Le titre de l’exposition, la « Color Line », est repris d’un article de Frederick Douglass, ancien esclave américain (1817-1895). Elle symbolise la ségrégation des Noirs aux États-Unis, après la guerre de Sécession et la fin officielle de l’esclavage en 1865.
L’exposition compte 600 œuvres d’une richesse exceptionnelle. À travers beaux-arts, littérature et cinéma, elle retrace un pan important de l’histoire américaine, qui résonne encore très fortement aujourd’hui.
Après l’abolition officielle de l’esclavage, une série de lois votées dans les États du Sud, ex-esclavagistes, instaurent en effet une stricte séparation raciale, qui ne sera abolie qu’en 1964, par le Civil Rights Act ! Pendant plus d’un siècle après la fin officielle de l’esclavage, les Noirs ont ainsi été discriminés légalement. Et ensuite, même si en théorie, l’égalité des droits avait été acquise, la discrimination n’en subsista pas moins, essentiellement sur le plan économique.
On voit aujourd’hui le résultat de ces politiques, avec les meurtres de Noirs par la police et le développement en riposte, du mouvement Black Lives Matter. L’exposition retrace les différents épisodes des 150 années de combats des Noirs pour conquérir l’égalité des droits. Un combat hélas loin d’être terminé !
De nombreuses photographies, affiches, journaux, peintures, extraits de films, émaillent le parcours des 12 murs documentaires avec vitrines. Les premiers espoirs au lendemain de la guerre de Sécession sont vite éteints avec la mise en place de la séparation des « races » et le principe du « separate but equal ». Tout est alors bon pour justifier la ségrégation, de la Bible au music-hall...
Le crime raciste en spectacle...
Le personnage du Noir insouciant et fainéant, Jim Crow, donnera son nom pour désigner la législation sur la ségrégation. Sont ensuite évoqués le retour des soldats noirs de la Première Guerre mondiale, le boycott des autobus, avec la célèbre figure de Rosa Parks qui refusa de céder son siège à un Blanc, et diverses luttes pour les droits civiques, avec l’évocation bien sûr de figures comme Martin Luther King, Malcolm X, les Black Panthers et Angela Davis (notamment).
Particulièrement effrayante est la salle où sont exposés les lynchages, où l’on découvre avec stupeur des affiches convoquant à ces crimes comme à un spectacle, et des cartes postales où l’expéditeur pose près d’un Noir pendu.
L’exposition s’appuie sur les œuvres des artistes de l’époque, notamment ceux de Harlem Renaissance dans les années 1930. Parmi eux, citons le peintre Aaron Douglas, devenu marxiste, et qui peint de magnifiques toiles et peintures murales dans lesquelles il revisite la période esclavagiste. Les migrations massives du Sud rural au Nord industriel font aussi l’objet de peintures. L’émancipation par le sport est également bien montrée à travers de très nombreux documents.
On l’aura compris, une exposition très complète et riche. À voir absolument.
Régine Vinon
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 357 (03/10/16)