Le procès des travailleurs d'Air France sera celui de toute la classe ouvrière

L’arrestation à l’aube de cinq salariés d’Air France à leur domicile, traités de voyous par le Premier ministre, et condamnés par tout ce que le pays compte de réactionnaires, est l’exemple le plus emblématique de la violence patronale et gouvernementale à l’œuvre actuellement contre les salariés. Une violence généralisée qui prend place dans un contexte particulier : la volonté des gouvernants et des dirigeants patronaux de pressurer toujours plus les travailleurs/euses, et pour ce faire, de démanteler petit à petit les protections sociales, d’utiliser l’arme de la répression contre les militants/es les plus actifs, afin de décourager les salariés/ées.

Mais cette violence montre également, par son ampleur, la crainte des patrons et du gouvernement d’une possible explosion sociale. Eux savent parfaitement ce qu’est la lutte de classe, car ils la mènent tous les jours contre nous. En condamnant des salariés qui ont laissé exploser leur colère, ils espèrent nous décourager, afin de nous faire taire. C’est pourquoi la défense de nos camarades poursuivis pour faits de résistance aux attaques patronales est très importante. Car les procès qui leur sont intentés sont ceux de tous les salariés de ce pays. Et en premier lieu celui du 2 décembre contre nos camarades d’Air France.

Au-delà d’Air France, des cas significatifs

En Guadeloupe, le syndicat CGTG s’est trouvé condamné à des dizaines de milliers d’euros de dommages et intérêts pour avoir critiqué dans un tract une famille de békés qui a la mainmise sur l’île (grande distribution, industrie sucrière, agriculture). Il s’agit de la famille Huyghues Despointes, qui s’est rendue célèbre au moment de la grande grève contre la vie chère en 2009 en tenant des propos racistes du style « dans les familles métissées, les enfants sont de couleur différente, il n’y a pas d’harmonie [...] nous les békés on a voulu préserver la race ».

L’affaire est édifiante : en 2012, l’un des magasins de la famille, Carrefour Milénis, très rentable, a annoncé le licenciement de 28 salariés, sous des prétextes économiques. Après avoir saisi la justice pour obtenir les comptes de l’entreprise, le syndicat a découvert que non seulement il n’y avait pas de difficultés financières, mais encore que compte tenu de ses bénéfices, l’enseigne devait verser une participation à ses salariés pour 2011 et 2012 ! Ce que Carrefour sera finalement obligé de faire. La justice, après une expertise des comptes, a d’ailleurs condamné les Despointes à verser 3 000 euros de dommages et intérêts au comité d'entreprise. A l’époque, les militants/es CGTG ont distribué un tract où était écrit que « la famille Despointes a bâti toute sa fortune sur la traite négrière, l’économie de plantation et l’esclavage salarié ». Ce qui est une vérité historique. La famille, n’ayant pas digéré que le syndicat la fasse condamner, a cherché à se venger en l’accusant de propos diffamatoires. Et il s’est trouvé des juges pour condamner la CGTG à plus de 53 000 euros d’amende, avec saisie des comptes bancaires !

A La Poste, où des grèves éclatent quasi quotidiennement contre les réorganisations, les suppressions de tournées et les sous-effectifs, la direction a tapé fort sur des militants syndicaux. Elle a ainsi révoqué un syndicaliste de SUD, secrétaire départemental adjoint du syndicat des Hauts-de-Seine, Yann Le Merrer, sanction qui ne s’était jamais produite depuis 1951. Ce qu’on lui reproche ? Uniquement son activité syndicale (participation active à un conflit du travail, information aux collègues non-grévistes, interpellation des directions). La Poste a voulu se venger en faisant un exemple, dans un contexte où elle cherche à supprimer le plus d’emplois possibles : en moyenne 6 000 emplois sont supprimés chaque année depuis dix ans. Elle a également distribué les sanctions contre des militants/es combatifs, et tenté de licencier des syndicalistes de SUD, licenciements refusés par l’Inspection du travail, ou annulés par les prud’hommes. Il faut dire que ses réorganisations ne passent pas… comme une lettre à la poste. Dernier conflit en date, et pas des moindres : les factrices et facteurs de Neuilly qui, à l’heure où nous écrivons, en sont à plus de deux semaines de grève. Par ailleurs, La Poste se fait condamner par les tribunaux pour ses réorganisations : la cour d’appel de Paris vient de décider de lui imposer de recréer une tournée de facteur à Nanterre, et d’augmenter les effectifs du bureau. Le 20 octobre, c’est un autre plan de suppression d’emplois qui a été annulé à Gennevilliers suite à la décision du TGI de Paris.

Une abondance de cas

Les cas de répression syndicale sont multiples, on ne peut tous les détailler. Citons pour mémoire cette syndicaliste CGT d’Amiens, convoquée au tribunal pour avoir prétendument « insulté » un employeur en défendant une salariée. Au Havre, de la prison a été requise contre des syndicalistes CGT pour avoir déboulonné la plaque d’un député lors d’une manifestation. La secrétaire de l’union départementale (UD) CGT de Gironde a été condamnée pour diffamation à verser 500 euros à l’équipementier automobile Le Bélier, qui avait déposé plainte car la syndicaliste dénonçait les conditions de travail dans l'entreprise et son intention de délocaliser. Heureusement, elle a été relaxée en appel début novembre. Des patrons ont également déposé plainte contre le secrétaire de l'UD CGT de l’Allier en raison d’un tract dénonçant des taux de plomb supérieurs à la normale. 

A EDF-GDF, cinq militants comparaissent au tribunal pour avoir soutenu une salariée menacée de licenciement. A Toulon, et toujours à EDF, lors de la journée du 8 octobre, treize militants CGT ont été convoqués par la police avec prise d’empreintes et relevé ADN, pour être intervenus dans leur entreprise. Un élu CGT a été licencié après un conflit chez le transporteur frigorifique Stef dans le Val-d’Oise ; une quinzaine de grévistes avaient été licenciés l’année précédente.

En justice cependant, il y a des victoires, comme l’illustre le cas de plusieurs délégués/ées injustement licenciés, qui ont été réintégrés.

Diminuer les velléités des inspecteurs du travail

Parallèlement à cela, et pour faire taire toute contestation, les inspecteurs/rices du travail sont pris pour cible.

Ainsi, en Haute-Savoie, une inspectrice du travail a été convoquée devant le tribunal correctionnel suite à une plainte déposée par Tefal pour recel et violation du secret professionnel. Elle risque cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende ! L’inspectrice enquêtait sur des irrégularités dans l’accord sur les 35 heures, ce qui a déplu à l’entreprise, laquelle a agi auprès de la préfecture et de la hiérarchie pour obtenir sa mutation. L’inspectrice avait obtenu des documents internes à l’entreprise, prouvant ses agissements délictueux. Or, le procureur de la République d’Annecy a choisi de poursuivre l’inspectrice pour recel plutôt que Tefal ! Quant à sa hiérarchie, non seulement elle ne la soutient pas, mais elle lui a fait subir des pressions pour qu’elle revoie sa position concernant cette entreprise.

Réprimer pour faire passer la régression sociale

Tous ces cas de répression syndicale sont le corollaire d’une politique de remise en cause de nombreux acquis sociaux et de démantèlement du Code du travail. Mais cela signifie aussi que le patronat sait que la colère augmente, comme en témoigne une « note de conjoncture sociale » à destination des DRH1 : la note indique que les salariés/ées ont le sentiment d’avoir accepté beaucoup d’efforts depuis 2009, tant financièrement qu’en termes d’intensité du travail. Pour « compenser » ces conditions de travail qui se sont durcies, les salariés/ées attendent en retour une reconnaissance monétaire mais aussi non monétaire. « Le moteur de la mobilisation est le fort sentiment d’injustice que peuvent ressentir les salariés » explique la la note de conjoncture. Des exemples révoltants, comme celui du P-DG de PSA qui s’est augmenté de 211%, alimentent la colère, qui s’est exprimée d’une manière crue lors du comité central d'entreprise d’Air France, où deux chemises ont été déchirées : ces images ont fait le tour du monde.

Plus que de la solidarité

Il est important de répondre à toutes les initiatives pour combattre la répression syndicale – car les procès intentés aux militants/es concernent tous les travailleurs et toutes les travailleuses du pays – et de montrer que l’offensive du patronat et du gouvernement contre les acquis sociaux ne passera pas : le 2 décembre peut en être l’occasion !

Régine Vinon

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