Depuis le 19 janvier, une partie des travailleuses et travailleurs de l'université Paris 8 sont en grève reconductible, pour défendre leurs conditions de travail et leurs salaires. Les grévistes, en grande majorité des femmes, se sont constitués en collectif afin de défendre leur principale revendication : 98 €.
Les dernières lois relatives à l'enseignement supérieur (LRU, loi Fioraso) ont conduit à une véritable marchandisation du service public universitaire, qui se manifeste par des coupes budgétaires censées rendre le secteur plus compétitif. Cette austérité, mise en place par les gouvernements successifs et appliquée avec enthousiasme par les présidences d'universités a généré de multiples conséquences néfastes, aussi bien pour les étudiants que pour les personnels. Parmi ces conséquences, l'accroissement de la précarité (explosion du nombre de contractuels/elles et vacataires) et le gel des salaires qui est particulièrement dramatique notamment pour les agents de catégorie C et les précaires qui ont les salaires les plus faibles.
Pour ne pas rendre les situations explosives et pouvoir éteindre des feux lorsqu'ils surgissent, les universités disposent d'une dotation annuelle qui permet, selon la manière dont elle est répartie, d'améliorer les conditions de travail, d'augmenter les revenus... ou d'installer un immense (mais ridicule) écran géant à l'entrée de la fac pour lui donner un côté « high-tech », comme cela a été fait à Paris 8.
En premier lieu, ce que contestent les grévistes c'est la répartition qui est faite de cette dotation. La présidente de l'université souhaite la répartir de façon aléatoire, sous forme de primes dans le cadre d'entretiens individuels. Les grévistes demandent quant à elles une prime de 98 € net pour l'ensemble des personnels administratifs. La présidence, qui jurait que le budget ne permettait pas une quelconque augmentation, a fini par proposer 70 €... brut, et refuse de payer plus, invoquant ce même budget. Ce qui n'était pas possible avant la grève l'est pourtant devenu, prouvant qu'il n'est en réalité point question de budget, mais de choix. Ce même choix qui a contraint les grévistes à réclamer une totale transparence des comptes de l'université, afin d'analyser l'usage qui est fait de l'argent public et prouver que les demandes du personnel peuvent être satisfaites.
La présidence perd ses nerfs... et dégaine l'arsenal répressif
Danielle Tartakowsky, présidente de l'université, spécialiste de l'histoire du mouvement ouvrier, préfère manifestement que les mobilisations sociales restent dans les livres. Si elle a sans doute eu le cœur à gauche à une époque, clairement, elle a aujourd’hui le porte-monnaie à droite. Alors qu'elle touche 5000 € par mois et 45 000 € de prime annuelle, elle vient d'annoncer que des retenues de salaires de 200 € seraient effectuées en mars sur les paies des grévistes, une première dans cette université issue de mai 68. Elle-même n'avait pourtant pas eu à subir ce traitement lorsqu'elle était en grève en 2009 pour défendre l'enseignement supérieur. Non contente de mettre en place l'austérité à la faculté, la voici qui cherche aujourd'hui à affamer les grévistes.
Deux initiatives pour sortir de l'isolement et faire basculer le rapport de force
La soirée de soutien du 19 février
Alors que la présidence joue clairement le pourrissement, le collectif des bas salaires de Paris 8 n'a pas perdu de temps pour populariser sa grève et gagner des soutiens. Le 19 février, une soirée de solidarité a regroupé 200 personnes. Sont intervenus au micro des étudiants de Paris 8 et de l'EHESS afin d’exprimer leur soutien, un vacataire de l'université de Lyon II en lutte actuellement pour réclamer des arriérés de salaires, une salariée de la mairie de Saint-Denis, ainsi qu’une ancienne gréviste d’un palace parisien, des postiers de Paris et des Hauts-de-Seine et un cheminot, venus partager leur récente expérience de lutte. Les grévistes ont même reçu le soutien d'un étudiant de l'université polytechnique d'Athènes, ainsi que celui d'un travailleur de l'université de São Paulo. Outre le fait d'avoir regonflé à bloc le moral des grévistes, cette soirée a permis de montrer à la présidence que le collectif n'était pas isolé et que les luttes se nourrissent les unes les autres. 1600 € ont par ailleurs été collectés.
La journée de grève du 5 mars
Dans le cadre de la journée de grève dans l'enseignement supérieur et la recherche, un préavis national a été déposé et un rassemblement est prévu devant le ministère. Les grévistes de Paris 8 ont décidé de faire de ce 5 mars une journée forte. Un appel a été adressé à toutes les organisations syndicales afin qu'elles soutiennent ou prennent position vis-à-vis de la présidence. Les grévistes vont également concentrer leurs efforts d'ici jeudi afin d'élargir la mobilisation à l'ensemble des personnels d'administration de l'université, mais aussi aux étudiants. En effet, ces derniers ont également des revendications à défendre, en raison notamment du durcissement des conditions d'inscription, de la suppression d'un certain nombre de sessions de rattrapages, ou encore du contrôle des cartes d'étudiant à l'entrée de la fac.
Leur lutte est la nôtre
Cette grève, menée essentiellement par des femmes, est non seulement légitime mais également exemplaire. Légitime dans ses revendications, exemplaire dans la combativité, la détermination et la volonté de lier et faire converger les revendications de l'ensemble de notre camp social, bas salaires, précaires, étudiants et révoltés/ées. Leur victoire serait ainsi un formidable point d'appui, la présidence de l'université le sait pertinemment...
Pour les soutenir :
- Signez la pétition
- Rejoignez le « collectif des bas salaires de Paris 8 » sur Facebook afin d'être informés en temps réel du conflit.
- Et surtout, adressez vos chèques de soutien à l'ordre de "CREV", afin d'alimenter leur caisse de grève (Université Paris 8 - Secrétariat des Licences Arts - Bureau A120 à l'attention de Muriel (Collectif des bas salaires) - 2 rue de la Liberté - 93526 Saint-Denis Cedex)