Si l’on observe la courbe du nombre de jours de grève par agent et par an à La Poste, on constate que les pics – notamment 1995, 2003 et 2010 – correspondent aux mouvements interprofessionnels. On voit aussi que même abstraction faite de ces conflits exceptionnels, il n’y a pas de baisse historique du niveau de grève, qui oscille autour d’un peu moins d’un jour par agent et par an.
Il est très probable que par le passé, le nombre de débrayages sans préavis était plus élevé, mais le nombre de journées de grève décomptées n’est pas significativement plus bas dans les années 2000 ou 2010 que dans les années 1980.
Cela dit, la dernière grève nationale reconductible d’ampleur à La Poste date… de 1974 ! Contrairement à la SNCF, où la conflictualité est axée autour de grandes grèves nationales reconductibles, à La Poste, les conflits sont en grande majorité très localisés, fragmentés depuis de nombreuses années. Ce n’est pas seulement le fruit de la décentralisation progressive de l’entreprise, qui est aujourd’hui une multinationale constituée de trois holdings et plus de 200 filiales, où les statuts, les conditions de travail, les organisations du travail varient du tout au tout. C’est aussi le produit de l’adaptation des directions syndicales à cet état de fait : aucune tentative ou presque n’a été entreprise depuis de longues années pour chercher à regrouper les conflits nombreux mais dispersés que mènent les postiers.
En 2014, le nombre moyen de jours de grève par agent est de 0,66 |
De nouvelles tendances à l’œuvre
Pourtant, il y a du nouveau. L’année 2014 a connu plusieurs conflits très longs qui ont révélé une détermination bien plus importante que par le passé, avec des postiers de régions urbaines comme rurales, des jeunes comme des plus anciens : 174 jours de grève dans les Hauts-de-Seine, 54 jours à Epinay (Essonne), 93 jours à Ajaccio, 135 jours à Aubigny (Cher), 51 jours à Paris 15ème… Et les grévistes de ces cinq départements ont établi des liens les uns avec les autres durant leur mouvement, ce qui a abouti le 14 février 2015 à une rencontre de postiers d’une petite dizaine de départements, issus d’équipes CGT et SUD. Le début de l’année 2015 a surtout été marqué par le conflit historique en Basse-Normandie, où 1200 facteurs ont été en grève au même moment contre l’instauration de la pause méridienne. Cette grève a démarré d’emblée à l’échelle régionale et a fait reculer la direction dans une majorité de bureaux de la région : elle prouve qu’il était possible d’organiser la lutte à une autre échelle qu’au strict plan local, et de faire plier la direction. Les grèves ont été particulièrement nombreuses en juin-juillet 2015, et à nouveau depuis septembre. Plusieurs équipes militantes ont effectué des tentatives de départ en grève simultané dans plusieurs établissements : au guichet à Paris 18ème autour d’Olivier Besancenot, mais également dans les Bouches-du-Rhône, en Vendée… L’idée du regroupement des luttes des postiers fait son chemin et commence à s’imposer aux directions syndicales : SUD-PTT vient d’adopter l’objectif d’une grève nationale à La Poste, préparée par une rencontre entre équipes militantes, en vue d’une grève reconductible.
Correspondant