Tribune de membres d'A&R et du CCR dans L'Anticapitaliste n° 261 (23/10/14)

Dénoncer la responsabilité des impérialistes 

et soutenir inconditionnellement la lutte des opprimés, 

sans nous aligner sur leurs directions.

La lutte du Rojava suscite des espoirs légitimes pour les opprimés et les exploités du Moyen-Orient. Par leur résistance acharnée contre DAESH, malgré les obstacles placés par la Turquie, par la place que prennent les femmes dans la lutte armée, les Kurdes de Kobané ont gagné la sympathie d'une large partie de l'opinion publique internationale. Cela ne peut que nous réjouir. Mais le soutien au peuple kurde ne peut d'aucune manière brouiller les lignes concernant l'impérialisme.

Impérialistes dehors !

Il est de la responsabilité des révolutionnaires et des internationalistes de dénoncer d'abord la responsabilité profonde de l'impérialisme dans l'existence de DAESH ainsi que les manœuvres de la Turquie qui aurait aimé laisser les milices islamistes massacrer Kobané. Il est de notre responsabilité de dénoncer la complicité française, notamment avec sa proposition de « zone-tampon ». Il est de notre responsabilité d'exiger qu'aucun obstacle ne soit mis à l'acheminement d'armes pour la résistance kurde. Cela suppose le retrait du PKK et du PYD de la liste des organisations terroristes.

C'est une tout autre politique que de relayer l'idée que le rôle des impérialistes serait de livrer des armes à Kobané. S'ils le faisaient, nous ne nous y opposerions pas‎, mais nous resterions conscients que ce serait pour tenter de mieux contrôler la situation. Porter de telles revendications, c'est légitimer l'intervention comme la « moins pire des solutions » ‎face à DAESH. 

Cette politique a conduit, il y a trois semaines, les camarades de l'Alliance rouge-verte du Danemark à approuver au parlement l'envoi d'avions d'armes pour les Kurdes avant que le gouvernement danois ne finisse par décider de participer aux bombardements. Elle vient de conduire les camarades du NPA 31 à publier un communiqué pour le moins problématique car on y lit « Une fois n'est pas coutume, le NPA salue l'efficacité des frappes de l'US Air Force »...

Le soutien, pas l'alignement

Soutenir le droit à l'auto-détermination du peuple kurde ne signifie pas faire nôtre la politique de ses directions. Aucune ne porte un projet démocratique et émancipateur : surtout pas le Conseil national kurde, regroupement nationaliste bourgeois, inféodé à Barzani, président du Kurdistan irakien, allié de Washington et de Téhéran, mais pas non plus le PYD, frère jumeau du PKK. Ce parti stalinien aux méthodes plus que musclées contre ses opposants, n'a pas hésité à passer un accord de non-agression avec Bachar el-Assad afin de garder le contrôle du Rojava. Aujourd'hui, il demande l'amplification des bombardements impérialistes et a délégué l'un de ses commandants au QG opérationnel de l'US Air Force !

Défendre les intérêts de tous les opprimés

Un peuple lutte face aux milices criminelles et ultra-réactionnaires de DAESH. L'impérialisme états-unien tâtonne entre les exigences inassumables de son allié turc et la nécessité de repousser l'« État islamique » et son action peut effectivement coïncider avec la résistance populaire. Mais, quoi qu'en pensent les dirigeants nationalistes kurdes, l'émancipation des peuples ne viendra pas de leur alliance, fut-elle ponctuelle, avec les oppresseurs impérialistes et réactionnaires de la coalition (USA, UE, Ligue arabe, Iran...). Elle viendra de l'auto-organisation et de la solidarité des peuples en lutte contre leurs impérialismes. Cette politique va à contre-courant de la pression de l'actualité et nous oblige à penser sur le long terme comment organiser la résistance contre toutes les manœuvres impérialistes, à commencer dans notre propre pays.


Daniela Cobet (CPN-93 ), Marie-Hélène Duverger (CPN-76), 
Guillaume Loïc (CPN-75), Jean-Baptiste Pelé (CPN-92N), 
Gaël Quirante (CPN-92N), Laura Varlet (CPN-93).