« Touche pas à ma ZEP » : une mobilisation qui ne s’éteint pas

Au moment où nous évoquions leur mobilisation dans le numéro 25 de notre revue, les enseignantes et enseignants des lycées menacés d’une sortie de la Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP) étaient à la veille d’une grève de rentrée en janvier, et une grève reconductible était envisagée si Najat Vallaud-Belkacem n’accédait pas à leurs revendications : maintien et extension des lycées à l’intérieur d’un label unique et contraignant en termes de moyens, de possibilités de mutation et de bonification. 

La grève reconductible 
a bien eu lieu 

Toujours méprisante à l’égard des collègues qui lui demandaient une audience et à qui elle refusait de répondre, Najat Vallaud-Belkacem a dû faire face le 3 janvier à une grève de rentrée dans de nombreux lycées ZEP, un peu partout en France. Des AG locales ont décidé de départs en grève reconductible, laquelle a duré environ 15 jours et occasionné de nombreuses tournées de bahuts en vue d’étendre la mobilisation. Cette grève a été ponctuée de temps forts pour donner des perspectives communes à des collègues dont les rythmes d’entrée dans la lutte ont été disparates. La grève du 3 janvier a été suivie de celle du 5 puis, le 10 janvier, d’une journée de grève nationale avec appel à l’extension aux collèges et aux écoles. Une manifestation nationale a été organisée à Paris, avec la participation d’une délégation d’une cinquantaine de profs de Marseille. 

La manifestation a été précédée d’une AG rassemblant 125 personnes, qui a décidé de la transformation du collectif « Touche pas à ma ZEP » en une coordination nationale des établissements mobilisés. Un communiqué de presse a été rendu public, ainsi qu’un « avis de recherche » de la ministre de l’éducation nationale qui, pleine de dédain vis-à-vis des grévistes, n’a daigné répondre qu’une chose : soit le gouvernement sera réélu et appliquera sa réforme, soit les enseignants devront se débrouiller avec la prochaine mandature. Bien entendu, la droite n’aurait rien à redire de la refonte de l’éducation prioritaire initiée par Peillon et poursuivie par Hamon puis Vallaud-Belkacem ! 

Sans perspective immédiate d’élargissement, les grèves reconductibles des établissements mobilisés ont pris fin pendant la troisième semaine du mois de janvier. Mais la grève n’a pas laissé la place à la démoralisation, car cette reconductible a été vécue comme une étape pour installer le mouvement dans le paysage et renforcer les liens entre les enseignants en lutte. 

Manifestations, pique-niques revendicatifs, journées portes ouvertes, « nuit ZEP », invitations surprises au meeting de Valls ou aux vœux de la ministre, réalisation de vidéos parodiques : les profs ont montré qu’ils avaient plus d’un tour dans leur sac pour que leur mobilisation ne s’essouffle pas. 

Vers un rebond en mars ? 

Avec les annonces, depuis plusieurs semaines, des fameuses « dotations horaires globalisées », il est tout à fait possible que cette lutte exemplaire reparte de plus belle. Car comment le ministère va-t-il justifier certains de ses calculs ? Ainsi, en Seine-Saint-Denis, un lycée se verra par exemple octroyer quelques heures supplémentaires – les fameux 450 postes promis par la ministre en novembre – prises sur le quota horaire d’un autre collège classé lui-même REP+ en 2014 ! Dépouiller encore et toujours, voilà la devise d’un gouvernement qui, dans le même temps, aura engraissé les patrons pendant cinq ans.

À l’image de nombreuses luttes actuelles, celle-ci ne bénéficie d’aucune aide consistante de la part des organisations syndicales, ni localement, ni nationalement. SUD et la CGT Educ’action relaient les initiatives et déposent les préavis de grève : c’est la moindre des choses, mais cela semble déjà beaucoup en comparaison de l’attitude de la fédération majoritaire, la FSU, qui se contente de soutiens ponctuels. Bien qu’elle passe un temps fou dans les cabinets académiques ou ministériels, le simple fait d’obtenir une audience représente pour elle un pas bien trop radical à franchir… Cela n’a bien sûr rien d’étonnant, et c’est une preuve supplémentaire de son adaptation à ce gouvernement aux mains du Parti socialiste. 

Ce qui mérite en revanche d’être souligné, c’est la construction d’une coordination entre des lycées situés aux quatre coins du pays, dans une profession pourtant habituée à régler ses problèmes dans « son » établissement. Grâce à l’action et à la détermination de militants – notamment révolutionnaires –, les collègues ont compris la nécessité absolue de se lier à d’autres. Qui plus est, cette expérience les a conduits à se rendre à Amiens le 11 janvier pour soutenir les 8 Goodyear lors de leur procès en appel. 

Bien sûr, le secteur va suivre ses propres rythmes, et en premier lieu essayer d’étendre réellement la mobilisation aux collèges, surtout si ces derniers se voient voler des heures de cours au profit des lycées, en fonction de l’objectif gouvernemental de les mettre en concurrence. 

Déjà, une journée de débats suivie d’un concert aura lieu le 4 mars à l’initiative de « Touche pas à ma ZEP ». Et le 7 mars, des grèves nationales auront lieu dans la Santé, à Pôle Emploi, à la Sécu et dans la fonction publique : cette date pourrait être également un nouveau temps fort pour permettre aux profs mobilisés de lier leur sort à celui de travailleuses et de travailleurs qui subissent la même situation. 

Courant A&R