Répression à l'aide sociale à l'enfance de l'ouest parisien : « L’administration voyait très bien d’où partait la contestation »

> Entretien avec Elisa Martinez, éducatrice de jeunes enfants. Son activité syndicale déplaisait à sa direction : après deux ans de détachement à l’aide sociale à l’enfance, son intégration lui a été refusée tout comme le renouvellement de son détachement. Elle a répondu à nos questions sur son retour forcé à la mairie de Paris, un exemple parmi tant d’autres de répression et de discrimination antisyndicale.

Anticapitalisme & Révolution – Dans quelle situation professionnelle et militante étais-tu quand tu as subi la répression ?

Elisa Martinez – Je suis fonctionnaire de la ville de Paris, mais depuis trois ans, j’étais détachée au département, comme éducatrice de jeunes enfants pour l’aide sociale à l’enfance (ASE). Suite à l’arrivée d’une nouvelle direction particulièrement incompétente et hostile aux agents, je me suis syndiquée à la CGT.

Dans ce secteur salarié, il n’existait pratiquement aucune culture syndicale. La majorité de mes collègues n’avaient jamais utilisé de tract, n’étaient pas habitués à dire non aux injonctions de la direction et encore moins à se mobiliser. La première chose que j’ai donc cherché à faire, c’est de créer du collectif dans la boîte. Petit à petit, nous avons réussi à recréer des habitudes : discuter des problèmes quotidiens touchant nos conditions de travail, chercher à les régler collectivement…

Nous sommes parvenus à mener plusieurs mobilisations dans le secteur de la protection de l’enfance contre la fermeture de foyers, contre la révocation de collègues. Seulement, l’administration voyait très bien d’où partait la contestation, puisque les premiers tracts étaient toujours rédigés sur mon foyer. Elle m’a donc identifiée comme la source de la contestation et a cherché à me faire taire.

A&R – Quelle forme de répression a-telle mise en place contre toi ?

EM – Ma direction a mis fin à mon détachement au département. Cela faisait deux ans que je demandais mon intégration définitive au département. Alors que sur mon foyer, il y avait cinq postes vacants occupés par des salariés en CDD, en tant que fonctionnaire, j’étais prioritaire pour occuper ces postes. Mes demandes de détachement se sont pourtant soldées par un refus.

Depuis le 15 octobre, j’ai donc dû réintégrer une fonction à la ville de Paris. Je travaille actuellement dans une crèche dans le XVIème arrondissement.

A&R – Quelles ont été les réactions de tes collègues ?

EM – Mes collègues ont tout de suite réagi : pour eux, c’était clair que la direction avait voulu me virer à cause de mon activité syndicale. Mais au début, ils ont d’abord cherché des réponses individuelles, en en parlant à la direction lors de leurs entretiens annuels. J’ai donc tenté de mettre sur pied une réponse plus collective. Nous avons organisé une délégation en masse dans le bureau du chef de service. Nous avons sollicité un rendez-vous avec la direction départementale. Enfin, nous avons déposé un préavis de grève le jour du rendez-vous pour nous y rendre collectivement. La grève a été suivie par 100 % des collègues titulaires.

Le choix de la direction a été de tout verrouiller. Elle a toujours refusé de nous rencontrer, et m’a envoyé ma lettre de « licenciement » au mois d’août pendant mes vacances. Nous n’avons pas eu d’autres recours que d’attaquer au tribunal administratif pour discrimination syndicale. Nous sommes actuellement en attende du jugement sur le fond.

Depuis mon départ, la direction a déjà cherché à revenir sur certains des acquis que nous avions arrachés suite à nos mobilisations, et elle accentue la pression sur les collègues qui chercheraient à gueuler.

Propos recueillis par Juliette Stein