La « reprise » de tous les dangers dans l’Éducation nationale

Le retour des élèves de 6e et 5e dans les collèges dans les régions dites « vertes » a donc commencé lundi 18 mai. Et on est loin du « retour à l’école des décrocheurs » : c’est même tout le contraire !

Dans les établissements situés dans les quartiers populaires, la reprise s’effectue avec des « classes » parfois réduites à deux ou trois élèves, dans une ambiance qui oscille entre celle d’un hosto et celle d’une prison malgré les fenêtres qui doivent rester largement ouvertes en permanence (même s’il fait froid ou s’il y a du bruit autour…).  

Quel « protocole sanitaire » ?

Pas ou très peu de récréations, aucune possibilité de contact physique, interdiction de toucher aux livres, aux dictionnaires, de se passer les stylos ou les paires de ciseaux, pas de demi-­pension, pas de pratique sportive collective, pas de sorties pédagogiques, mais « des sens de circulation », de la rubalise partout, des litres de gel hydroalcoolique en embuscade derrière chaque porte, des profs masqués et distants, eux-mêmes stressés et peu enthousiastes…

Le collège de la « reprise » au temps du Covid-19 ne permet aucunement la réappropriation d’un lieu collectif d’apprentissage à des élèves assignés à une même place pour plusieurs heures, rendus souvent inaudibles par le port du masque obligatoire et inquiets à l’idée de ne pas respecter les « gestes barrières » et le bon lavage des mains ! L’expression « protocole sanitaire » est envisagée sans doute par le ministère de l’Éducation et ses antennes académiques ou départementales comme quelque chose de « rassurant » vis-à-vis des personnels, des élèves et de leurs parents… Mais c’est tout le contraire qui est en train de se passer. Ce « protocole sanitaire » impossible à appliquer sans transformer les établissements scolaires en caserne, recèle des failles majeures par rapport à la diffusion du virus. Les masques fournis par l’Éducation nationale aux personnels et aux élèves des collèges ne sont pas des masques de protection individuelle (FFP2 par exemple), et ce ne sont même pas des masques chirurgicaux... Ce sont des masques dits « grand public », dont la notice annonce clairement une « efficacité de filtration supérieure à 90 % pour les particules de 3 microns émises par la personne qui porte le masque ». C’est bien la preuve qu’elle ne protège pas les porteurEs du masque.

Reprendre quoi qu’il en coûte ?

La raison, pas difficile à comprendre dès qu’on s’équipe de ces masques qui semblent aussi fragiles que l’honnêteté de Blanquer, c’est ce qu’on appelle « un taux de fuite » important : les masques ne sont pas étanches sur le visage, et si une partie de l’air aspiré passe à travers le masque et est filtré, une partie éventuellement non négligeable passe entre le masque et le visage. Mais qu’importe, il faut reprendre quoi qu’il en coûte... Sans même parler des tests qui ne sont pas pratiqués à grande échelle avant de remettre jeunes et adultes en contact dans les établissements scolaires.

Le 18 mai Blanquer a été obligé de reconnaître que 70 écoles ou établissements rouverts depuis le 11 mai connaissent des cas de Covid, mais il a eu le culot d’affirmer que ce n’est pas à l’école que les personnes malades avaient attrapé le virus ! Circulez... (comme le virus), y a rien à voir ! Les premières mobilisations collectives ont eu lieu timidement ce lundi : grèves dans quelques écoles maternelles, où l’application des gestes barrières est encore moins possible qu’ailleurs, rassemblements devant les inspections académiques pour dénoncer les conditions indignes de la « reprise »... C’est un sillon à tracer rapidement si on ne veut pas que les établissements scolaires deviennent des casernes dans lesquelles déferlera la deuxième vague épidémique !

Marie-Hélène Duverger