Fillon : lutte contre la pauvreté... ou guerre aux pauvres ?


Le premier déplacement de l’année de Fillon s’est déroulé dans un centre Emmaüs à Paris. Une visite parfaitement mise en scène par son staff de campagne pour faire croire que le sort des plus démunis lui tient à cœur...

Fillon a-t-il voulu redorer cinq minutes son blason de « gaulliste social » qu’il avait pourtant lui-même jeté aux oubliettes lors de son grand oral devant un parterre de patrons réunis par la fondation Concorde avant sa victoire aux primaires de la droite ? En effet, lors de son discours devant ce think tank patronal, rendu public récemment, Fillon s’était franchement lâché et avait annoncé clairement sa thérapie de choc contre le monde du travail.

Et dans la lettre qu’il a adressée aux « associations caritatives et sociales » le 8 novembre dernier, il indique aussi clairement que « c’est pour briser cet insupportable chômage de masse que je propose aux Français les mesures radicales qui, seules, permettront de créer un environnement réellement favorable à la création d’emplois : la réforme du marché du travail, la suppression des trente-cinq heures, la baisse des charges des entreprises, la libération de l’entrepreneuriat, la maîtrise des dépenses publiques et le ­désendettement du pays ».

À ces remèdes ultra-libéraux pires que le mal capitaliste, il faudra associer selon Fillon une arme de dissuasion massive pour celles et ceux qu’il qualifie d’« assistés » et qui rechigneraient à travailler : la baisse des allocations et minimas sociaux à travers la fusion dans une allocation sociale unique (ASU) de tous les dispositifs d’aides (RSA, allocation de solidarité spécifique, prime d’activité et allocations logement). Et il est opposé à l’idée d’un « RSA jeune » parce que cela conforterait ceux-ci, là encore, dans l’assistance. Fillon aime les pauvres... mais ­vraiment pauvres !

Des pauvres méritants et dociles... sinon c’est la trique

Le centre « Emmaüs Défi » dans lequel il s’est rendu a la particularité d’être co-financé par de l’argent public... et la fondation d’entreprise de Sanofi, dirigée par Xavier Darcos, ancien ministre de l’Éducation de Fillon. La condition pour y être accueilli est d’accepter « la réinsertion par le travail »... Un exemple érigé en norme par Fillon, car en plus de voir leurs revenus déjà très maigres diminuer, les personnes qui toucheront l’Allocation sociale unique seront soumises à un contrôle social renforcé : « Dans le cadre d’un schéma territorial de l’intervention sociale, une remise à plat complète de la chaîne de décision et d’intervention dans le domaine de l’intervention sociale sera mise en chantier. Elle intégrera les principes suivants : institution d’un référent de parcours qui coordonnera l’action des divers intervenants concernés, mise en place d’un dossier unique, dans le respect des règles relatives à la protection des données personnelles, développement des procédures et démarches dématérialisées, etc. ». Fillon, fervent catholique pratiquant, s’y connaît en charité à la mode paternaliste et moralisatrice.

Quant à en finir avec la pauvreté et le chômage, bien naïfs ceux qui croiraient une seule seconde aux promesses du candidat Fillon, à propos duquel un récent article du Canard enchaîné révélait qu’il est notamment l’heureux propriétaire d’un château dans la Sarthe, daté du 15e siècle et composé de 3 000 m2 de bâtiments historiques et de 14 hectares de terres ! Fillon parlera-t-il bientôt de « manants » quand il parlera des pauvres ?

Marie-Hélène Duverger
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 366 (12/01/17)