Le Canard enchaîné vient de publier des révélations fracassantes, concernant l’enquête sur la catastrophe ferroviaire survenue à Brétigny en 2013. Cette catastrophe avait fait 7 morts, après qu’une éclisse (un genre d’agrafe entre deux parties de rails) se soit détachée et insérée dans un cœur d’aiguille, faisant dérailler un train rempli de voyageurs.
Depuis presque trois ans, un bras de fer acharné oppose les représentants des salariés et ceux de l’entreprise. Les syndicats, le CHSCT et les experts compétents pointent du doigt le sous-effectif majeur dans les équipes d’entretien des voies, les immenses surfaces impossibles à couvrir, et les multiples dysfonctionnements liés aux réorganisations permanentes (une analyse reprise y compris par le très officiel Bureau d’enquête et d’analyse sur les transports terrestres). Les responsables de la SNCF se contentent de cibler… les agents d’entretien ! Malheureusement, cela semble être aussi la logique de la justice : elle a récemment convoqué les agents d’entretien des voies de Brétigny en qualité de « témoins assistés », ouvrant la voie à d’éventuelles mises en examen.
Ce qui oppose ces deux analyses contradictoires, ce n’est rien d’autre que la lutte des classes ! En effet, selon le point de vue que l’on adopte, on blâme le lampiste, accusé de n’avoir pas bien inspecté sa partie de voie…, ou on accuse une politique d’entreprise qui met en péril la sécurité des circulations, à force de supprimer des milliers d’emplois chaque année et de fixer des objectifs inatteignables aux cheminots restants.
La politique du « risque calculé »
Le Canard a révélé que, après l’accident, la justice avait mis sur écoute plusieurs cadres de la SNCF. Ils y discutent explicitement de falsifier leurs témoignages pour masquer la responsabilité de l’entreprise, et de laisser la faute retomber sur « ces crevards » d’agents de Brétigny !
La destruction progressive du service public ferroviaire et sa privatisation rampante ont donc des conséquences très concrètes : la transformation de la SNCF en multinationale avide de profit, et le remplacement de la « culture de la sécurité » (jadis fierté de la SNCF) par une politique du « risque calculé », moins coûteuse... mais meurtrière !
Il y a urgence à réorienter la SNCF vers une logique de service public et de sécurité ferroviaire. Malgré une grosse grève au printemps 2014, les cheminots n’ont pas pu empêcher la division de la SNCF en trois entreprises différentes, avec des conséquences désastreuses sur la qualité et la sécurité du transport... Mais ils s’apprêtent à jouer la deuxième manche au printemps prochain, avec une nouvelle grève reconductible contre l’abaissement de leurs conditions de travail sur celles des boîtes ferroviaires privées (ce qui menacerait aussi la sécurité des trains). Ils auront besoin de tout notre soutien !
Gabriel Lafleur
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 322 (04/02/16)