Brésil : « Chega de sufoco »

Lorsque l'an dernier, les mobilisations déclenchées par la hausse des prix des transports retombèrent, tout le monde ou presque estima que finalement, le peuple brésilien irait danser la samba au rythme du Mondial...

Mais début 2014 a surgi un front informel, constitué entre le Mouvement des travailleurs sans toit (MTST, un secteur qui a rompu avec le PT), les Comités populaires pour la Coupe, apparus dans les 12 villes hôtes du Mondial et regroupant ceux qui ont perdu leur logement du fait des projets immobiliers lancés à cette occasion, le Mouvement Pase livre ("libre passage") en faveur des transports gratuits, qui avait lancé les grandes manifestations de 2013 et a appelé cette année à des rassemblements devant les stades, le mouvement Nao vai ter Copa (« il n'y aura pas de Coupe »), organisé sur facebook, qui appelle à des manifestations et divulgue les scandales liés au Mondial, Anonymous Brasil, le Front indépendant populaire (FIP) basé essentiellement à Rio et les Blacks Blocs. Leur mot d'ordre commun : Chega de sufoco – Assez d'être asphyxiés !

Appelées par ces organisations, les manifestations se sont succédé dans les villes accueillant la Coupe du monde. La colère de la population a ouvert une brèche, dans laquelle les travailleurs se sont engouffrés.

Dans les semaines ayant précédé l'ouverture du Mondial, il y a eu des grèves des chauffeurs de bus à São Paulo, de la police à Rio de Janeiro et dans quinze États, des travailleurs de la santé, des enseignants et des personnels de l'Université. Le 26 mai, 1 200 travailleurs du métro de São Paulo décidaient d'entrer en grève le 1er juin. Leurs revendications : augmentation des salaires, meilleures conditions de travail, non à la privatisation de deux lignes de métro, pour des transports publics de qualité.

La grève a démarré et le chaos a régné à São Paulo. La réponse du gouverneur de l’État a été brutale. A partir du cinquième jour, il a envoyé la police militaire réprimer les grévistes et a licencié 43 d'entre eux. Pour tenter de terroriser les grévistes, le Tribunal régional du travail a déclaré leur mouvement illégal et bloqué les fonds du syndicat afin de percevoir une amende de 100 000 reais (32 700 euros) par jour de grève. Et peu a importé que la Délégation régionale du ministère du travail lance un avertissement à l'entreprise pour conduite antisyndicale, ni que Lula lui-même intervienne pour freiner les licenciements. Sous pression, les travailleurs du métro ont voté la suspension de la grève le 10 juin. Le gouvernement de l’État semblait l'avoir emporté.

Mais le jour de l'ouverture du Mondial, ce sont les salariés des aéroports de Rio et les postiers qui sont à leur tour entrés en grève. Depuis, cela n'arrête pas. Il y a eu des grèves des conducteurs de bus de Natal, des agents de la circulation de Fortaleza (deux villes du Mondial) et de trois des six lignes de train de São Paulo. Des manifestations contre l'augmentation du prix des tickets, organisées par le Mouvement Pase livre, ont été dispersées violemment par la police militaire, provoquant des dénonciations d'Amnesty International et de l'organisme officiel de défense des droits de l'Homme de São Paulo. Le 16 juin, toujours à São Paulo, une assemblée interprofessionnelle a discuté des mesures à prendre afin de poursuivre la lutte pour la réintégration des travailleurs du métro licenciés...

Pour l'équipe Brésilienne, le Mondial se termine par une défaite... Mais pour les travailleurs et la population en lutte ce n'était que l'échauffement.