qui est devenu plus perméable aux théories actuelles sur le caractère indépassable du capitalisme mondial.

Ces théories sont réfutées aujourd’hui avec la crise du système […], mais elles laissent des séquelles. Les révolutionnaires, de leur côté, sont toujours confrontés à la même tâche : élever le niveau de conscience de classe pour parvenir à une société sans classes, sans exploitation et sans domination d’aucune sorte.

IZAR 
revista n° 33 - noviembre 2015),
traduit par Gaël Klement

About Anticapitalisme & Révolution !