Depuis plusieurs années, avec la « crise » et la résolution des patrons et des gouvernements à baisser le coût du travail, les actions qui ont lieu traditionnellement autour des NAO (Négociations annuelles obligatoires) sur les salaires n’ont le plus souvent qu’un caractère symbolique. Or, depuis décembre 2014, on assiste à une multiplication de ces conflits mais surtout à un changement de ton. Aux conflits symboliques s’en ajoutent d’autres de plus grande durée, avec une détermination plus importante et la volonté d’obtenir réellement quelque chose.
La foultitude des luttes
Ainsi, parmi d’autres, chez Leroy-Somer à Angoulême (16), le conflit a duré quasiment un mois de la mi-décembre à la mi-janvier pour un 13e mois et une augmentation de 100 euros. De leur côté, les routiers sont entrés en lutte en décembre et janvier pour 100 euros également, allant pour certains jusqu’à 10 jours de grève. Dans plusieurs usines Rhodia du groupe Solvay, ce sont des grèves de deux fois une semaine, voire plus, en décembre et janvier. Chez Ratier à Figeac (46), le conflit a duré presque deux semaines en janvier pour 70 euros.
Il y a aussi des conflits de moindre ampleur mais à des endroits où il n’y en a pas eu depuis longtemps. Ainsi le 17 décembre, 600 travailleurs se sont rassemblés à Toyota Onnaing (59) contre le blocage des salaires, ce qui n’était pas arrivé depuis 2011. À Aéroports de Paris, le 12 janvier, 600 salariés ont fait grève pour 4,6 % d’augmentation... ce qui ne s’était pas vu depuis 1988.
Et puis, il y en a une foule d’autres, d’importance variées, dans de très nombreuses professions : des vendeuses des boutiques de la tour Eiffel aux salariés des chantiers navals en passant par les maîtres nageurs, les convoyeurs de fonds, les employés de la MGEN, de la Société générale, d’Amazon, de Jet Aviation, des supermarchés, du bâtiment, de fromageries, de cantines scolaires, etc. auxquels il faudra ajouter le 3 février les enseignants.
Changement de dimension ?
Il faut dire que selon 60 millions de consommateurs, le pouvoir d’achat aurait baissé, en moyenne, de 1 500 euros annuels depuis 2009.
Les conflits touchent surtout les entreprises qui « marchent », aux bénéfices confortables. Ils démarrent à l’annonce de la chute brutale de l’intéressement, de la baisse du prix du gazole ou du kérosène... mais peuvent aussi être provoqués par la détermination d’équipes syndicales plus réactives depuis les protestations contre l’affaire Lepaon, le dialogue social, la loi Macron...
Dans la plupart des cas, les patrons ne cèdent quasiment rien, d’autant plus que l’on n’en est pas à l’idée d’une coordination et que la plupart de ces conflits sont encore menés par des minorités, même si elles ont le soutien de la majorité.
On verra si en février ou mars, le mouvement peut changer de dimension. Quoi qu’il en soit, en prolongeant sur un autre terrain les luttes des intermittents, cheminots, agents hospitaliers ou pilotes d’Air France, on constate depuis juin 2014 un changement d’ambiance : la fatalité de la crise commence à être contestée par des salariés.
Jacques Chastaing
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 275 (05/02/2015)