USA : tout va très bien, monsieur le Président ?


« Nous nous relevons de la récession davantage libres qu’aucune nation sur terre pour écrire nous-mêmes notre futur »... Le ton d’Obama est volontiers triomphaliste, voire messianique. La reprise de la croissance du PIB aux États-Unis, après des années de récession et de croissance molle, semble confirmer ses déclarations...

Les derniers chiffres disponibles, ceux du troisième trimestre 2014, donnent une progression du PIB de 5 % en rythme annualisé, un chiffre supérieur de 3,9 % aux prévisions. Pourtant, le niveau de vie de la population est toujours aussi faible. Le taux de chômage a baissé à 5,6 % en décembre 2014, son plus bas niveau en six ans et demi. En réalité, il est bien plus élevé si on inclut les temps partiels forcés et ceux qui sont découragés de chercher un emploi. Il y avait en 2013 45,3 millions de pauvres, soit 14,5 % de la population, le même taux depuis trois ans. Et le revenu médian des ménages en 2013 était de 8 % inférieur à celui de 2008. Les ménages modestes sont toujours très endettés.

La croissance… des inégalités

«  Accepterons-nous une économie où seulement un petit nombre d’entre nous réussit particulièrement bien ? » dit Obama, reconnaissant l’accentuation des inégalités et omettant de dire qu’elles sont avant tout les conséquences de sa politique : le sauvetage des banques et des grandes entreprises industrielles avec de l’argent public. Ce sauvetage a encouragé les logiques de privatisation des profits et de socialisation des pertes. Les milliards de cadeaux aux « big three » (General Motors, Chrysler et Ford) pour les « sauver » ont été accompagnés de la fermeture de dizaines d’usines dans le Nord-Est et de l’ouverture d’usines dans le Sud... avec des salaires jusqu’à quatre fois inférieurs !

Autre exemple : la réforme de l’assurance santé, mesure phare d’Obama, peine à montrer son efficacité en termes de transfert de richesses. Au-delà des chiffres, les mouvements sociaux de l’année 2014, que ce soit à Ferguson contre le racisme ou la lutte pour le salaire minimum de 15 $ de l’heure dans les fast-foods, sont là pour nous rappeler les logiques de paupérisation qui frappent les classes populaires américaines.

L’économie américaine a été maintenue à flot par des politiques monétaires expansives et une injection massive d’argent public. Mais les ratios d’efficacité de la dépense publique ont été assez faibles sur toute une période : jusqu’à plus de 4 dollars d’argent public investi pour un dollar de PIB de croissance en plus. C’est l’investissement privé qui fait défaut. L’endettement des ménages à hauts revenus et des entreprises reste aussi très important. Cependant, pour les trois premiers trimestres de 2014, l’efficacité de la dépense publique semble être passée sous la barre des un dollar pour un dollar de PIB généré, suggérant une timide reprise de l’investissement privé. Affaire à suivre...

Des mesures électorales

Les mesures proposées par Obama sont des clins d’œil aux classes moyennes dont il lui faudra courtiser les votes en 2016, mais ne sont aucunement en rupture avec les politiques menées jusqu’à maintenant : rendre gratuites les universités courtes, augmenter les dotations pour l’éducation, la garde d’enfants et les retraites des « classes moyennes » mais avec un budget – 320 milliards de dollars sur dix ans pris aux plus hauts revenus – bien pâle, comparé à tout ce qui a été offert aux riches.

Et la cerise sur le gâteau : la fin du blocus sur Cuba, non pas pour alléger les souffrances de la population cubaine, mais bien pour refaire de Cuba le « bordel des USA » qu’elle était, avant que la révolution de 1959 vienne y mettre un terme...

Stan Miller
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 274 (29/01/15)