Rapport du GIEC sur le changement climatique : l'urgence d'en finir avec le capitalisme

 

Écrit en juillet, cet article revient sur le projet de rapport du GIEC, officiellement rendu public cette semaine, mais accessible dès fin juin. Il est d'abord apparu dans le dernier numéro (39) de la revue Anticapitalisme & Révolution (accessible ici).

Prévisions et conséquences immédiates du changement climatique sur nos vies

Le 23 juin dernier l’AFP publiait le « projet de rapport scientifique » du GIEC (Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) dont les conclusions, qui doivent paraître sous leur forme définitive en 2022, détaillent les évolutions et les conséquences du réchauffement climatique. Si les experts du GIEC se sont indignés de la publication de ce qu’ils qualifient de « brouillon » de leur rapport et si certains volets sont incomplets, le ton est donné et ce avant que les Etats qui doivent approuver le rapport puissent en modifier la portée. Si la hausse des températures dépasse 1,5° (et le GIEC estime à 40% le taux de probabilité que cela soit le cas dès 2025), cela pourrait entraîner « des conséquences graves, et parfois irréversibles ». Nous nous apprêtons à connaître une accélération du bouleversement des écosystèmes qui va entraîner des difficultés importantes pour produire et se procurer de quoi se nourrir dans un nombre toujours croissant d'endroits (effondrement de la biodiversité marine, sécheresses qui vont affecter la production agricole…), une montée des eaux destructrice pour les villes côtières, des nécessaires exodes. Même en limitant la hausse à 2° la famine et l’extrême pauvreté pourraient toucher des dizaines de millions de personnes supplémentaires dans les dix années à venir.

Une accélération des phénomènes extrêmes

Le silence médiatique, conséquence du déni politique qui a entouré la question du changement climatique pendant des décennies, n’est plus à l’ordre du jour et les images des phénomènes naturels amplifiés par le réchauffement planétaire nous parviennent en nombre en ce début d’été 2021. Les chaleurs record qui ont touché le Canada, atteignant près de 50°, ont tué plus de 700 personnes. Des pluies diluviennes ont entraîné des coulées de boue gigantesques qui ont détruit des bâtiments entiers dans la ville d’Atami au Japon. Des dizaines de personnes viennent de trouver la mort dans les inondations dans l’ouest de l’Allemagne. Le sud de Madagascar est actuellement touché par une famine meurtrière causée par l’absence de pluie. Et il ne s’agit là que des données les plus récentes qui éclipseraient presque les catastrophes locales qui se succèdent depuis quelques décennies. Cette énumération de situations critiques, dramatiques pour nombre d’entre elles, ainsi que la profusion d’images aux allures apocalyptiques, entretenue par les réseaux sociaux, peuvent, par leur accumulation, avoir des effets paralysants sur l’action. Il s’agit de repolitiser ces images en les liant à leurs causes premières, non pas seulement l’appellation générique de réchauffement climatique, mais bien le système capitaliste.

La responsabilité du système capitaliste

Le 2 juillet dernier, un site d’exploitation gazière détenu par Pemex, l’une des entreprises les plus polluantes au monde, a provoqué un incendie dans les eaux du golfe du Mexique. Les images impressionnantes de l’océan en feu laissent présager des conséquences catastrophiques pour la zone touchée. L’entreprise semi-publique mexicaine n’en est pourtant pas à son premier accident de ce type. Elle a été responsable d’une des plus graves catastrophes industrielles de l’histoire en 1984 qui a causé la mort de plus de 500 personnes et d’une marée noire considérable à la fin des années 1970. En 2019, ce sont plus de 100 travailleurs qui ont été tués par l’explosion d’un de ses oléoducs. Ravageurs pour la biodiversité, les sites d’exploitation des énergies fossiles tuent en premier lieu les travailleurs, au travers des accidents et des maladies incurables causés par le manque de sécurité qui leur est assuré.

Pas besoin d’attendre les conclusions définitives des experts de l’ONU et des chefs d’Etat de la planète pour constater que celle-ci est déjà devenue invivable pour une partie de ses habitants, les plus pauvres en premier lieu. Certes, la crise climatique est en train de toucher non plus seulement la population des pays dont les ressources naturelles et de main d’œuvre sont exploitées par les puissances impérialistes, mais également les métropoles, les exploitations agricoles et très prochainement les villes côtières des grandes puissances économiques. Mais les victimes des bouleversements climatiques restent systématiquement les plus pauvres. Les conséquences de l’ouragan Katrina qui avait touché la Louisiane en 2005 avaient mis en lumière les différences de traitement réservées aux riches et aux pauvres qui avaient pourtant subi un même phénomène climatique. Alors que les records de températures se succèdent à travers le monde, les habitants des villes ne les subissent pas avec la même violence selon les infrastructures et les moyens matériels dont ils bénéficient, et donc, selon la classe sociale à laquelle ils appartiennent.

Fausses solutions et stratégies perdantes

Il s’agit maintenant d’établir l’urgence d‘en finir avec le mode de production capitaliste qui a conduit aux dérèglements accélérés et mortels que nous connaissons aujourd’hui, c’est-à-dire d’en finir avec l’exploitation incontrôlée des ressources (notamment des rentables énergies fossiles), la recherche incessante de nouveaux investissements visant à enrichir une minorité au détriment de la grande majorité de la population, la privatisation de services et de ressources essentiels. De plus en plus de personnes prennent aujourd’hui conscience de l’hypocrisie des gouvernements et des sommets mondiaux dont les législations environnementales ne peuvent être à la hauteur des enjeux puisqu’elles visent à préserver le système économique et les profits des entreprises responsables du désastre. Les derniers textes de lois et autres réglementations en date, malgré la parution de l’ébauche des conclusions du GIEC, sont vides de contenu contraignant pour les entreprises. Même lorsqu’on n’en attend rien on ne peut être qu’écœuré par les positions des parlementaires qui freinent la moindre mesure visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Il s’agit également de ne pas se tromper de stratégie dans la lutte pour préserver les conditions de vie sur terre et en finir avec la double exploitation des travailleurs et des ressources vitales. En effet, à l’heure où la planète est littéralement en train de brûler, seuls des changements radicaux peuvent permettre de limiter les conséquences déjà pour partie irréversibles du changement climatique.

C’est à la jeunesse et aux travailleurs de se saisir de ces conclusions. Si les manifestations d’ampleur qui ont lieu dans un certain nombre de grandes métropoles depuis 2019 à l’échelle mondiale ont contraint les chefs d’Etat et les médias à produire des mesures et un discours montrant une préoccupation vis-à-vis du réchauffement climatique, l’absence de contre-projet politique et de radicalité de ces démonstrations de rue massives et ponctuelles empêche d’en faire une menace sérieuse pour le fonctionnement actuel de l’économie. Certes la dénonciation du système capitaliste y a fait son chemin, mais sans la perspective d’un affrontement avec ce qui maintient ce système en place. Tant que les entreprises continuent de tourner, nous pourrons continuer de manifester sans rencontrer de véritable opposition et donc sans rien impacter.

L'urgence de reprendre en main l'économie, l'urgence de changements révolutionnaires.

Qu’est-ce qui relie une grève contre un plan social dans une entreprise ou un mouvement social contre un projet de loi qui vise à dégrader nos conditions de travail et la volonté d’endiguer le réchauffement climatique ? La grève pose la question de la prise de décision, qui décide de comment faire fonctionner un aspect ou l’entièreté d’une entreprise. Pousser à la généralisation de ces grèves permet de poser à une plus large échelle la question de qui doit décider et de quelle manière orienter la production pour les besoins de la population. Pas besoin de verdir nos grèves et nos luttes dans les entreprises, les lieux d’études, nos lieux de vie pour qu’elles représentent le chemin le plus sûr vers la reprise en main des moyens de production et à terme la planification écologique raisonnée au service de la population, seules à même de limiter la catastrophe en cours. Cette planification faite par les travailleurs et travailleuses pourra prendre en compte les besoins de l’humanité mais aussi les limites écologiques imposées. La production sera raisonnée avec une logique de satisfaction des besoins et non pour la satisfaction du profit d’une petite minorité. Et pour cela, il n’y pas de raccourci institutionnel ni de solution individuelle possible. Arracher le pouvoir au patronat et aux gouvernements bourgeois qui piétinent les conclusions scientifiques nécessite une révolution qui permette d’aboutir à une reprise en main de l’économie par celles et ceux qui la font tourner et de toute l’organisation de la société pour que celle-ci ne serve plus les intérêts d’une minorité mais ceux d’une majorité libérée de l’exploitation et des logiques économiques autodestructrices actuelles. Cette société du partage des richesses tournée vers les besoins de la population, c’est celle que nous appelons communiste, elle n’est pas une idée abstraite mais une urgence vitale.

Camille