Lundi, le journal Politico a fait fuiter un document révélant que la Cour Suprême des Etats-Unis souhaite revenir sur la protection du droit à l’avortement. En effet, elle prévoirait d’abroger l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui fait de l’avortement, jusqu’à 23 semaines de grossesse, un droit constitutionnel et de fait inviolable.
Cependant, le droit à l’avortement n’a jamais été un acquis pour les femmes des Etats-Unis. Cela se manifeste notamment par la disparition des cliniques pratiquant l’IVG dans certains Etats, notamment au Nebraska, Kentucky, Mississippi et Missouri où 95% des comtés ne possèdent plus aucune de ces cliniques. De fait, il est impossible pour les femmes qui n’ont pas les moyens de se déplacer d’avorter. Mais aussi, ce doit est aussi remis en cause par des manifestations quotidiennes de militants et d’organisations anti-avortement devant les cliniques pratiquant l’IVG et par des discours incessants dans les rues et à la télévision, culpabilisant les femmes qui auraient recours à l’avortement.
Au-delà de cela, les Etats ont toujours pu ajouter des restrictions au droit à l’avortement, et en ce sens, 487 lois ont été adoptées depuis 1973 pour limiter l’IVG dans certains Etats, particulièrement dans les Etats du sud. Déjà en 2017, le Texas excluait l’IVG de l’assurance maladie, le rendant inaccessible aux femmes les plus précaires. L’offensive contre l’IVG n’a jamais cessé et s’est renforcée ses dernières années, favorisée par l’arrivée de Trump au pouvoir qui a toujours plus décomplexé les discours misogynes et antiféministes. En 2019, la Louisiane a réduit le délai d’avortement à six semaines de grossesse, tout comme plus récemment le Texas et l’Idaho, la loi du Texas promettant une récompense de 20 000$ à tout citoyen états-unien dénonçant une femme ayant recourt à l’IVG au-delà de ces six semaines ou un médecin le pratiquant. Pire encore, en 2019, le Sénat de l’Alabama vote l’interdiction totale de l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste, tout comme l’Arkansas en 2021.
Evidemment, ces lois ne sont pas conformes à l’arrêt Roe v. Wade, et le seul but des dirigeants des Etats restreignant l’IVG est de porter ces lois à la Cour Suprême afin de remettre en question l’avortement en tant que droit constitutionnel. Aujourd’hui, il est clair que la pression mise par ces Etats et par les militants conservateurs anti-IVG a fait son chemin et l’avortement aux Etats-Unis n’a jamais été aussi menacé, alors même qu’une administration Biden prétendument progressiste est au pouvoir et majoritaire au Congrès.
A la publication de l’article révélant la tentative d’abrogation de Roe v. Wade, de milliers de personnes sont sortis spontanément dans la rue pour protester et rappeler que l’avortement est un droit fondamental et que l’interdire n’empêchera jamais les femmes d’avorter, mais seulement d’avorter en sécurité. Ces mobilisations doivent se généraliser dans tout le pays afin d’opposer une véritable résistance contre les attaques réactionnaires, par la mobilisation, la manifestation, et s’il le faut la grève féministe, comme cela a été le cas en Argentine, au Mexique ou en Colombie où les mouvements féministes ont arraché le droit à l’avortement ces dernières années. En effet, il ne faudra aucunement faire confiance à Biden et aux démocrates qui n’ont jamais su légiférer de quelque manière pour renforcer le droit à l’avortement : nous ne pouvons compter que sur notre camp social.
Nous ne sommes pas dupes, nous savons bien que si les droits des femmes reculent dans un pays, c’est un recul pour l’ensemble des femmes dans le monde. Nous devons généraliser la mobilisation féministe internationale en solidarité aux femmes aux Etats-Unis, mais aussi en Pologne ou au Brésil où le droit à l’IVG est également menacé par les gouvernements et militants conservateurs. Organisons partout le soutien internationaliste aux femmes du monde entier, pour le droit à l’avortement, pour l’émancipation des femmes !
Anaïs Darmony