Les Rencontres internationales de jeunes s’ouvriront dans un contexte politique national renouvelé pour la délégation française. La grève des cheminots, celle des intermittents, et à une moindre échelle les nombreux conflits qui se déroulent à La Poste, auront contribué à modifier de manière significative le climat politique dans la dernière période.
Faire le bilan de l’année et préparer la rentrée sociale
Alors que pendant les deux premières années du quinquennat, les luttes étaient restées isolées et minoritaires, les prémices de convergence qui se sont esquissées entre les différents secteurs mobilisés dans les dernières semaines sont révélatrices d’une volonté de relever la tête et de se battre sur un autre terrain que celui proposé par le Front national et les réactionnaires en tout genre.
La nécessité de regrouper les forces pour obtenir des victoires semble gagner du terrain dans la frange du monde du travail la plus déterminée dans les mobilisations. Et à une échelle plus large, des travailleurs semblent reprendre peu à peu confiance dans leurs propres forces. Si l’attitude des directions syndicales reste un frein important à la construction de l’affrontement et a directement conduit à la défaite des cheminots, celles-ci auront été contraintes par la radicalité qui s’exprimait à la base d’aller bien plus loin qu’elles ne l’avaient initialement souhaité. Elles ont été forcées à maintenir la grève reconductible pendant plus de dix jours. Une nouvelle génération de cheminots, ayant participé au mouvement contre le CPE, aura contribué à donner un caractère combatif à la mobilisation en poussant à des actions « coup de poing » et en participant au développement d’embryons de structures d’auto-organisation, comme l’AG des AG parisienne, en lien avec les révolutionnaires. Cette grève constitue une expérience déterminante pour les luttes futures et pourrait être le point de départ d’une nouvelle phase de remontée des luttes en France. Elle montre que les révolutionnaires peuvent jouer un rôle significatif dans l’extension de la grève et le dépassement des bureaucraties syndicales lorsqu’ils sont implantés et mènent une politique volontariste en ce sens.
La situation autour du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien est aussi révélatrice à plus d'un titre. Particulièrement massif, très jeune et très féminisé, défiant le pouvoir qui voulait interdire son expression, ce mouvement révèle aussi une nouvelle génération de jeunes qui se mobilisent. Du slogan le plus repris – « Israël assassin, Hollande complice » – au fait de braver l'interdiction de manifester, l'affrontement avec le gouvernement pour pouvoir construire la solidarité internationale est une évidence pour toutes et tous. Pour aider les Palestiniens, il faut faire perdre Hollande. Du fait du resserrement récent des liens entre l'impérialisme français et l’État sioniste, mais aussi parce qu'il s'agit de se révolter contre le racisme et l'islamophobie, contre les discriminations et le chômage de masse qui sévissent ici aussi.
Entre les mois de juin et de juillet, on a donc assisté aux deux plus importantes mobilisations de la classe ouvrière et de la jeunesse. L'été est donc déjà chaud et marque ainsi une situation nationale différente d'il y a un an, quand nous abordions le camp coincés entre la « Manif pour tous » et l'offensive du gouvernement et du patronat. Face à cette évolution de la situation, le camp est l’occasion de nous coordonner et de préparer la rentrée dans la jeunesse de la manière la plus offensive possible. Personne ne prédit la rentrée. Mais ce dont nous devons décider, c'est de notre politique. Et elle doit permettre de saisir toutes les occasions pour développer des bagarres dans nos secteurs, à commencer par la jeunesse.
Dans ce cadre, les annonces d’une réduction de plus d’un milliard d’euros dans le budget de l’Enseignement supérieur et les premières conséquences des regroupements universitaires ouvrent des possibilités de mobilisation importantes. Notre priorité doit être la reconstruction d’équipes syndicales combatives dans les universités, qui partent des préoccupations immédiates des étudiants pour les mettre en mouvement. A ce titre, le début de lutte mené autour des problèmes d'inscription, la lutte des « sans-facs » à Nanterre au mois de juillet, montrent ce qu'il faut faire partout. En recensant un à un les problèmes d'inscriptions très divers, près de 80 dossiers ont été constitués avec un objectif : l'inscription de tous. Des réunions, embryon d'assemblées générales de rentrée, ont déjà eu lieu à plusieurs reprises, regroupant de 10 à 20 étudiants. Des actions et activités ont été organisées avec des sans-facs. Et déjà, des étudiants émergent, militent, expriment non seulement la revendication d'être inscrits, mais aussi la rage d'être dans cette situation et l'envie d'en découdre, de militer, d'aller plus loin. L'orientation est simple : face aux capacités d’accueil, conséquence directe des problèmes budgétaires, inscrire les sans-facs, c'est lutter contre l'austérité à l'université, contre le regroupement P8/P10, contre la politique du gouvernement. C'est en généralisant ce type d'activité militante que dès la rentrée, notre perspective doit clairement être celle d’une grande campagne nationale pour la mobilisation étudiante contre les coupes budgétaires, les regroupements universitaires et la dégradation de l’offre de formation.
C'est en mettant des gens en mouvement que nous pourrons le mieux mener une campagne politique d'agitation contre le gouvernement sur l'ensemble des questions : austérité, Palestine, extrême droite, etc. Notre profil politique, notre matériel, doivent donc mettre au centre la question d'un affrontement avec le gouvernement, la riposte à organiser et dans laquelle la jeunesse doit prendre toute sa place. C'est ainsi, en prévoyant des meetings et une apparition propre partout où nous sommes présents, que nous pourrons redéployer le secteur jeune, nous construire, gagner des jeunes à notre politique.
Échanger sur la situation internationale et les tâches des révolutionnaires
Les 31èmes Rencontres internationales de jeunes se dérouleront dans un contexte mondial toujours marqué par l’approfondissement de la crise du système capitaliste. Partout à travers le monde, les bourgeoisies cherchent à faire payer cette crise aux classes populaires et sont à l’offensive pour tenter de rétablir leurs taux de profits à grands coups de licenciements, de plans d’austérité et de destruction des acquis sociaux. Pourtant, malgré un rapport de force dégradé, les populations sont loin de rester sans réaction face aux attaques. Des révoltes, voire des processus révolutionnaires éclatent sur l’ensemble des continents, se nourrissant les uns les autres, et rendent la situation internationale contradictoire.
Les luttes récentes des travailleurs au Brésil, en Chine, en Argentine mais aussi dans l’État espagnol, et à une moindre échelle en France, révèlent toute l’actualité de la lutte de classe et le rôle central joué par la classe ouvrière dans la résistance aux attaques subies et dans la capacité à arracher des victoires, comme celle des travailleurs de la Marea Blanca dans l’État espagnol il y a quelques semaines, ou celles de certains secteurs ouvriers chinois ayant obtenu une augmentation de salaire de plus de 50 % dans les derniers mois.
Cependant, ces luttes ne suffisent pas à pallier la faiblesse globale de la conscience de classe, et le problème de l’indépendance politique du prolétariat reste particulièrement déterminant dans la situation. Le mouvement de la place Maïdan en Ukraine ou, à une autre échelle et dans des circonstances différentes, le mouvement des Bonnets rouges en France, sont révélateurs de la profonde crise que traverse le mouvement ouvrier international, qui va jusqu’à laisser la direction des luttes à des éléments réactionnaires qui les désorientent et les détournent des intérêts initiaux des exploités et des opprimés. Cette incapacité du mouvement ouvrier à incarner une direction politique crédible doit conduire les révolutionnaires à rediscuter les questions stratégiques et à s’interroger sur le type d’organisation, d’outils politiques à construire pour être à la hauteur des tâches auxquelles ils sont confrontés.
Tirer les bilans des différentes expériences de construction de partis
Sans prétendre apporter toutes les réponses ou trancher toutes les questions, il nous apparaît que la tâche essentielle des révolutionnaires face à la situation politique internationale que nous connaissons, se situe au contraire dans la reconstruction du « facteur subjectif », c’est-à-dire dans la construction d’outils permettant l’intervention directe au cœur de la lutte de classe et l’expression politique indépendante du prolétariat. Il y a bien une actualité de la perspective révolutionnaire, nos idées peuvent avoir un écho, elles peuvent avoir une prise sur les évènements. Mais les conditions subjectives – c’est-à-dire le niveau d’organisation et de conscience des travailleurs et l’existence de partis politiques en capacité d’influencer le cours de la lutte de classe vers une issue révolutionnaire – restent faibles.
La question du parti sera donc au cœur des débats du camp. Les expériences faites par les différentes sections de la Quatrième internationale-« Secrétariat unifié » (QI) sont jusqu’ici pour le moins hétérogènes. Un certain nombre de sections membres ou observatrices de la QI mènent à l’heure actuelle une politique de construction de fronts sociaux et politiques avec des forces réformistes ou centristes [1], comme l’Alliance rouge-verte au Danemark, le Bloc de gauche au Portugal, le Front de gauche en France, ou Syriza en Grèce, à l’image de l’investissement de la section brésilienne dans le Parti des travailleurs, il y a une trentaine d’années. Nous tirons un bilan clairement négatif de ces expériences. Il n’y a évidemment pas de voie royale toute tracée d’avance pour construire le parti, mais par-delà les contextes nationaux et les tactiques qui peuvent diverger selon les contextes, maintenir quoi qu’il arrive une intervention et une structuration propres des révolutionnaires, garder vivant l’objectif stratégique d’un parti révolutionnaire sont des éléments essentiels.
Des possibilités de reconstruction et de recompositions du mouvement révolutionnaire international existent. Le capitalisme apparaît aujourd’hui comme un système injuste et sans issue, et cela ouvre un espace politique significatif pour les partis révolutionnaires indépendants, comme en attestent notamment les résultats électoraux du Frente de izquierda y de los trabajadores en Argentine ou de Socialist Alternative aux États-Unis. L'affirmation d'une perspective de renversement du capitalisme, d’une stratégie pour la prise du pouvoir par les travailleurs basée sur leur mobilisation et sur la grève générale, sans illusion aucune concernant les institutions actuelles, est une nécessité de la période.
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[1] Qui oscillent entre une politique réformiste et une politique révolutionnaire.