Répression anti-syndicale : La Poste s’acharne contre Gaël Quirante

Un an après le début du mouvement contre la loi Travail, nous avons eu le temps de faire le bilan des réussites et des échecs de la mobilisation. Forts de ce bilan et des liens tissés dans la mobilisation, nous poursuivons nos actions et continuons à nous mobiliser (22 avril pour le « premier tour social », contre les violences policières, etc.), mais la bourgeoisie ne compte pas en rester là : depuis une année, le nombre de militants arrêtés et poursuivis en justice est impressionnant.

Et c’est sans parler de toutes celles et tous ceux qui sont victimes d’une répression anti-syndicale beaucoup plus difficile à quantifier, à recouper, et qui est souvent rendue invisible. Pourtant, il est important de comprendre le fonctionnement de la répression à l’encontre des militants syndicaux, pour pouvoir la combattre. Ce texte est une proposition de réflexion sur le combat contre la répression syndicale, grâce à l’exemple de Gaël Quirante syndicaliste à Sud Poste 92.

La répression frappe ceux qui luttent 

Gaël est postier, secrétaire du syndicat Sud Poste 92. La Poste est un secteur particulier, qui doit être vu comme un archétype de la destruction des acquis sociaux et du secteur public. Le plan du patronat et de l’État y est le même que dans de nombreux secteurs publics : baisser les coûts par une réduction du personnel et une réorganisation du travail. Et quand le personnel est trop peu nombreux pour assurer un service public de qualité, ils utilisent ce prétexte pour défendre la privatisation. C’est dans ce contexte, bien connu des militants syndicaux, que Gaël milite ; depuis des années, il cherche à rassembler les différents bureaux, en expliquant aux collègues que s’il y a sur chaque lieu des revendications spécifiques, locales, les logiques de destruction sont en revanche les mêmes, et que si nous voulons espérer gagner, il faut que nous fassions valoir nos droits, que nous nous rassemblions, que nous nous organisions ensemble au-delà des clivages syndicaux, territoriaux et temporels. Il faut pouvoir faire grève tous ensemble à chaque nouvelle attaque du patronat contre n’importe quel bureau. En somme, recréer une conscience d’appartenir à la même classe. Cette stratégie de convergence des luttes ne plaît pas du tout au patronat, et il le fait savoir.

S’il fallait reprendre une par une toutes les attaques qu’a subies Gaël depuis son entrée à la Poste il y a 13 ans, il y aurait de quoi constituer un dossier de 50 pages… avec à la clé un bac + 8 en droit du travail ! Mais pour fournir un exemple, sur ces 13 années, il a récolté au total un an et demi de mise à pied du fait de ses activités syndicales. Dernière affaire en date : il a été convoqué le 28 mars au tribunal administratif de Versailles pour une sombre affaire de « séquestration » datant de 2010. Le but avoué est son licenciement, bien que celui-ci ait déjà été refusé par l’Inspection du travail, le Tribunal administratif et même par l’ancien ministre du travail de Sarkozy, Xavier Darcos, qui n’est pourtant pas réputé pour être un ami des syndicalistes. La direction organise méthodiquement un plan visant les leaders syndicaux combatifs, utilise tous les moyens à sa portée pour faire pression sur eux, et dans cet objectif, la justice bureaucratique est un instrument extraordinaire. Dans le cas de cette nouvelle attaque, la direction essaie de faire valoir l’argument fumeux selon lequel Gaël aurait « un comportement anxiogène vis-à-vis de l’ensemble de la ligne managériale » ! Avec de pareilles inventions, on en viendrait presque à s’inquiéter des conditions de travail de ceux qui sont payés pour détruire les nôtres !

Pour savoir comment résister et faire front contre la répression, il faut bien comprendre que tous les syndicalistes de la Poste ne subissent pas le même traitement ; si nous sommes ici en présence d’un véritable acharnement judiciaire et politique contre Gaël, c’est parce qu’il représente tout ce qui est susceptible d’effrayer le patronat : un syndicalisme de lutte, non sectaire, contre les suppressions d’emplois, qui cherche à faire le pont avec les autres secteurs combatifs et qui crée des liens dans la perspective d’une grève générale.

Solidarité de classe

C’est grâce aux liens créés que nous pouvons assurer une vraie défense, grâce à une solidarité de classe consciente. Preuve en est le rassemblement de soutien à Gaël devant le tribunal, le 28 mars, qui a réuni plus de 200 personnes venues d’horizons divers : la CGT Mines-Énergie, Mickaël Wamen, Info’Com-CGT, plusieurs bureaux de poste qui ont récemment fait grève, sans compter les messages de soutien provenant de toute la France et du monde entier. Frédéric Lordon, également présent, a déclaré : « Les puissants qui règnent sur cette époque considèrent comme un scandale qu’on leur tienne tête, et trouvent anormaux et criminalisables tous ceux qui leur tiennent tête. Alors des gens comme Gaël ne sont pas les bienvenus dans cet univers, mais cet univers-là n’est pas le leur, c’est le nôtre, et c’est nos règles que nous devons y faire prévaloir. Alors quand des gens se battent pour nous, notre devoir est de se battre pour eux ».

Face au patronat et à l’État, c’est aux salariés de choisir leurs représentants, ceux qui sont à même de les défendre. Et cette confiance, aucun tribunal ne pourra jamais la briser.


Correspondant



[DERNIÈRE MINUTE] 

Ils veulent licencier Gaël ?
Les postières et postiers ne se laisseront pas faire ! 

La cour administrative d’appel de Versailles vient donc de décider - ce mardi 25 avril 2017 - d’annuler les deux refus de licenciement prononcés par le ministre du Travail en 2011 et par le tribunal administratif en 2014. 

Gaël va donc repasser devant l’inspection du travail. Il risque d’être licencié d’ici quelques mois car il a été déclaré coupable pénalement de « séquestration » suite à une occupation de la direction départementale dans le cadre d’une grève... en 2010. 

En s’acharnant contre Gaël, en lançant des procédures de licenciement contre Xavier (SUD Poste 92) ou contre Franck (SUD Poste Paris 8), La Poste cherche à faire taire la contestation. Face à cette politique, les représentants de SUD Poste 92 ont indiqué à Versailles lors du rassemblement du 28 mars que leur syndicat se donnera les moyens de maintenir l’activité syndicale de Gaël en direction des centres postaux, même en cas de licenciement. Une manière d’affirmer que c’est aux postières et postiers coûte que coûte de choisir leurs représentants, pas aux patrons.

Correspondant