Mexique, un an après le massacre d’Ayotzinapa : à bas Peña Nieto et le régime criminel du PRI-PRD-PAN !

Durant la nuit du 25 au 26 septembre 2014, plusieurs dizaines d’étudiants de l’école d’enseignants ruraux d’Ayotzinapa se sont rendus à une manifestation à bord de bus : dans les environs de la ville d’Iguala (État de Guerrero), des hommes armés habillés en civil ont tué 5 étudiants et en ont kidnappés 43. La version officielle prétend qu’un groupe de « narcotrafiquants » est responsable de la séquestration et de la mort des étudiants, mais jusqu’à présent, les étudiants kidnappés demeurent introuvables. 

Quand un lien entre ce groupe narco (Guerreros Unidos) et le maire d’Iguala (PRD, centre gauche) a été rendu public, ce dernier a été arrêté. Mais selon tous les témoignages, à proximité des lieux du crime, des membres des forces de la police nationale et même de l’armée avaient été vus : ils sont impliqués dans le massacre. Suite à cette révélation, une vague de protestation a déferlé sur le Mexique, mettant en avant le mot d’ordre « Fue el Estado » (« Le responsable est l’État »). Le massacre d’Ayotzinapa a été la goutte d’eau qu’a fait déborder le vase. Des centaines de milliers de travailleurs, paysans, indigènes et jeunes ont manifesté dans tout le pays. La légitimité du pouvoir du président Peña Nieto (PRI) est remise en question, de même que celle de l’ensemble du régime PRI-PRD-PAN[1].

Ces neuf dernières années, une « guerre anti-narcos » a été menée avec le soutien des États-Unis, se soldant par 150 000 morts et 30 000 disparitions, alors que l’activité du trafic de drogue continue d’être florissante. Les victimes sont pour la plupart des paysans, des travailleurs et des activistes. Selon le journal La Jornada, 78 % des secteurs de l’économie sont infiltrés par les trafiquants de drogue, c’est-à-dire que l’ensemble de l’activité économique du pays est liée directement ou indirectement aux recettes du trafic ; la bourgeoisie dans sa totalité (entrepreneurs, partis et forces de répression) est à ce point compromise avec les narcotrafiquants qu’elle ne peut mener une lutte réelle contre le trafic, car ce serait lutter contre elle-même. La « guerre anti-narcos » est une farce : il y a des règlements de comptes entre bandes rivales et, surtout, des massacres systématiques contre la population pauvre de la part des trafiquants, des forces de répression, ou de « forces mixtes » constituées de délinquants et de « forces de l’État ». C’est une guerre contre la classe ouvrière, les paysans, les indigènes et les femmes, qui a déjà fait couler le sang de milliers de personnes. 

Il y a un acharnement particulier contre les femmes : par exemple, la ville de Ciudad Juárez – frontalière avec les États-Unis – est mondialement réputée pour les fréquents assassinats de jeunes travailleuses (5 000 selon certaines organisations). La violence envers les femmes est un fléau dans tout le pays, les idées machistes étant soutenues par une Église catholique très influente. Les populations indiennes subissent aussi des attaques systématiques de la part des entreprises multinationales et de la bourgeoisie locale, qui essayent de s’emparer des terres historiquement occupées par ces populations pour y installer des mines (comme par exemple à San Luis Potosí), ou tout simplement pour en faire des exploitations agricoles privées. Quand ils s’opposent à cette injustice, les Indiens sont victimes de violences : ils constituent d’ailleurs la majeure partie des prisonniers politiques.

Sur le terrain de l’exploitation des travailleurs et de la spoliation des paysans, le président Peña Nieto continue et aggrave la politique de ses prédécesseurs du PAN : les nouvelles lois qui accentuent la précarisation des travailleurs, et la privatisation des ressources naturelles, dont le pétrole, font de Peña l’un des alliés les plus fidèles à l’administration Obama. La France elle-même soutient le régime criminel mexicain : lors des célébrations du 14 juillet, Peña Nieto a été reçu comme invité d’honneur, et il s’est rendu avec Hollande à Marseille pour conclure l’achat d’engins Eurocoptere, qui lui permettront d’encore mieux réprimer dans son pays.

Mais le peuple mexicain ne reste pas les bras croisés : en plus des manifestations contre le massacre d’Ayotzinapa, il y a une résistance massive contre le régime meurtrier. Les enseignants de tout le pays sont à l’avant-garde du mouvement gréviste. Les travailleurs ruraux de San Quintín (nord) ont mené une grève dure, et malgré plusieurs morts, ils ont été victorieux. Les travailleurs de l’électricité, de la sécurité sociale et les ouvriers de Volkswagen ont montré qu’ils sont aussi sur le pied de guerre. Dans les régions rurales, en particulier dans le sud du pays, existent des « polices communautaires » organisées par les paysans et les travailleurs ruraux pour se défendre contre la police et les narcos. Au Chiapas, le mouvement zapatiste continue sa résistance, malgré un harcèlement des forces répressives qui dure depuis 1994. Par ailleurs, les dernières élections parlementaires (habituellement truquées) ont été boycottées par une grande partie de la population, en particulier dans l’État de Guerrero où a été commis le massacre d’Ayotzinapa. Les groupes trotskystes mexicains (notamment la Liga de Unidad Socialista et le Movimiento de Trabajadores Socialistas) participent activement au mouvement gréviste et se sont impliqués dans le boycott des élections frauduleuses. 

Mais dans les plus grandes entreprises (pétrole, industrie lourde, etc.), la mobilisation demeure très faible. Ce n’est pas la faute des travailleurs : la bureaucratie syndicale de la CTM, dirigée historiquement par le PRI, est une véritable police au sein de la classe ouvrière, qui s’acharne à empêcher toute action indépendante des travailleurs. L’une des tâches principales des ouvriers mexicains est de se débarrasser de cette bureaucratie pro-patronale. 

Le grand problème de la lutte de classe au Mexique, c’est sa dispersion, son absence de centralisation. Pour vaincre le régime criminel du PRI-PRD-PAN, il faudrait une lutte d’ensemble. Les classes laborieuses, les populations indiennes et les femmes doivent créer une plate-forme unitaire qui rassemble tous les secteurs en lutte, pour s’attaquer à ce régime meurtrier et pro-impérialiste et pour imposer un gouvernement des travailleurs et des paysans. Le Mexique est un pays riche, qui se classe au 15ème rang mondial en termes de PIB, mais les travailleurs, les paysans et les indigènes vivent dans des conditions de misère qui ont surtout pour origine la dépendance du pays par rapport à l’impérialisme américain, qui est le principal soutien de Peña Nieto et de ses complices du PAN et du PRD. Récemment Donald Trump, le très réactionnaire candidat à la présidentielle américaine, a fait plusieurs déclarations racistes visant les Mexicains : ce que craignent ce politicien et la bourgeoisie américaine, c’est que la révolte des Mexicains s’étende aux Etats-Unis, où habitent des dizaines de millions de travailleurs latino-américains dont les Mexicains sont la principale communauté.

Nous exprimons toute notre solidarité envers la population mexicaine en lutte, et nous appelons à participer à tous les événements prévus autour de l’anniversaire du massacre d’Ayotzinapa.


------
[1] Le Partido Revolucionario Institucional (PRI, droite populiste) a gouverné pendant plus de 70 ans en falsifiant les résultats électoraux, et il est revenu au pouvoir en 2012. Le Partido de Acción Nacional (PAN, droite pro-américaine) a gouverné le pays entre 2000 et 2012 ; son candidat Felipe Calderón, élu président de la République, a initié la « guerre au narcotrafic » en 2006. Le Partido de la Revolución Democrática (PRD, centre-gauche) n’a jamais gouverné le pays, mais il a dirigé les principales villes, comme la capitale, Mexico DF. Le PRD n’a jamais représenté une alternative aux politiques du PRI et du PAN, et ces dernières années, il a été concerné par des affaires de corruption et de collusion avec les narcos. Le cas d’Ayotzinapa a fait perdre à ce parti toute crédibilité en tant qu’opposition réelle. Le PRD a connu récemment une scission, qui a pour nom Movimiento de Reconstrucción Nacional (MORENA) et qui n’est rien d’autre qu’un énième parti de la gauche bourgeoise.