Ce slogan est l’un de ceux criés dans les manifestations qui se sont déroulées en France après le double attentat d’Ankara du samedi 10 octobre. Le gouvernement d’Erdogan porte la responsabilité de ce massacre, même s’il n’en est peut-être pas le commanditaire. Le nombre de victimes de l’attentat – le plus meurtrier de toute l’histoire du pays – et l’utilisation politique qui en est faite par le gouvernement turc, ont entraîné des réactions massives de révolte et d’émotion en Turquie même, mais aussi dans les grandes villes d’Europe où l’immigration kurde est importante. Les syndicats turcs, sauf ceux liés au pouvoir, ont appelé à deux jours de grève générale.
Le double attentat n’a pas été revendiqué et personne ne connaît ses auteurs, sauf à vouloir les fabriquer pour des besoins de propagande comme le fait Erdogan. Il visait une manifestation en faveur de la paix au Kurdistan, appelée par les organisations syndicales et les partis de gauche. Les explosions ont particulièrement décimé le cortège du HDP, le Parti démocratique des peuples, qui est aujourd’hui la principale cible de la répression à grande échelle menée par l’État turc depuis les élections législatives de juin dernier ; le HDP y avait obtenu 13,5 % des voix, contribuant à la perte de la majorité absolue du parti d’Erdogan, l’AKP. De nouvelles élections législatives sont prévues le 1er novembre et Erdogan joue clairement la carte « l’AKP ou le chaos » pour récupérer sa majorité absolue, alors qu’il est de plus en plus largement contesté depuis plusieurs années : révolte des jeunes au parc Gezi d’Istanbul en 2013 contre la soif de profit des bétonneurs et la corruption du régime ; grèves ouvrières au printemps pour l’augmentation des salaires aux usines Bosch puis Renault de Burça.
Un régime de terreur
D’une certaine manière, l’attentat d’Ankara a « délocalisé » la situation d’extrême terreur dans laquelle est plongé depuis plusieurs mois le sud-est de la Turquie, peuplé majoritairement de Kurdes. En effet, depuis juillet et la rupture unilatérale par le gouvernement du cessez-le-feu avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), 130 zones du Kurdistan turc ont été placées sous régime d’exception : les villes de Cizre, Nusaybin, Sur, Hazro, Diyarbakir, Yénishir et Silopi sont soumises au couvre-feu et à des blocus qui empêchent l’accès aux soins et aux produits de première nécessité. Une centaine de personnes ont été tuées par la police, l’armée ou des militants de l’AKP et des Foyers ottomans, son organisation de jeunesse. Des centaines de militants du HDP et des partis kurdes ont été arrêtés. Désormais, avec l’attentat dans la capitale, c’est tout le mouvement ouvrier et les forces politiques et sociales qui s’affrontent au gouvernement qui se retrouvent au centre de la violence d’État.
C’est pourquoi il est fondamental que l’ensemble du mouvement ouvrier, ici en France et partout en Europe, soit déterminé à organiser la mobilisation la plus massive possible pour dénoncer les crimes d’Erdogan. Celui-ci agit avec la complicité des dirigeants de l’Europe capitaliste, et notamment Hollande, qui l’a accueilli à bras ouverts l’an dernier et qui considère la Turquie comme un allié militaire fiable et un partenaire commercial privilégié.
Marie-Hélène Duverger