États-Unis : Orlando, un massacre homophobe dans une société pourrissante

Dans la nuit du 11 au 12 juin, Omar Mateen a fait irruption au « Pulse », une discothèque gay d’Orlando (Floride). Avant d’être lui-même abattu par la police, il a assassiné méthodiquement 49 hommes et femmes, et blessé 53 autres. Les victimes, pour l’essentiel des jeunes gens d’origine latino-américaine, ont été ciblées du fait de leur orientation sexuelle ou de leur sympathie pour les gays, les lesbiennes et les trans. Le tueur aurait prétendu agir au nom de l’État islamique (Daech), l’organisation djihadiste qui s’est elle-même illustrée par de nombreux meurtres d’homosexuels en Syrie et en Irak. Soucieuse de sa publicité, cette organisation a d’ailleurs revendiqué la fusillade.

Tous les politiciens se sont empressés d’évoquer un acte « terroriste » commandité depuis l’étranger, cherchant à s’attaquer aux « valeurs » américaines. Ceux du Parti républicain, au premier rang desquels le milliardaire Donald Trump, ont amplifié leurs habituels discours hostiles à l’immigration, aux musulmans et au contrôle de la vente d’armes… tout en s’abstenant d’évoquer l’orientation sexuelle des victimes, leur électorat étant traditionnellement homophobe.

Plutôt qu’un djihadiste, Omar Mateen était le fils monstrueux d’une société capitaliste en décomposition. Son allégeance à Daech est sans doute une fanfaronnade visant à associer son crime à une cause « prestigieuse ». De parents afghans mais né aux USA, c’était un homme au machisme violent, qui méprisait les gays. C’était un minable réactionnaire, qui vouait un culte à l’institution policière et était coutumier des propos racistes à l’encontre des Latinos et des Noirs. Mateen avait en fait beaucoup de points communs avec d’autres nuisibles, qu’ils soient partisans de la suprématie blanche ou adeptes de sectes chrétiennes, comme ce pasteur évangélique qui a déclaré, quelques heures après la tuerie : « Est-ce que je suis triste que 50 pédophiles aient été tués aujourd’hui ? Euh… non. Je pense que c’est super ! Je pense que ça aidera la société. Je pense qu’Orlando est un peu plus sûr ce soir ».

Avant Orlando, le plus meurtrier de tous les attentats homophobes commis aux USA remontait au 24 juin 1973, quand une bombe incendiaire avait ravagé l’« UpStairs Lounge », un bar gay de La Nouvelle-Orléans : 32 hommes avaient péri asphyxiés, brûlés vifs, ou étaient morts des suites de leurs blessures. Loin de s’en émouvoir, l’opinion publique réactionnaire et les autorités avaient fait preuve d’une consternante inhumanité : des plaisanteries sur les victimes avaient circulé, relayées par une presse locale ironisant sur les « cadavres empilés comme des pancakes », et la police avait rapidement classé l’affaire après plusieurs déclarations teintées d’homophobie. Honteuses de leurs morts, certaines familles n’avaient pas récupéré les corps, qui avaient été inhumés dans une fosse commune.

Ce crime ancien nous renseigne sur le caractère très relatif du fameux « choc des civilisations », invention dont se servent les dirigeants des pays impérialistes pour justifier leurs politiques xénophobes et les guerres qu’ils mènent dans les pays pauvres. De nos jours, dans certains États américains, l’homosexualité d’un salarié est toujours considérée comme un motif valable de licenciement, et des commerçants peuvent légalement refuser de servir des clients homosexuels. Si les ténors du Parti démocrate se flattent d’avoir légalisé le mariage des couples de même sexe, pour la grande majorité des lesbiennes et des gays des classes populaires, cet arrêt de la Cour Suprême ne saurait masquer la réalité : encore et toujours, dans ce pays comme dans le reste du monde, assumer publiquement ce qui relève pourtant d’une orientation sexuelle naturelle, c’est s’exposer aux insultes et aux menaces, à plus forte raison quand on vit une existence précaire de prolétaire ; et cela peut conduire à l’hôpital, parfois à la morgue.

Les victimes d’Orlando pensaient être en sécurité dans une boîte gay, pouvoir oublier un peu leur quotidien dans l’un de ces commerces dits « communautaires », qui souvent profitent de la stigmatisation de l’homosexualité pour s’assurer une clientèle fidèle. Quand aux abords du « Pulse », les gyrophares des secours se sont éteints, l’homophobie était toujours là, et la presse a rapporté le témoignage poignant d’un rescapé qui venait de perdre son compagnon dans la tuerie : il allait devoir le pleurer en secret, ne pouvant se permettre de révéler son homosexualité à sa famille catholique.

L’homophobie est certainement le racisme le plus répandu au monde, un racisme qui n’est pas sans lien avec l’oppression multimillénaire des femmes. À travers les siècles, ces oppressions ont été marquées du sceau de l’évidence, défendues comme des lois « naturelles » par des idéologies très diverses, mystiques puis pseudo-scientifiques. Les religions jouent encore ce rôle dans bien des pays, en particulier dans les populations pauvres, en tant que vecteurs de superstitions et de préceptes arbitraires. Et si nous dénonçons les démagogues qui, aux USA comme en Europe, désignent les musulmans comme des terroristes potentiels et instillent le poison raciste dans les classes populaires, nous ne devrons jamais cesser de combattre les mots d’ordre religieux et leurs défenseurs, de quelque dieu qu’ils se réclament, chaque fois qu’ils s’opposent à l’émancipation des femmes et des homosexuels, et chaque fois qu’ils prêchent l’acceptation de l’ordre social existant.

Le combat contre l’homophobie et toutes les autres formes d’oppression, c’est le combat des travailleuses et des travailleurs réellement conscients de leurs intérêts. C’est le combat d’une classe sociale qui refuse de se laisser diviser par ses ennemis et qui, de fait, doit être fière de la diversité de celles et ceux qui la composent[1]. Cette classe ouvrière, en prenant un jour son destin en main, aura non seulement pour tâche de se libérer de l’exploitation capitaliste, mais également de débarrasser le monde des préjugés, de la violence et de l’obscurantisme qui, depuis des lustres, accompagnent le règne criminel de la bourgeoisie et des classes possédantes.

Pour nous comme pour tous les militants ouvriers conséquents, la lutte pour la libération des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des personnes transgenres se confond avec la lutte pour le socialisme.

André Slava

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[1] Ce texte a été écrit par un travailleur communiste et homosexuel, fier d’être tout cela à la fois.