« C'est d’un nouveau Juin 36 ou d'un nouveau Mai 68 qui aillent jusqu’au nous dont nous avons besoin ! »


Intervention de Marie-Hélène Duverger 

Il y a tout juste un an nous étions en pleine mobilisation contre la Loi Travail et son monde capitaliste. Nous étions dans la bagarre depuis près d'un mois, enchaînant les manifestations et les actions de blocage au Havre et à Rouen. Certains d'entre nous se lançaient dans la grève avec l'idée qu'il fallait qu'elle s'étende, qu'elle devienne générale, pour bloquer le pays et l'économie, pour faire peur aux patrons et faire reculer le gouvernement socialiste. La mobilisation contre la loi Travail a rappelé que, c'est quand nous sommes nombreuses et nombreux dans la rue, que plusieurs secteurs ouvriers stratégiques sont en grève, en bref quand la grève générale s'installe dans l'air, que c'est à ce moment-là que la peur peut commencer à changer de camp, à gagner la classe dirigeante. Rien n’a jamais été obtenu sans la mobilisation des travailleur-se-s, de celles et ceux qui font tourner l’économie du pays. 

Aujourd'hui c'est la Guyane qui est touchée par la grève générale. Le gouvernement français refuse les exigences du collectif « Pou Lagwiyann dékolé » qui réclame aujourd’hui 3,1 milliards « tout de suite » pour rattraper le retard scandaleux que connaissent entre autres la santé et l’éducation. Le premier ministre Cazeneuve a eu le culot de juger ces demandes « irréalistes » et a justifié hypocritement son refus par le changement de gouvernement prochain. 

Il avait déjà fallu des semaines de mobilisation dont une de grève générale, le blocage des ports, des aéroports et du centre spatial de Kourou, des manifestations qui ont rassemblé près de 10 % de la population pour que le gouvernement se résigne à négocier. Devant la détermination du mouvement, la ministre de l’Outre-Mer avait dû présenter officiellement ses excuses au « peuple guyanais » et le gouvernement promettre des crédits qui sont loin de faire le compte au regard de l’abandon dans lequel l’État français a laissé ce territoire sur lequel il impose sa domination coloniale. 

Alors que de Kourou, sont lancées les fusées Ariane, un sommet de technologie, 30 % des Guyanais n’ont pas accès à l’électricité ni à l’eau potable, 22,3 % de la population active est au chômage -40 % chez les jeunes-, une famille sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres sont le double des mêmes indicateurs en France, tout comme le prix des aliments les plus indispensables. La situation dans l’enseignement et les hôpitaux est catastrophique. Ce que vivent les Guyanais-ses c'est ce qui attend l'ensemble des classes populaires demain ici et partout si nous nous laissons écraser par le rouleau compresseur du système capitaliste, dans lequel nos vies ne valent rien face à aux profits. Nous sommes toutes et tous des Guyanais. Vive la grève générale en Guyane et vivement qu'elle vienne jusqu'à nous ! 

En 2009 la grève générale en Guadeloupe avait annoncé le mouvement de grève reconductible dans l'hexagone de 2010.... Alors gageons aujourd'hui que c'est le premier tour social qui a démarré en Guyane. Et que bientôt, après les résultats des élections du printemps, car il n'y aura pas de répit pour notre camp social, que ce soit, Macron, Fillon ou Le Pen qui soit vainqueur, face aux attaques qui nous attendent, nous devrons nous battre et cette fois nous donner les moyens de gagner, et pour cela de nouveau la question d'un mouvement d'ensemble, d'une grève générale qui aille jusqu'au bout sera posée. Alors qu’aujourd’hui, des banquiers, des tricheurs, des voleurs et des racistes postulent pour nous gouverner, c'est d’un nouveau Juin 36 ou d'un nouveau Mai 68 qui aillent jusqu’au nous dont nous avons besoin ! Qui aille jusqu’au bout ça veut dire leur reprendre tout ce qu’ils nous ont volés depuis des décennies en s’accaparant les richesses que nous seuls, salariés, avec ou sans-papier, produisons ! 

Comme vous le savez, nous nous présentons à l’élection présidentielle et c'est Philippe Poutou, notre camarade, un ouvrier, qui porte notre parole collective. Un ouvrier qui lutte depuis des années au quotidien, notamment contre la fermeture de son usine. Pas un politicien professionnel qui pique dans la caisse ! Et Philippe n’est pas un candidat-messie avec le sac rempli de promesses électorales.

Quand Philippe Poutou défend son programme à la télé ou à la radio, cela ne rate jamais. Il y a toujours quelqu’un pour lui rétorquer, comme une journaliste sur le plateau d’On n’est pas couché le 1er avril dernier : « Est-ce que ce n’est pas un peu utopique ? » Utopiques, ces mesures d’urgence pour le monde du travail ? Utopiques, l’interdiction des licenciements et des suppressions de postes, le partage du temps de travail entre tous jusqu’à ce que tout le monde ait un emploi ? Utopique, qu’il n’y ait pas un seul salaire inférieur à 1 700 euros net ? N’est-ce pas un minimum que d’avoir simplement un emploi, et un salaire qui resterait encore en-dessous du salaire moyen actuel, qui est de 2 200 euros ? L’utopie, pour certains comme Fillon, les eurodéputés FN ou l’ex-ministre Le Roux… c’est de vivre avec si peu, eux qui offrent des emplois fictifs à leurs proches, avec des salaires bien plus élevés. Et pour un Macron, qui a touché trois millions d’euros lorsqu’il était banquier d’affaires, ou pour l’héritière-milliardaire Marine Le Pen.... ce serait utopique, d’exiger l’indispensable ? 

Pour tous ces représentants du système capitaliste, qu’est-ce qui est utopique ? C’est de vouloir en finir avec le chômage et la pauvreté, de vouloir vivre décemment dans un monde qui croule sous les richesses, un monde où huit milliardaires possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population.

 « Et l’argent, vous le trouvez où ? »demandent encore les journalistes. Puisque, paraît-il, les caisses de l’État sont vides ! Eh bien, on pourrait regarder du côté de ceux qui les ont vidées. Du côté des 100 à 150 milliards d’aides que l’État verse chaque année au grand patronat, alors que les bénéfices du Cac 40 ont dépassé les 75 milliards l’an passé ! 

Ou encore du côté des 60 à 80 milliards que coûtent chaque année les différentes formes de fraude et d'évasion fiscale. Les travailleurs, quant à eux, pourraient aller mettre leur nez dans les comptes des grands patrons, comme celui de PSA qui gagne plus de 5 millions par an ; ou dans ceux des grands capitalistes comme Bernard Arnault, dont la fortune pèse plus de 40 milliards. Les candidats dits « grands », ceux qui représentent la minorité des riches, promettent le retour au plein emploi… sans prendre sur les profits ! Ce n’est même pas une utopie. C’est une escroquerie. 

Ils ont les millions ? Nous sommes des millions ! Ils comptent en euros, comptons en travailleurs. Au printemps dernier, le mouvement contre la loi Travail a duré quatre mois, mais une seule fois, et pour un jour seulement, un million de travailleurs sont descendus dans les rues. Il faudra être encore plus nombreux.Une grève générale, où nous serions des millions, rendrait réalistes les mesures d’urgence que nous proposons. Notre programme, ce ne sont pas des promesses : c’est un programme pour les luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse. 

C’est toutes les règles qu’il faut changer en partant de nos besoins. 

Mais pour que cette société réponde à nos besoins, il faut que ce soit la majorité qui travaille qui décide ensuite de comment se répartissent ces richesses. Cela implique que c’est cette même majorité qui gère les moyens de production, collectivement. Décider de nos vies, en finir avec l’exploitation, les guerres et toutes les oppressions, c’est ça que nous appelons le communisme. 

Et à celles et ceux qui osent nous parler de violence dans nos propos, dans nos projets, nous les mettons face à la réalité, notre réalité. Adama Traoré, Amine Bentounsi,  Ali Ziri Zyed et Bouna : tués par la police ! Théo Lukana : violé par la police ! Édouard, cheminot de Saint-Lazare, l’infirmière de Cochin, l’infirmier de Pompidou, les 50 postières et postiers en 2016 : tous se sont suicidé-e-s, tous ont succombé à la dictature patronal et et managériale ! 

Et que dire encore de la répression sans merci qui tente de mater toutes les possibilités de luttes : lycéens gazés, matraqués, manif encadrées par les flics depuis l’état d’urgence, sanctions, mises à pieds, mesures disciplinaires, procès - 2220 recensés depuis la loi Travail -, des syndicalistes condamnés à de la prison avec sursis (comme les Goodyear), des syndicalistes comme notre camarade Gaël Quirante, visé par la 11e procédure de licenciement pour fait de grève à la poste. 

Nous exigeons bien sûr la relaxe, l'amnistie, l’arrêt de toutes les poursuites contre les jeunes et les salariés. C’est ça la réelle violence aujourd’hui, elle ne touche que les classes populaires, c’est avec cette logique que nous voulons en finir.

Notre classe sociale n’est pas éteinte ou déprimée, des dizaines de grèves ont lieu chaque jour. Dans cette situation, il y a une prise de conscience que le gouvernement et le patronat craignent l’unité des salariés et de la jeunesse comme l'an dernier. Ces mêmes salariés et jeunes voient leur confiance décupler quand ils sont unis car on ne se bat pas et surtout on ne gagne pas seul et isolé. C'est pourquoi il est vital aujourd'hui d'aider à deux choses aujourd'hui : 
  • regrouper toutes celles et ceux qui, par-delà les boutiques syndicales, politiques sont toutes et tous convaincus que tout va se jouer non pas dans les élections mais dans la rue. Convaincus de cette idée qu’il faut relever la tête, reprendre le chemin de la grève, pour contester le pouvoir des capitalistes. C'est pour cette raison que nous devons participer nombreux-ses à la manifestation à Paris « du premier tour social » le 22 avril, la veille du premier tour des présidentielles, initiée par plusieurs organisations syndicales (CGT Goodyear, CGT Info com, Sud Ptt, Sud Education, Sud Commerce), plusieurs collectifs militants (Compagnie Jolie Même, Collectif Touche pas à ma Zep, BellaCiao...). Ce sera une occasion de faire un premier pas vers la constitution d'un pôle ouvrier, combatif, lutte de classe, qui n'attend plus rien des directions syndicales ni des leaders politiques institutionnels. 
  • Mais évidemment, ce programme « de la rue  qui gouverne» ne pourra être imposé si les capitalistes restent au pouvoir. Il ne pourra voir le jour si les institutions qui, toutes, servent le système capitaliste restent en place. Pour réaliser pleinement ce programme, il faudra en finir avec les institutions existantes, briser la machine d’État bourgeoise. Ce programme ne pourra être pleinement imposé que par un gouvernement ouvrier, qui sera l’émanation des outils d’auto-organisation dont devront se doter les travailleur-se-s en lutte. La constitution d’un pôle ouvrier combatif déterminé à s'affronter jusqu'au bout à la bourgeoisie et à son État rend plus que jamais nécessaire de construire un parti anticapitaliste et révolutionnaire : un parti qui soit capable de formuler jusqu’au bout la stratégie capable d’imposer ce programme. Nous vous appelons à venir renforcer le NPA, à participer à nos côtés, tous ensemble à la construction d'un parti pour la révolution de demain. 
Être présents dans ce grand cirque électoral, c’est porter cette orientation, défendre un vote de classe pour nos luttes de demain. 

Si vous voulez aider à la campagne de Philippe Poutou durant les 15 derniers jours : rejoignez notre comité de campagne avec la prochaine réunion jeudi 13 avril à 19h au local du NPA à Rouen Nous avons réservé un car pour aller au grand meeting de fin de campagne en région parisienne le mercredi 19 avril, contactez-nous si vous voulez venir. Et nous vous donnons rendez-vous le dimanche 23 avril à partir de 19h à notre local pour nous retrouvez le soir du premier tour.  


Marie-Hélène Duverger, est enseignante en Haute-Normandie, 
militante syndicale et révolutionnaire, elle est membre 
de la direction du NPA et du courant Anticapitalisme & Révolution

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