« On a fait le choix de ne pas se résigner face à cette condamnation »

Entretien. Nous avons rencontré Victor Mendez, militant NPA jeunes à Nanterre, condamné le 17 octobre à quatre mois avec sursis pour des faits remontant à la mobilisation du printemps contre la sélection à l’université. Lors du même procès, un autre militant a été condamné à 6 mois ferme. Les étudiants ont fait appel, et une campagne pour leur relaxe se développe. 


Peux-tu nous rappeler ce qu’il s’est passé le 9 avril dernier à la fac de Nanterre ?

Le 9 avril dernier, nous avions décidé de tenir une assemblée générale, dans le cadre de la mobilisation contre Parcoursup et la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants) dans l’amphi occupé par des étudiantEs. Une semaine plus tôt, le week-end, nous avions demandé une salle dans l’université pour tenir une des premières coordinations nationales étudiante du mouvement. La présidence de l’université de Nanterre nous avait refusé la réservation de l’amphi, donc nous l’avions pris avec les déléguéEs de la coordination nationale étudiante. On a tenu comme prévu notre week-end et à la fin du week-end, M. Balaudé, le président de la fac de Nanterre, se félicitait même de la bonne tenue de la CNE alors qu’initialement il l’avait refusée.
J’arrive le lundi et j’apprends qu’un groupe de militantEs de la fac a décidé d’occuper une salle pour protester contre la loi ORE et sur toute une série d’autres revendications. Ils ont fait un communiqué de presse qu’ils ont transmis à la fac, et celle-ci a déclaré qu’ils étaient des éléments extérieurs à l’université et qu’il fallait les dégager. La présidence a fermé administrativement l’université et appelé les CRS qui sont venus sur la fac. Dans la foulée, nous avons organisé un rassemblement pour exiger que la police quitte les lieux. Ce qu’ils ont fait au bout d’un moment. Nous sommes alors rentrés dans la salle occupée pour y tenir une assemblée générale. Pendant que l’on débattait, les CRS sont entrés par surprise dans la salle. Ils sont passés par les tunnels de la fac. Ils nous faisaient sortir un par un, on savait qu’ils voulaient attraper certaines personnes, ils nous ont traînés par terre, poussés, matraqués pour nous sortir violemment alors que nous n’avions rien fait de mal. Sept d’entre nous ont été interpellés, trois ont eu des poursuites judiciaires et une condamnation le 17 octobre : Stan a été relaxé, moi j’ai pris 4 mois avec sursis et Roga a eu 6 mois ferme. On a fait appel et la campagne pour la relaxe ne fait que commencer.

Quel sont les faits qui vous sont reprochés ?

À moi, on reproche des violences envers un agent dépositaire de l’autorité publique. Le dossier est vide. Le seul élément à charge est le témoignage du policier alors que de notre côté, nous avons plein de témoignages montrant de quel côté était la violence, avec des témoignages de personnels de la fac. Même le président s’est positionné pour dire que nous n’avions pas été violents, il s’est même excusé pour les faits qui ont eu lieu ce jour-là, et à l’arrivée je suis pourtant condamné à quatre mois de prison avec sursis, c’est exactement le réquisitoire qu’avait fait la procureure, c’est totalement absurde.

Comment se sont déroulés le procès et les réquisitions de la procureure ?

Le réquisitoire présenté le 19 septembre était extrêmement élevé : 6 mois de prison ferme pour Roga, 4 mois de prison avec sursis pour Stan et moi alors que les accusations sont totalement infondées. Roga est accusé d’avoir donné plusieurs coups de poing à un policier. Or, le jour du procès, ce policier n’est même pas venu, il a été dit que ce n’était pas « des » mais « un » coup de poing, qui a été dévié par le mouvement de foule et qui a frôlé la joue du policier. D’une part, seul le témoignage du policier relate ces événements et ensuite, dans tous les cas, on ne doit pas prendre 6 mois ferme pour ça !

Un collectif de soutien vient de naître, peux-tu nous en parler ?

C’est un collectif unitaire qui va du NPA jusqu’au PCF en passant par la FSU, certaines sections de la CGT, l’UNL, l’UNEF. IL y a aussi des militantEs de la fac autour de l’extrême gauche, des autonomes, de l’UNEF, de La France insoumise qui sont mobilisés pour la relaxe. On a également le soutien aussi de pas mal d’enseignants.
Nous, on pense que derrière cette condamnation politique, il y a une volonté d’intimider les militantEs qui se battent aujourd’hui contre un gouvernement bourgeois, celui de Macron, en faveur des capitalistes. Mais nous n’acceptons pas cette société de merde que veut nous imposer ce gouvernement. On veut une autre société dans laquelle les facs sont ouvertes à toutes et tous, financées à hauteur des besoins, où on a le contrôle sur nos vies. C’est pas ces parasites-là qui vont diriger, décider de ce que l’on fait dans nos études, avec notre travail. On a fait le choix de ne pas se résigner face à cette condamnation mais de mettre en place tous les moyens possibles pour obtenir notre relaxe et pour faire la démonstration que cette justice est une justice de classe. Les militants doivent être relaxés pour les faits qui leur sont reprochés, que ce soit pour le mouvement dernier, celui contre la loi travail ou toutes les luttes qui existent sur les lieux de travail et d’études.
C’est un collectif très large, son objectif est de dénoncer cette justice et d’obtenir la relaxe pour Roga et moi. Et le seul moyen pour que la justice fasse réellement justice c’est d’obtenir la relaxe !
La prochaine réunion du collectif aura lieu le mardi 13 novembre.

Propos recueillis par la rédaction
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 450 (08/11/18)


Extrait de l’appel du collectif de soutien 

Après le scandale de Montpellier, où le doyen de la faculté de droit avait chargé une milice d’extrême de droite de s’en prendre aux étudiantEs mobilisés, les présidences d’université ont successivement fermé les sites touchés par les blocages et les occupations, prétextant des raisons de sécurité afin d’affaiblir la mobilisation. La contestation se généralisant, la réponse n’a plus été la fermeture, mais les interventions policières. Ainsi les campus de Nantes, Bordeaux, Paris, Lille, Caen, Dijon, Grenoble, Strasbourg ont connu de brutales interventions. Pis, les CRS ont frappé les étudiantEs et les cheminotEs rassemblés sur le campus de Lille 2.
C’est dans ce contexte que, le 9 avril, la police est intervenue à Nanterre pour déloger les étudiantEs réunis en assemblée générale malgré la fermeture administrative. Ces derniers, longuement séquestrés, ont été frappés, traînés, plaqués et molestés malgré leur total pacifisme. Du gaz lacrymogène a été utilisé dans la salle. Le résultat de cette opération a été plusieurs blessés, dont un grièvement.
L’irruption des CRS dans un amphithéâtre d’université reste un fait grave.
À cela s’ajoute l’arrestation de sept étudiants, dont six ont été placés en garde à vue alors qu’ils n’opposaient aucune résistance. Ils ont passé la nuit et la journée suivante au poste avant d’être libérés.
Trois d’entre eux ont donc ensuite été poursuivis, dont deux condamnés aujourd’hui à des peines de prison ferme ou avec du sursis ! Tout cela pour avoir participé à une AG à la fac contre Parcoursup ! Rien ne justifie depuis le départ cette procédure par ailleurs entachée de nombreuses irrégularités, comme a pu largement le faire valoir la défense.  
Bien évidemment, les deux étudiants de Nanterre font appel de leur condamnation car ils sont déterminés à obtenir leur relaxe, et ils ont raison ! Cet appel est suspensif.
Nous exigeons plus que jamais la relaxe pour Victor et Roga. Nous refusons de voir leur avenir remis en cause par cette décision de justice. Par cette condamnation, c’est évidemment un message qui est envoyé à la jeunesse comme à l’ensemble du mouvement social : on devrait désormais non seulement craindre la répression quand on manifeste mais aussi quand nous nous réunissons simplement pour discuter ensemble et construire une mobilisation face à la politique du gouvernement. Nous n’accepterons jamais une telle situation. Il y a maintenant urgence à lancer une campagne la plus large et unitaire possible pour obtenir leur relaxe en appel.