Grèce : « L'enjeu, c'est de reprendre la rue en remettant en avant les revendications ouvrières »

> Entretien avec Charis Mertis, étudiant à Athènes, militant de l'OKDE Spartakos (Organisation des communistes internationalistes de Grèce, section de la IVème Internationale) et de la coalition anticapitaliste Antarsya.

Comment expliquer la victoire de Syriza suite à une forte période de luttes ?

La période de 2011 [marquée par la chute du gouvernement socialiste et la convocation d'élections en 2012, ndlr] a été forte en luttes avec des grèves générales, des manifestations de centaines de milliers de personnes... Et un fort écho des anticapitalistes. Mais les directions syndicales et celles de Syriza et du KKE [Parti communiste grec, stalinien, ndlr] ont donné une réponse uniquement électorale. Un autre cycle a alors commencé, avec moins de luttes et de manifestations massives.

Quelle est maintenant la politique de Syriza ?

Après son élection, Tsipras a voulu constituer un gouvernement de salut national avec les Grecs Indépendants, parti très à droite, pour donner l'idée qu'il ne serait pas un danger pour la bourgeoisie grecque. Il a accepté de ne pas prendre de décision unilatérale de négocier avec le FMI et la Commission européenne, dans le cadre qu'elle a fixé, pour trouver un « compromis ». Il poursuit donc la destruction de l'État social. Il prévoit des mesures pires que ce que disait son programme : la privatisation des ports, le maintien des impôts sur les plus pauvres, prendre l'argent des collectivités pour payer la dette, le refus d'augmenter le salaire minimum...

Où en sont les mobilisations ouvrières ?

Il y a eu des mobilisations de soutien au gouvernement contre les ordres européens. Les forces de la gauche radicale ont essayé de mettre en avant des mots d'ordre comme l'annulation de la dette. Mais dans les syndicats, les dirigeants liés à Syriza ou au PASOK se sont opposés à toute lutte durant les négociations en disant que cela mettrait le gouvernement en difficulté.

Y a-t-il des luttes en cours ?

Non. Les manifestations du 1er Mai étaient moins fortes que l'an dernier, car les syndicats liés à Syriza n'ont pas mobilisé. Mais des syndicats de base de plusieurs secteurs (étudiants, éducateurs, travailleurs du nettoyage...), dirigés par des forces plus à gauche, ont manifesté. L'enjeu, c'est de reprendre la rue en remettant en avant les revendications ouvrières des années précédentes : le refus de payer la dette, des mesures répondant aux besoins des travailleurs et des chômeurs... C'est une tâche difficile, car les courants liés à Syriza, avec lesquels nous pouvions travailler avant, dans les syndicats étudiants par exemple, refusent maintenant de le faire. La gauche de Syriza disait qu'une victoire renforcerait la confiance de la classe ouvrière et sa capacité à lutter. C'est l'inverse.

Comment la situation peut-elle évoluer ?

Le temps où l'on regarde et laisse faire le gouvernement va s'achever un jour ou l'autre. Déjà, dans les élections étudiantes, les anticapitalistes rencontrent un écho plus important. Les travailleurs vont comprendre que la seule solution face à l'austérité, c'est de s'attaquer à ses racines : le capitalisme. Ils comprendront que la seule solution, c'est la lutte, les manifs, les assemblées générales !