Suisse : « Il y a toujours des possibilités à saisir »

> Entretien sur la situation sociale et politique en Suisse avec Gwen, militant de la Gauche anticapitaliste (GA).

Anticapitalisme & Révolution – Pourrais-tu décrire les coordonnées de la situation sociale et politique en Suisse ?

Gwen – La principale caractéristique de la situation sociale en Suisse, c’est qu’elle est stable depuis des années, grâce notamment à la « paix du travail ». Par exemple, la grève est interdite, à part en tout dernier recours, ce qui revient à une interdiction de fait. Quant au licenciement, il peut être prononcé sans aucun motif et il n’y a pas de recours légal pour obtenir une réintégration.

C’est dans le cadre de la « paix du travail » que s’inscrivent les directions syndicales : ne pas rechercher le conflit avec le patronat mais toujours le consensus avec lui. Le résultat, c’est un nombre de grèves très limité et sans caractère national, car l’autre caractéristique de la Suisse, c’est aussi la nature fédéraliste de l’État, et il est bien rare qu’un conflit social dépasse le cadre d’un canton (et il y a 26 cantons en Suisse).

Le système politique de la « concordance » est lui aussi très stable depuis les années 1950. On parle de la « formule magique » du gouvernement suisse (conseil fédéral) d’union permanente gauche-centre-droite-UDC... Quel que soit le résultat de l’élection, les deux « ministres » PS sont donc toujours minoritaires dans un gouvernement dominé par la droite et le centre-droit.

La bourgeoisie suisse profite donc à plein de cette stabilité sociale et politique, et bénéficie de conditions bien plus favorables que dans les autres pays pour exploiter les travailleurs (la durée de la semaine de travail est par exemple de 41h30 !).

A&R – Pourrais-tu décrire le projet et l’activité de la GA ?

GS – La GA a été fondée en 2008, un peu au même moment que le NPA, par des camarades sortis du Mouvement pour le socialisme (MPS), qui estimaient qu’il n’avait plus vraiment la perspective de construire une organisation anticapitaliste et révolutionnaire en Suisse.

Ils ont donc créé la Gauche anticapitaliste, avec comme projet d’affirmer que, même en Suisse, malgré les difficultés, il était possible de rompre avec la « gauche » institutionnelle et de construire une organisation dont le centre de gravité serait les luttes et les mobilisations sociales, avec pour objectif de pousser à l’auto-activité des salariés/es sur leurs lieux de travail.

Nous avons une implantation syndicale – surtout dans le syndicat des services publics, le SSP, mais aussi à UNIA, principal syndicat du privé – qui nous a permis d’essayer de regrouper des équipes combatives et d’impulser des mobilisations ces dernières années.















A&R – Une grève contre un plan d’économie drastique dans les services publics vient justement d’avoir lieu à Genève. Peux-tu nous en dire plus ?

GS – Oui, c’est un mouvement important dans la fonction publique ; ça prouve que malgré les difficultés, il y a toujours des possibilités à saisir dans la situation : assemblées du personnel à 1500/2000 personnes, trois jours de grève reconductible, manif à 10 000, entre 40 % et 80 % de grévistes en fonction des services, avec même une jonction avec une lutte dans le bâtiment au cours d’un blocage du pont qui relie les deux parties de Genève.

Propos recueillis par David 92N

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