Gaël Diaferia : « Pour défendre notre droit de manifester, il n’y a rien de mieux que de l’utiliser »

> Intervention de Gaël Diaferia pour le NPA au rassemblement et meeting contre l'état d'urgence à Metz

Si nous sommes ici ce soir, c’est parce que les massacres qui ont ensanglanté Paris le 13 novembre ont provoqué un choc et une vague d’émotion, que le gouvernement n’a pas hésité à instrumentaliser pour mettre en œuvre un plan d’action sécuritaire, liberticide et guerrier.

Dans les jours qui ont suivi, Hollande et Valls nous ont ordonné de nous rallier à leur union sacrée avec les Sarkozy et les Le Pen. Il fallait agiter le drapeau bleu-blanc-rouge et soutenir sans réserve les bombardements en Syrie. Tous ceux qui ont osé pointer les responsabilités de l’État français et de sa politique criminelle au Moyen-Orient – notamment le NPA – ont été traités par certains médias comme des complices de Daech. Ces mêmes journaux et ces mêmes chaînes, qui ont étalé leur complaisance avec le FN pendant des mois avant d’en appeler au front républicain, nous font la leçon : soit on soutient l’état d’urgence, soit on soutient les terroristes. Il faut refuser cette mascarade.

Oui, Daech est notre ennemi. Il est l’ennemi des peuples arabes qui se sont soulevés depuis 2011, et celui du peuple kurde. Il est l’ennemi du mouvement ouvrier et démocratique, de tous ceux qui aspirent à une société émancipée, là-bas ou ici. Mais cela ne donne pas un visage plus humain au capitalisme et ne fait pas de ses gestionnaires nos amis. Qui plus est, Daech est le produit de leur société pourrissante.

Si le gouvernement voulait secourir les victimes de Daech, il ouvrirait les frontières et organiserait l’accueil des réfugiés. Mais au lieu de cela, il a transformé en boucs émissaires des hommes et des femmes qui fuient la misère, la guerre et le terrorisme, en assimilant les migrants à un danger.

Contre le terrorisme, l’état d’urgence sera aussi inefficace que le plan Vigipirate avant lui, mais il est déjà utilisé pour que personne ne bouge. L’interdiction de manifestations, les perquisitions contre des familles musulmanes en dehors de tout cadre judiciaire, c’est-à-dire sans même un début de preuve, les assignations à résidence prononcées contre des militants écologistes, l’arrestation de centaines de personnes qui manifestaient contre la COP 21, tout cela n’a aucun rapport avec la lutte contre le terrorisme.

Hollande et Valls prétendent que nous empêchons leur police et leur armée d’utiliser toute leur force pour combattre ce fléau, mais croient-ils le combattre en postant flics et soldats dans les marchés de Noël et les centres commerciaux qui poussent comme des champignons, dans lesquels nous sommes incités à dépenser un maximum au nom de ce qu’ils appellent « notre mode de vie » ? Comme si eux et nous avions le même mode de vie, d’ailleurs... Comme si les bas salaires, le chômage, la précarité et l’austérité n’avaient aucun impact sur le nôtre.

Depuis les attentats, ils nous répètent sur tous les tons que « la vie continue ». Pour une fois, nous ne pouvons qu’être d’accord avec eux. La vie que nous imposent les exploiteurs, les pollueurs et les saigneurs du monde, c’est l’obligation de défendre nos droits et nos libertés, de défendre nos conditions d’existence et notre environnement, de nous organiser collectivement pour défendre nos intérêts : c’est la lutte des classes.

La trêve sociale qu’ils exigent de nous est à sens unique, car eux n’ont rien suspendu. La COP 21 se tient, et comme on s’en doute, elle n’aura aucune utilité, car les puissants refusent de prendre la moindre mesure contraignante contre les capitalistes pour conjurer la catastrophe climatique. Le PS, dont la politique antisociale était déjà le terreau du FN, a continué de booster la progression électorale de l’extrême droite à coup de surenchère réactionnaire. Rien ne nous a été épargné, de la déchéance de nationalité à l’armement des flics en dehors de leurs heures de service. Quant au patronat, il n’a pas remis à plus tard ses attaques, comme chez Smart où, avec le soutien du gouvernement, il menace les salariés pour qu’ils acceptent de travailler plus.

C’est précisément en ce moment-même qu’il ne faut pas baisser la garde, car les mesures d’austérité qu’ils veulent imposer au monde du travail et à la jeunesse vont redoubler pour financer leur guerre, laquelle ne fera que renforcer Daech.

En réalité, ce n’est pas un nouvel attentat que redoute le gouvernement, mais bien l’explosion d’une colère sociale qui avait recommencé à se faire entendre avec l’épisode de la chemise arrachée des DRH d’Air France. Cette colère n’a pas disparu et aucune mesure sécuritaire ne pourra l’étouffer. La tâche qui est devant nous est de l’aider à s’exprimer, de plus en plus fort et d’une voix de plus en plus unie, de lui permettre d’occuper le pavé. Préparons dès maintenant nos prochaines actions : une manifestation puis une mobilisation nationale pour la levée de l’état d’urgence, pour dire que les classes populaires n’accepteront pas qu’on les bâillonne. Pour défendre notre droit de manifester, il n’y a rien de mieux que de l’utiliser.

10/12/15