Nous reproduisons de très larges extraits du communiqué publié par nos camarades d'Izquierda anticapitalista revolucionaria (IZAR) après les élections du 20 décembre.
Le bipartisme chute... mais il résiste
Le premier élément qu’il faut souligner est la perte de voix et de sièges du PP [ndt : Partido popular, droite] et du PSOE [ndt : Partido socialista obrero español, social-démocratie]. Le premier, bien qu’il remporte les élections, perd plus de 3,6 millions de voix par rapport à 2011, tandis que le second en perd près de 1,5 million. Ce sont les pires résultats de l’histoire du bipartisme. Le PP obtient ses plus mauvais résultats depuis 1989, et le PSOE depuis la transition [ndt : après la mort de Franco]. Les deux partis perdent 83 sièges (le PP, avec un peu plus de 7 millions de voix et le PSOE avec un peu plus de 5,5 millions). Tout cela malgré une participation plus élevée (mais moins importante que ce qui était attendu : 1 point et demi de plus qu’en 2011). Les deux formations ont dépassé de peu les 50 %, alors qu’elles représentaient 73 % des suffrages exprimés en 2011. Cependant, même si la perte de voix est évidente, le PP arrive de nouveau en tête du scrutin malgré les coupes dans les budgets sociaux, les réformes du Code du travail, la baisse des retraites, l’article 135 [ndt : introduction dans la Constitution d'une « règle d’or » relative à la stabilité budgétaire], les scandales Gürtel et Bárcenas. Et le PSOE résiste… malgré les coupes dans les budgets sociaux, les réformes du Code du travail, la baisse des retraites, l’article 135 et les plans sociaux. Cette période électorale se termine, et le bipartisme apparaît touché mais plus résistant que ce à quoi l’on pouvait s’attendre quand ce cycle a débuté en mai 2014 lors des élections européennes.
L’une des raisons principales de cette situation est que, durant cette période, on a assisté à un recul important des mobilisations comme celle du 15-M [ndt : mouvement des indignés], les grèves générales, les marées pour l’éducation ou la santé et les marches pour la dignité. L’orientation politique des organisations de la gauche réformiste n’a pas consisté à favoriser ces mobilisations, mais à les canaliser dans une voie purement électorale, en générant l’illusion que la transformation sociale viendrait du Parlement, avec seulement quelques victoires électorales. Les élections sont passées et si nous voulons vraiment un changement face aux politiques antisociales et pro-patronales menées jusqu’à présent, il faudra reprendre la mobilisation le plus tôt possible. La mobilisation soutenue de la classe ouvrière et de la jeunesse est la condition indispensable pour remettre de plus en plus en cause le bipartisme.
Pour Ciudadanos, le résultat est loin d’être celui qu’ils attendaient après les élections en Catalogne. Ils obtiennent plus de 3 millions et demi de voix (13,93 %) et 40 sièges. C’est insuffisant pour former un gouvernement avec le PP. Les électeurs ont préféré l’original à la copie et ont voté pour Rajoy.
Podemos talonne le PSOE et UP/IU sans groupe parlementaire
La gauche réformiste (Podemos et Unidad popular/Izquierda unida) obtient plus de 6 millions de voix. Podemos atteint plus de 5 millions de voix (20,66 %) et 69 sièges, même si 12 appartiennent à En Común Podem (BeC, Podem et ICV), 9 de Compromis-Podem et 6 de En Marea (Anova, IU et Podemos). Podemos devient la première force politique à Catalogne et Euskadi (en nombre de voix) et la deuxième en Galice, Madrid et dans la région de Valence, devançant le PSOE. Les bons résultats obtenus par les listes auxquelles participait Podemos en Catalogne et Euskadi sont liés à leur engagement d’organiser un référendum en Catalogne pour le droit à l’autodétermination. De fait, en Catalogne, les partis qui défendent ce droit ont obtenu plus du 55 % des voix. De façon générale, le bon résultat de Podemos montre clairement qu’il existe une volonté de changement politique et social chez des millions d’électeurs qui sont fatigués de voir que la crise est toujours payée pour les mêmes. La tâche de la gauche anticapitaliste et révolutionnaire est de renforcer la mobilisation, et de faire que ces envies de changement n’en restent pas à un simple ravalement de façade du Régime, avec quelques modifications de la Constitution. La question n’est pas tel ou tel article de la Constitution de 1978, mais la logique du système capitaliste, basée sur l’accumulation de richesses par une minorité sur le dos de la majorité, c’est-à-dire de celles et ceux qui produisent les richesses tous les jours.
Quant à Unidad Popular, nouveau nom d’IU, elle obtient les résultats les plus faibles de son histoire avec moins d’un million de voix (3,67 % en 2015 et 6,92 % en 2011) et seulement deux députés. L’espace politique d’IU étant occupé par Podemos.
La gauche abertzale (basque) en coalition avec Bildu obtient des résultats inférieurs à ceux de 2011, en passant de 1,37 % et 7 députés en 2011, à 0,87 % et 2 députés en 2015 (un écart de 110 000 voix). L’institutionnalisation de Bildu, et son bilan dans des gouvernements comme celui de la province autonome de Guipuzkoa, impactent Sortu qui devra en tirer des leçons pour sa politique.
Quelles perspectives ?
[...] Ces élections ne sont pas celles du changement, même si Pablo Iglesias a insisté pendant la soirée électorale en disant que « demain matin, nous allons nous réveiller avec une nouvelle Espagne ». Rien de plus éloigné de la réalité. Peu importe qui gouvernera dans un mois, nous devrons continuer à nous mobiliser si nous voulons lutter contre les coupes budgétaires, les réformes du travail, le chômage et l’attaque contre les retraites. La Commission européenne a déjà annoncé qu’elle imposerait à l’Etat espagnol de procéder à une économie de 10 milliards pour combler le déficit. Les millions d’électeurs qui ont voté pour Podemos ou UP en souhaitant un changement politique et social doivent se mettre en mouvement pour en faire une réalité, à travers la mobilisation dans les lieux de travail, d’études et les quartiers.
IZAR appelle la gauche anticapitaliste et révolutionnaire, ainsi que les forces politiques et syndicales de la gauche réformiste, à une mobilisation continue pour faire face aux politiques antisociales, aux licenciements, aux restrictions budgétaires, à la précarité, à la guerre et pour obtenir des droits démocratiques, tel que le droit à l’autodétermination pour les peuples de l’Etat espagnol. Il n’y a pas de raccourcis. IZAR soutient aussi l’initiative « No hay tiempo que perder » (il n’y a pas de temps à perdre), avec l’objectif d’avancer vers la nécessaire construction d’un front anticapitaliste large et de classe.
IZAR,
traduction de Luca Torino