Communiqué de Izquierda Anticapitalista Revolucionaria
Le processus en Catalogne continue d’avancer. L’accentuation du conflit entre l’État espagnol et la Catalogne montre de plus en plus nettement les intentions de chaque partie. La position du gouvernement du PP [Parti populaire, droite] et de ses satellites est déjà plus que claire : pas la moindre intention d’un rapprochement de quelque type que ce soit, répression et pari sur une décomposition progressive du processus.
Ce n’est pas un pari innocent, mais une volonté délibérée de mettre un frein à l’amplification du conflit, avec la répression qu’ils ont menée durant cette dernière période et surtout le 1er octobre, ce qui leur permet d’accumuler des forces afin d’exécuter leurs politiques avec une assise et un soutien maximaux.
D’une part, dans ce contexte d’impasse, les déclarations du roi donnent confiance aux secteurs les plus conservateurs et préparent le terrain au gouvernement pour qu’il utilise des mesures telles que l’article 155 [de la Constitution espagnole. Le chef du gouvernement central Mariano Rajoy a annoncé dans la journée - après la publication de ce communiqué - avoir formellement demandé au président régional catalan Carles Puigdemont de confirmer s'il a déclaré l'indépendance lors d’une séance confuse au parlement catalan hier, cette demande entrant dans le cadre de la procédure permettant l’application de l’article 155 qui placerait la Catalogne sous tutelle], voire même l’intervention de l’armée avec une légitimité renforcée. D’autre part, les mobilisations autour de « l’unité de l’Espagne » se poursuivent dans tout l’État espagnol, et bien qu’elles ne soient pas les seules mobilisations en cours, elles rassemblent une base sociale de plus en plus considérable, ce qui favorise toute politique réactionnaire qui pourrait être menée par le gouvernement central contre la Catalogne.
Cette poussée réactionnaire contraste avec les mouvements qui se sont déroulés ces derniers jours en Catalogne. Ces mouvements commencent à rendre visible quelque chose qui était déjà sous-jacent : des secteurs de plus en plus importants du PDeCat [Parti démocrate européen catalan de Puigdemont, droite indépendantiste] expriment de la méfiance par rapport au processus et en appellent de plus en plus à la nécessité d’un dialogue avec le gouvernement central. L’approche initiale prévoyait que 48 heures après un résultat favorable à l’issue du référendum, la procédure vers l'indépendance serait amorcée ; une semaine plus tard, de plus en plus de déclarations suscitent des incertitudes à ce sujet.
Les propos de Puigdemont invoquant la nécessité d’un dialogue ; l’article de Santi Vila, ministre de l’Entreprise du gouvernement catalan, qui stipule qu’une déclaration unilatérale d’indépendance (DUI) n’est pas possible dans ces conditions et qu’il faut donner une chance au dialogue, etc. ; auxquelles viennent s'ajouter la pression des entreprises et des deux plus grandes banques catalanes (Sabadell et CaixaBank), qui ont changé la domiciliation de leur siège social : tout cela témoigne de plus en plus clairement de reculs concernant la DUI.
L’État espagnol profitera de la moindre faille dans le processus pour introduire des éléments de plus en plus réactionnaires et centralistes. Un pas en arrière du mouvement donne confiance au gouvernement central pour maintenir sa politique et la durcir, d’autant plus qu’il existe maintenant une base sociale mobilisée dans tout l’État et qui demande une plus grande centralisation et une plus grande répression en Catalogne. La manifestation à Barcelone le 8 octobre, ou les manifestations chauvines de type « espagnolistes » de la semaine dernière, constituent une démonstration de la façon dont commencent à s’accumuler des forces qui ne peuvent mener à rien de bon.
Le recul de la Generalitat montre clairement que le degré de polarisation qui est en train de se créer vis-à-vis du gouvernement central ne convient pas aux secteurs économiques qu'elle représente. IZAR considère que c’est le moment de défendre et de renforcer un processus d’auto-organisation en Catalogne et dans tout l’État espagnol pour répondre à la poussée en faveur du gouvernement, de la monarchie et des secteurs les plus conservateurs.
Il est essentiel que notre classe sociale apporte sa propre réponse, et qu’elle ne se place pas derrière les positions de Puigdemont et de Junqueras [représentant de la gauche républicaine de Catalogne, gauche indépendantiste] qui ne défendent pas les mêmes intérêts que nous. Face aux pressions qu’ils tentent de créer avec le départ des entreprises catalanes, notre réponse ne peut être de les rassurer sur leur possibilité de faire des bénéfices s’ils restent en Catalogne, mais de permettre que les travailleurs maintiennent leurs emplois ; et si les patrons veulent partir, qu’ils partent, mais que les entreprises restent en Catalogne et qu’elles soient contrôlées par les travailleurs.
Il en va de même des banques. La solution est de les exproprier, et de placer les secteurs stratégiques de l’économie catalane sous le contrôle et la direction des travailleurs, qui sont ceux qui doivent défendre leur travail. Devant la poussée de l’extrême droite « espagnoliste » et le recul de la Generalitat, nous devons mettre en échec les secteurs qui ont des intérêts économiques en Catalogne, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur. Nous devons poursuivre la grève du 3 octobre, faire pression pour que les résultats du référendum du 1er octobre puissent être rendus effectifs, et lutter pour que les piliers institutionnels et économiques du régime tombent : mettre fin à la monarchie, mettre fin au remboursement de la dette, abroger les réformes du travail, et de nombreuses autres revendications entendues dans les rues depuis le début de la crise.
Et tout cela doit être imposé par la rue, par le biais de comités (dans les entreprises, les lieux d’études et les quartiers) défendant réellement le droit de décider, lequel s’est exprimé lors du référendum, face à la réaction des uns et les reculs des autres.
De plus, il est temps que la classe ouvrière de l’État espagnol dans son ensemble profite des failles du régime pour donner une réponse coordonnée et énergique. La crise ouverte en Catalogne est un coup dur pour le régime des 78 [mis en place après la mort de Franco], responsable des réformes du travail, des expulsions, des licenciements et des baisses des pensions de retraite, et qui fait de l’affirmation de l’unité de l’Espagne un de ses piliers pour imposer de telles mesures.
Il est indispensable que dans tout l’État espagnol, dans les lieux d’étude et de travail, celles et ceux – organisés ou non – qui ont lutté ces dernières années fassent preuve de solidarité et de soutien mutuel. La lutte des travailleurs catalans est la même lutte que celle de tous les travailleurs de l’État espagnol.
Profitons de la division qui existe dans le camp des capitalistes et des gouvernements qui ont appliqué des politiques antisociales ces dernières années pour que, en plus de lutter pour le droit à l’autodétermination, nous puissions également regagner nos droits sociaux. En Catalogne comme dans le reste du pays, seule une classe ouvrière qui se mettra en mouvement et utilisera ses propres méthodes de lutte nous permettra d’imposer à la fois le droit de décider et la reconquête de nos droits en tant que travailleurs.
IZAR, 11/10/17
Traduction : Gaël Klement