La Poste : petits pas en direction d’une mobilisation nationale

La Poste n’a pas connu de grève nationale massive (en dehors des mobilisations interprofessionnelles de 1995 ou 2010) depuis les années 70. Cependant, les grèves locales sont très nombreuses mais très dispersées. Le fruit de la grande différenciation des conditions de travail… mais aussi de l’adaptation des organisations syndicales à cette fragmentation de la condition des postiers.

Le mois de novembre et le début du mois de décembre voient à nouveau de nombreuses grèves de postiers se déclencher : préavis dans la Drôme-Ardèche-Loire du 9 au 12 décembre, grève dans le Creillois depuis fin novembre, grève à Neuilly-sur-Seine depuis le 29 octobre, 50 jours de grève à Étampes…

Une opportunité de taper sur le même clou

Parmi ces différentes grèves ou préavis de grève, le thème revendicatif qui revient le plus souvent : le paiement de la distribution par les facteurs des professions de foi pour les élections régionales (les fameux « plis électoraux »). La Poste a reçu une dotation de 60 millions d’euros de l’État pour leur distribution… mais elle ne rémunère pas la surcharge de travail ! Ou plus précisément elle ne le rémunère que là où elle fait face à un certain rapport de forces. Le message que cherche à faire passer La Poste aux postiers : on peut vous donner n’importe quelle tâche supplémentaire, vous n’avez qu’à accepter de l’accomplir gratuitement. On demande aujourd’hui aux postiers de faire plusieurs métiers à la fois : prendre des photos de dégâts des eaux, s’occuper des personnes âgées…

La question des plis électoraux est quant à elle la même partout pour les facteurs, contrairement aux restructurations qui sont menées délibérément de manière désynchronisées. Et pour ce mois de décembre, on voit pour la première fois depuis bien longtemps des préavis de grève déposés au même moment sur une même question…

La Poste creuse-t-elle sa propre tombe ?

L’idée qu’il est nécessaire de toutes et tous se mobiliser au même moment fait son chemin. L’une des principales causes, c’est l’évolution de la taille des établissements : alors que les sites sont globalement plus petits, la Poste mène depuis une dizaine d’années une politique de re-concentration des flux au niveau du tri du courrier (et dans une moindre mesure du colis). Le nombre de centres de tri a baissé drastiquement, 40 % des sites ont fermé en 10 ans. Si un centre de tri se met en grève, l’impact sur la production est potentiellement plus grand que par le passé.

De plus, La Poste regroupe de plus en plus de sites sous l’autorité d’un seul directeur… Et par souci de productivité, La Poste re-centralise partiellement une partie de ses activités et son mode de « gouvernance ». Elle crée ainsi de nouveaux talons d’Achille.

Vers une grève nationale début 2016 ?

La perspective d’une mobilisation à l’échelle nationale a commencé à se discuter à la suite des conflits de ces deux dernières années, dont une bonne partie ont été longs, durs mais victorieux, et menés en cherchant consciemment à se lier les uns aux autres : les longues grèves du 2014 dans le 92, le 91, le 18, à Ajaccio, à Paris 15, et surtout la grève régionale massive des facteurs de Basse-Normandie en février dernier. La preuve a été faite dans différents contextes qu’il était possible de mener des combats communs de plusieurs bureaux et de faire reculer les patrons. Il existe désormais plusieurs équipes, SUD comme CGT, qui poussent consciemment dans ce sens.

Ce sont ces expériences qui expliquent la décision prise en octobre dernier par la fédération SUD-PTT de soumettre aux autres syndicats l’idée d’un appel à la grève national pour début 2016, une grève qui serait précédée de rencontres entre équipes syndicales pour la préparer et lui donner des suites. Rien ne garantit qu’un tel projet aboutisse, mais son existence est un indice que l’idée d’une convergence des bagarres postales progresse.

Correspondant
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 315 (10/12/15)


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