La question palestinienne

Dans cet article, nous traiterons de la question de la Palestine, en revenant d’abord sur les éléments historiques, avant de nous concentrer sur l’actualité et les revendications des révolutionnaires. 


1. Retour historique sur le Moyen-Orient depuis le XXe siècle : comment le colonialisme occidental transforme une région en poudrière


Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le territoire sur lequel allait être établi l’État d’Israël était une province de l’Empire turc, également appelé Empire ottoman. La Palestine n’existait même pas comme subdivision administrative. Environ 700 000 Arabes et 85 000 Juifs cohabitaient aussi bien qu’il était possible de le faire dans un régime féodal.


La déclaration Balfour


En novembre 1917, après s’être emparée de la Palestine aux dépens de l’Empire ottoman grâce à la collaboration des combattants bédouins, la Grande-Bretagne promit aux sionistes de favoriser l’établissement d’un foyer national juif, à travers la « Déclaration Balfour », une lettre ouverte de Lord Arthur Balfour, ministre des Affaires étrangères pendant la Première Guerre mondiale et chef du Parti conservateur. Par ailleurs, la Grande-Bretagne avait déjà fait miroiter l’indépendance aux Arabes. L’émigration des Juifs en Palestine fut alors fortement favorisée, et les terres des Arabes expropriées, dans le seul but de garantir les intérêts économiques de l’Empire britannique. Comme le soulignait Lord Balfour : « Le sionisme est plus important que les désirs et les préjugés de 700 000 Arabes. » Voilà comment une cohabitation entre Juifs et Arabes vieille de plusieurs siècles fut remise en cause pour des décennies.


L’Empire turc s’étant allié à l’Allemagne pendant la guerre, il se retrouva en 1918 dans le camp des vaincus. Cela permit aux puissances impérialistes française et britannique de justifier le découpage de la région lors des accords Sykes-Picot. Les capitalistes de ces pays, en particulier ceux de Grande-Bretagne, s’intéressaient aux réserves de pétrole qui venaient d’être découvertes. La France, quant à elle, possèdait déjà le réseau de chemins de fer et les routes, plusieurs ports et de nombreuses sociétés agricoles, et elle espérait installer sa domination dans la région. Ces États qui se prétendaient démocratiques, par opposition à l’Empire turc ou à l’Allemagne, ne demandèrent pourtant pas l’avis des populations au moment de se partager la région. La Société des Nations (SDN, ancêtre de l’ONU), censée pourtant assurer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, reconnut la mainmise de la France et de l’Angleterre sur ces régions en leur fournissant des mandats officiels pour mettre les peuples sous tutelle. Ce fut une opération pseudo-démocratique, qui justifiait le colonialisme, et qui allait être souvent utilisée par la suite.

 
Mais avec la Révolution d’Octobre en Russie, les archives tsaristes tombèrent entre les mains du premier gouvernement ouvrier de l’Histoire, qui publia tous les accords secrets signés sur le dos des populations. Cela provoqua un scandale énorme.


Qu’est-ce que le sionisme ?


Le sionisme ne se confond pas avec la religion juive : c’est un courant politique, plutôt que religieux. Face à la montée de l’antisémitisme en Europe à la fin du XIXe siècle, plusieurs intellectuels juifs européens développèrent l’idée qu’il fallait fonder un État juif (baptisé « Sion », du nom d’une colline de Jérusalem) quelque part sur la planète. Le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, hésitait entre l’Argentine, Chypre et l’Ouganda ; il opta finalement pour la Palestine. Cela montre qu’il n’y avait rien qui justifiait la Palestine en tant que « Terre promise », si celle-ci pouvait se situer aussi bien en Amérique du Sud ou en Afrique.

 
Il est évidemment légitime qu’une population discriminée cherche à se fixer dans un lieu où elle pourra vivre en paix. Mais le projet sioniste était loin de se définir comme tel, il était surtout conçu, selon Herzl, comme un « avant-poste contre l’Asie, l’avant-garde de la civilisation contre la barbarie » dans la plus pure logique coloniale, ce qu’illustre le slogan sioniste « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Il y avait pourtant 700 000 Arabes sur cette prétendue « terre sans peuple ».


Fin de la Deuxième Guerre mondiale et du mandat britannique


L’antisémitisme hitlérien ne fut pas la seule cause au développement du sionisme. Les « démocraties » qu’étaient l’Angleterre et la France n’hésitèrent pas à fermer leurs frontières aux Juifs qui fuyaient les persécutions.


En 1945, au sortir de la guerre, la Palestine comptait environ 1 200 000 Arabes et 600 000 Juifs. Les États-Unis et les pays d’Europe auraient pu accueillir les centaines de milliers de réfugiés juifs, mais en l’absence d’une telle politique, ce furent les revendications des sionistes, pour la création d’un État juif sans Arabes, qui apparurent comme une perspective et un espoir aux yeux des réfugiés.
L’ONU, qui prétendait être une institution neutre, garante de la défense des droits de l’homme, proposa alors de créer deux États, l’un juif et l’autre arabe, amenés à former une union économique.


Avant la fin du mandat britannique, les sionistes occupèrent un maximum de terres, par le massacre ou l’expropriation des populations arabes. Pour les Palestiniens, ce fut la « Nakba » (catastrophe), avec un million de réfugiés sur les routes. Le 15 mai 1948 eut lieu la proclamation de l’État d’Israël. Ce dernier allait voir le jour sur un territoire encore plus important que ce qui était prévu par le plan de partage de l’ONU. En fait de « partage », il s’agissait plutôt d’un pillage. Au lendemain de l’indépendance, les forces arabes entrèrent en Palestine : ce fut le début de la guerre israélo-arabe.


Après 1948, des centaines de milliers de Palestiniens se retrouvèrent dispersés dans des camps de réfugiés en Jordanie, au Liban, en Syrie ou dans la bande de Gaza. Depuis plus de 70 ans, des générations de Palestiniens naissent, vivent et meurent dans les camps de réfugiés. Dans des conditions effroyables, avec un chômage forcé dans des bidonvilles gigantesques, ils subsistent grâce à la distribution quotidienne des rations offertes par l’ONU, qui sont largement insuffisantes.


Une Palestine judéo-arabe, démocratique et respectant les intérêts des deux peuples, aurait pu être un formidable exemple pour tout le Moyen-Orient et même au-delà. Les différences de cultures, d’éducation et de traditions n’auraient pas été un obstacle insurmontable pour construire une autre société. Mais la politique des militaires sionistes transforma la population israélienne en un peuple-soldat, dominé par un rabbinat réactionnaire et obscurantiste. En effet, l’État d’Israël est un État militaire qui ne survit que grâce au soutien des grandes puissances, en particulier des États-Unis. Ceux-ci portent une grande part de responsabilité dans les conflits qui se sont succédé depuis 70 ans. Nouvelle puissance dominante depuis leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis avaient besoin de disposer de régimes et d’armées pouvant leur servir de relais dans cette région riche en pétrole. Le régime israélien allait avoir cette utilité.


Pourtant, la population du nouvel État d’Israël ne comptait pas que des réactionnaires. Une grande partie des militants sionistes étaient mus par des convictions inspirées des idées socialistes, qu’ils pensaient pouvoir concrétiser sur place. Les implantations agricoles de l’époque témoignaient d’un état d’esprit collectif et égalitaire. C’étaient des « kibboutzim », des fermes dans lesquelles les pionniers juifs mettaient en commun les fruits de leur travail. Mais en établissant leurs colonies au mépris des populations arabes, ils ne produisirent qu’une caricature de socialisme, qui n’avait rien de révolutionnaire. 


Conflits et accords


Les premiers succès israéliens eurent lieu en 1949. La première guerre israélo-arabe prit fin par les accords d’armistice de Rhodes. Au terme de cette première guerre, l’Égypte et la Jordanie défaites récupérèrent les restes du gâteau : la bande de Gaza et la Cisjordanie. Cependant, des tensions « froides » eurent lieu au Proche-Orient dès 1956, qui conduisirent à la Guerre du Sinaï. Le 29 octobre, l’armée israélienne renforça les troupes franco-britanniques qui pénétrèrent en Égypte. Les opérations cessèrent sous la pression des États-Unis et de l’URSS. Israël retrouva ses frontières de 1949. 


Quelques années plus tard, en 1964, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) fut fondée.


Le 5 juin 1967, les Israéliens lancèrent plusieurs attaques et occupèrent des territoires, enclenchant la Guerre des Six Jours. En six jours, Jérusalem-Est, la Cisjordanie, le Golan et Gaza furent occupés. La résolution 242 de l’ONU exigeait « le retrait des Israéliens des territoires occupés », mais Israël refusa. Des centaines de milliers de réfugiés supplémentaires vinrent s’entasser dans les camps de Jordanie ou du Liban. Cette situation donna une forte impulsion au mouvement nationaliste arabe et des milliers de combattants vinrent rejoindre le mouvement de libération nationale de Palestine, le Fatah, créé en 1959 et dirigé par Yasser Arafat. Cependant, la politique de ce dernier, qui se concentrait sur le problème palestinien, était très critiquée par d’autres organisations de résistance palestinienne qui se donnaient des objectifs plus vastes et combattaient aussi les dictatures arabes. Arafat, lui, s’était engagé à ne pas « exporter » la révolte palestinienne dans les pays arabes voisins, en échange d’un soutien matériel et financier. Les États arabes disaient soutenir les Palestiniens et finançaient les organisations de résistance, mais pour mieux chercher à les contrôler. Les organisations de résistance nationale devinrent les représentants d’intérêts particuliers qui s’affrontèrent au sein de l’OLP : les intérêts des classes possédantes du Koweït ou d’Arabie Saoudite, par exemple, qui financèrent les commandos du Fatah en se préoccupant peu du sort des exploités. Puis les organisations les plus à gauche tombèrent peu à peu sous la coupe de l’Union Soviétique ou de la Syrie.


Toutefois, la résistance palestinienne en exil n’était pas totalement matée. En 1970, elle était organisée en groupes qui constituaient un véritable contre-pouvoir face à la monarchie en place en Jordanie. Elle fut néanmoins écrasée par les troupes du roi Hussein de Jordanie, alliées à Yasser Arafat et à la direction de l’OLP. Cet événement, qui restera dans l’Histoire sous le nom de « Septembre noir », fit 3 500 morts, 10 000 blessés et entraîna un nouvel exil vers le Liban. Plutôt que d’appuyer la résistance palestinienne et le renversement de la monarchie, une grande partie de l’OLP, par intérêt, préfèra soutenir le roi et les massacres. L’OLP adopta la stratégie suivante : mener des opérations de terrorisme international (prises d’otages de touristes occidentaux dans les grands hôtels, détournements d’avions, etc.) pour convaincre l’opinion publique occidentale du bien-fondé de la cause palestinienne, plutôt que de soutenir des mouvements de masse.


L’année 1973 fut marquée par la Guerre du Kippour. Le 6 octobre, Égyptiens et Syriens enfoncèrent les lignes israéliennes, avant de se retirer face à la contre-offensive. Le 24, les forces arabes furent contraintes au cessez-le-feu.


Cette même année, au Liban, grèves et manifestations commencèrent à se succéder. Des groupes armés se constituèrent dans les quartiers populaires, qui comptaient de nombreux réfugiés palestiniens. Cependant, en 1975, comme en Jordanie cinq ans plus tôt, les classes dominantes déclenchèrent une guerre civile préventive contre la population libanaise et les réfugiés, à coup de bombardements aériens sur les quartiers pauvres. Mais cette méthode était insuffisante et l’armée elle-même se décomposait. La bourgeoisie libanaise décida alors de financer des milices d’extrême droite, les Phalanges, inspirées des phalanges de la dictature franquiste en Espagne. Il fallut finalement une intervention de l’armée syrienne en 1976 pour mater la révolte. Cette insurrection populaire fut annihilée avant de pouvoir faire tache d’huile, et la guerre civile laissa la place à une guerre confessionnelle entre chrétiens et musulmans.


En 1975, Arafat avait clairement annoncé son intention de laisser les milices d’extrême droite massacrer la classe ouvrière et les pauvres qui s’étaient soulevés : « Tout ce qui se passe au Liban est injustifiable. La révolution palestinienne sait pour sa part que le véritable champ de bataille se trouve en Palestine et qu’elle ne peut tirer aucun bénéfice d’une bataille marginale qui la détournerait de son véritable chemin. » Il savait que cette bataille n’avait rien de « marginal », mais il savait aussi qu’il risquait de perdre le soutien des États arabes s’il défendait une lutte commune des Palestiniens et des Libanais contre leurs oppresseurs.


En 1978, les accords de Camp David furent signés entre Israël et l’Égypte. Les Israéliens poursuivirent leur retrait du Sinaï. Cela n’empêcha pas l’invasion du Sud Liban par Israël en 1982, puis le siège de Beyrouth-Ouest, fief de la résistance palestinienne. Dans les camps de Sabra et Chatila, le massacre des réfugiés palestiniens fut alors perpétré par les troupes du général Sharon, membre de l’extrême droite israélienne, et fit plus de 3 000 morts.


Intifadas et processus de paix


Décembre 1987 marqua le début de l’Intifada dans les territoires occupés. L’Intifada – « le réveil » ou « le soulèvement » en arabe –, commença par un accident de la circulation. Le 7 décembre, un camion militaire israélien fit trois morts en heurtant un taxi collectif transportant des ouvriers palestiniens. Les premiers projectiles de ce qui allait devenir la « guerre des pierres » commencèrent alors à voler vers les soldats. En une semaine, le soulèvement s’étendit à l’ensemble des territoires occupés.


L’État israélien décida de « mater la subversion », selon la formule employée par le ministre de la Défense de l’époque, Yitzhak Rabin. De nombreuses méthodes furent employées pour briser la révolte. Le couvre-feu fut instauré dans les territoires occupés : les militaires tiraient à vue sur ceux qui ne le respectaient pas. Des centaines de maisons furent rasées à titre de représailles. La tactique de l’armée consistait aussi à tirer pour blesser de façon irrémédiable les jeunes combattants de l’Intifada. La population palestinienne compte aujourd’hui de nombreux hommes jeunes ou moins jeunes qui sont handicapés à vie : blessés aux genoux par des balles en plastique, ou bien paralysés après avoir reçu une balle tirée dans le dos.


C’est au sein même de l’armée israélienne que les premières fissures apparurent. Les soldats qui faisaient leur service militaire commencèrent à douter sérieusement des opérations de police et de répression menées contre d’autres jeunes du même âge qu’eux. 1 500 militaires israéliens refusèrent de servir dans les territoires occupés, et 150 d’entre eux écopèrent de peines de prison.


La Conférence de Madrid et le début du processus de paix eurent lieu en 1991. Sur le terrain, parmi les populations arabes, ce furent les mouvements islamistes qui gagnèrent de l’audience en apparaissant comme plus radicaux qu’Arafat. De plus, au début des années 1990, le capitalisme mondial entra dans une nouvelle phase de concurrence ultra-violente, qui provoqua une succession de fusions d’entreprises et de concentrations de capitaux aux quatre coins du globe. Quant aux patrons israéliens, soumis à la pression de la concurrence, ils avaient quand même besoin d’accéder aux territoires occupés qui leur fournissaient des débouchés, et surtout une main d’œuvre palestinienne qu’ils ne se gênaient pas pour surexploiter.


Le processus de paix permit d’imposer des règles de circulation encore plus restrictives. Seuls les adultes capables de travailler, avec le bon profil, étaient autorisés à quitter les territoires occupés. Mais cette guerre menée à l’extérieur, les différents gouvernements israéliens la menèrent aussi à l’intérieur contre les citoyens israéliens, aussi bien arabes que juifs. Des politiques antisociales, ultra-libérales, furent appliquées, provoquant plusieurs mouvements de grèves et de manifestations parmi les travailleurs israéliens.


En septembre 1993, les accords d’Oslo furent signés à Washington par Rabin et Arafat. Ce fut la naissance de l’« autonomie palestinienne » à Gaza et Jéricho. L’OLP, pouvant ainsi remplir pleinement son rôle d’organisation anti-ouvrière, prit très vite l’habitude de collaborer avec l’armée israélienne. La police palestinienne fit la chasse à tous ceux qui critiquaient les négociations, employa la torture et arrêta même des avocats défenseurs des droits humains. Les médias, stations de radio et chaînes de télévisions furent placés sous le contrôle de l’Autorité palestinienne, alors créée pour gouverner des morceaux de territoires palestiniens (Gaza et villes de Cisjordanie). Cette « autonomie » n’était clairement pas celle des masses populaires palestiniennes, qui furent de plus en plus opprimées, confrontées à des urgences humanitaires (accès à l’eau potable, etc.) malgré le retrait des troupes israéliennes de territoires comme à Gaza et Jéricho. Deux ans plus tard suivirent les accords d’Oslo II et le retrait des troupes israéliennes de portions de Cisjordanie.


Toutefois, en juillet 2000, les négociations pour la paix sur un statut final des territoires occupés échouèrent. Israël refusant toujours de transiger sur des points tels que la reconnaissance de Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien, le démantèlement des colonies ou le droit au retour des réfugiés. La frustration gagna même la population arabe vivant dans l’État d’Israël, d’autant plus que Tsahal – l’armée israélienne – employait à son égard les mêmes méthodes barbares que dans les territoires occupés. La situation était au point mort, Arafat et l’OLP ne convainquaient pas, pas plus que les prétendus artisans de la paix qu’étaient Rabin et Barak, tous les deux membres du Parti travailliste israélien. Cette situation, et toute une accumulation de violences et de répression, expliquent pourquoi l’explosion eut lieu quelques mois après. En effet, fin septembre 2000, la visite de l’Esplanade des mosquées à Jérusalem par le leader d’extrême droite Ariel Sharon – de sinistre mémoire pour son rôle dans le massacre des camps de Sabra et Chatila au Liban en 1982 – fut l’élément déclencheur de la colère des Palestiniens : c’est alors qu’eut lieu la seconde Intifada. Le gouvernement travailliste d’Ehud Barak, prétendument socialiste, répondit aux manifestations par la violence (blindés, hélicoptères de combat et tirs à balles réelles sur la population palestinienne, sans aucune discrimination d’âge, en réponse à de simples jets de pierres). Après plusieurs semaines de violences, on dénombrait déjà des centaines de morts et des milliers de blessés, la grande majorité dans les rangs palestiniens. Plutôt qu’un conflit religieux ou ethnique – comme le présentaient souvent les médias –, il s’agissait du résultat logique d’une politique israélienne visant à empêcher la création d’un État palestinien, manifestant sa volonté d’annexion pure et simple des territoires et refusant les négociations. Pourtant, en octobre 2000, de jeunes Israéliens signèrent un manifeste qui appellait à l’insoumission, en refusant d’aller tuer des Palestiniens.


Poursuite de l’annexion et du morcellement de la Palestine


À l’été 2005 eut lieu le « retrait unilatéral » de Gaza. Des petits cantons délimités par des murs, densément peuplés, furent placés sous administration du pouvoir local, l’Autorité palestinienne, bien que la quasi-totalité du territoire demeurât israélienne par l’extensions des colonies. Les populations furent déplacées et chassées de chez elles, tandis que les bombardements devenaient réguliers. Un an plus tard, l’élection massive du parti islamiste Hamas au parlement palestinien exprima la perte de confiance envers l’Autorité palestinienne. De 2007 à 2009, le blocus d’Israël sur Gaza et les bombardements se poursuivirent.


En novembre 2012, un vote eut lieu pour accorder à la Palestine le statut d’État observateur à l’ONU : il y eut 138 votes pour, 46 abstentions et 9 contre. Entre le 6 juillet et le 26 août 2014, des bombardements importants touchèrent Gaza, faisant 2 145 morts. En réaction, des manifestations massives de la jeunesse furent organisées à travers le monde.


En 2015-2016, des soulèvements de la jeunesse palestinienne éclatèrent, se traduisant notamment par des attaques au couteau contre des soldats israéliens. Si la première Intifada avait été une réaction au poids de l’occupation, et la seconde Intifada l’expression de désillusions par rapport aux processus de paix, ces soulèvements exprimèrent le désespoir d’une génération qui n’avait plus rien à perdre.


2. Actualité et revendications des révolutionnaires   


Janvier 2020 : le plan Trump-Netanyahou 


Si les puissances occidentales prétendent vouloir deux États et favoriser un processus de paix, « l’État » palestinien proposé par Donald Trump se composerait de petits bouts de territoires, fragmentés, sans continuité et souvent sans contiguïté, qui font penser aux bantoustans d’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Ces territoires formeraient un archipel dans un océan israélien, avec une seule « frontière » directe avec un autre État, l’Égypte (à Gaza), sur laquelle Israël aurait d’ailleurs un droit de regard. Le gouvernement américain évoque même « un réseau innovant de routes, de ponts et de tunnels favorisant la liberté de mouvement des Palestiniens » entre les zones, dont tous les accès seraient contrôlés par l’État israélien. Ce dernier annexerait – entre autres – les blocs de colonies et la vallée du Jourdain, soit plus de 40 % de la Cisjordanie, l’essentiel des terres fertiles et des réserves d’eau.


Un tel plan, qui perpétue la domination et l’exploitation de la Palestine par Israël, doit être dénoncé. Face aux frontières issues du colonialisme, nous revendiquons l’autodétermination des peuples et l’application des résolutions de l’ONU (n°194 sur le retour des réfugiés palestiniens de la guerre de 1948, et n°242 sur le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés en 1967).


Par ailleurs, la politique de l’État israélien est également dirigée contre sa propre classe ouvrière. Depuis les années 2000, le droit de grève a subi des restrictions : pour être autorisée, une grève doit être soutenue majoritairement par les salariés de manière individuelle, et depuis 2017, la Haute Cour de Justice d’Israël interdit les grèves contre les réformes dans les entreprises publiques, car le motif serait « politique », or il est interdit de s’opposer à la politique gouvernementale. Pourtant, cette politique est particulièrement antisociale et impopulaire, comme en ont témoigné les manifestations contre le mal-logement, la vie chère et la précarité en 2011. Palestiniens et Arabes israéliens sont confrontés quotidiennement aux discriminations racistes : contrôles au faciès, permis de travail non délivrés, expulsion des logements ou licenciements. L’usage de la torture est toujours courant, bien que légalement aboli depuis 1999.


Face à cette situation, nous devons intervenir, notamment dans les manifestations qui ont lieu en France contre le racisme, l’impérialisme et l’antisémitisme, pour défendre la perspective internationaliste qui est la nôtre. Nous devons aussi appeler à la solidarité internationale et l’appliquer dans la mesure de nos forces, que ce soit pour les besoins humanitaires de base ou dans la perspective de la révolution mondiale.


Les questions religieuses sont instrumentalisées pour alimenter des discours de haine visant à diviser les peuples entre eux au seul profit des classes possédantes. Les mouvements islamistes ont une audience nouvelle, car les dirigeants de l’OLP se sont complètement décrédibilisés en se chargeant des tâches de police au profit de l’État d’Israël. Ces franges religieuses réactionnaires, qui sont le pendant de l’extrême droite sioniste, cherchent à s’octroyer les pouvoirs qui sont ceux d’un État. En tant que révolutionnaires, nous dénonçons ces groupes hostiles aux intérêts des classes populaires, ainsi que cette instrumentalisation de la question religieuse qui ne sert qu’à camoufler l’origine politique et coloniale du conflit.


Pour une perspective internationaliste


Dans cette région du globe, il n’existe malheureusement pas d’organisation révolutionnaire à même de porter les intérêts des exploités et des opprimés, une organisation qui serait indépendante de l’Autorité palestinienne, de l’OLP et d’Israël. En 1967, Georges Habache et Ahmed Jibril ont fondé  le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), membre de l’OLP, mais il s’agit d’une organisation nationaliste d’origine stalinienne, financée à ses débuts par l’URSS et aujourd’hui par l’Iran, et ses méthodes et objectifs ne sont pas les nôtres : adepte des détournement d’avions dans les années 1970, le FPLP n’a certainement pas pour but l’auto-organisation des travailleurs arabes en tant que composante d’une classe ouvrière internationale, capable de défendre elle-même ses intérêts et d’œuvrer à l’émancipation de tous les opprimés.


De plus, l’éclatement des territoires ne permet pas une unité géographique pouvant favoriser le regroupement, et il constitue au contraire un terreau idéal pour le nationalisme. Les problèmes humanitaires et les conditions matérielles ne facilitent pas non plus la constitution d’une organisation révolutionnaire. Le taux de chômage élevé renforce l’attrait pour les organisations de l’OLP, qui proposent un salaire en réponse aux difficultés économiques. Dans le même temps, depuis 2000-2005, Israël limite l’accès au marché du travail pour les Palestiniens, ou alors ne les emploie qu’en tant que travailleurs illégaux dans les colonies ; cela représente un tabou important, à cause de la honte de travailler pour les colons, même s’il n’y pas d’autre choix économique. La répression du mouvement ouvrier et des syndicats par l’État israélien est également un frein pour la création d’une organisation révolutionnaire israélienne.


Mais nous savons que la solution ne viendra jamais d’institutions internationales dominées par les pays impérialistes, qui sont les premiers responsables de cette dramatique impasse. Là-bas comme dans le reste du monde, l’issue ne pourra venir que de l’unification des travailleurs et des masses pauvres par-delà les frontières et les barbelés, et par la construction d’organisations ayant pour but l’émancipation du prolétariat dans une perspective résolument internationaliste et révolutionnaire. Si cet objectif semble pour l’instant inaccessible, nous sommes convaincus qu’il ne saurait y en avoir d’autre.


Laura Dumans