Les patrons et le gouvernement s'attaquent aux migrants, combattons les frontières qui divisent les exploités !

Avec l'évacuation forcée du bidonville de Calais, les migrants ont refait, pendant quelques jours, la une de l'actualité. Alors que le FN et la droite appelaient à des manifestations haineuses pour refuser de les accueillir, le gouvernement faisait preuve de toute son hypocrisie. 

En présentant la destruction du camp de Calais comme une opération humanitaire pour que les migrants soient relogés, Hollande et Valls oubliaient de dire que la plupart des logements d'urgence ne seraient disponibles qu'un mois, le temps de faire une demande d'asile pour la France. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que beaucoup de migrants aient opposé une résistance à quitter Calais, redoutant que leur demande d'asile serait refusée comme elle l'ait dans la plupart des cas. Un très grand nombre de ces migrants ne parlent pas français et ont fait des centaines de milliers de kilomètre, en traversant des déserts, des océans et des barbelés pour rejoindre des membres de leur famille en Grande Bretagne. Le démantèlement aura par contre montré qu'a l'inverse de la brutalité du gouvernement, une partie de la population a su montrer sa solidarité avec les migrants par le biais humanitaire ou même en organisant des contre-rassemblements massifs face à l'extrême-droite. Ces réactions montrent qu'il serait possible de s'opposer au gouvernement et de proposer des perspectives pour combattre sa politiques xénophobe et raciste. Mais encore faut-il comprendre l'ampleur du phénomène, ses raisons profondes, pour pouvoir regrouper nos forces autour d'une stratégie pour y mettre fin.

Des guerres menées par nos propres gouvernements

Il faut bien comprendre que la vague de migration qui traverse le monde est loin de se terminer. Les conflits armés se multiplient pour l'accaparement des marchés et des matières premières. La France a mené quatre guerres, au Mali, en Centre- Afrique, en Irak et en Syrie, rien que sous le mandat de François Hollande. Ces conflits provoquent la destruction et la barbarie pour des millions de personnes obligées de partir en laissant toute leur vie derrière eux. En Syrie, on estime à 4 millions le nombre de personnes qui ont été privées de leur logement depuis 2011, tandis que 3 millions de Syriens ont été obligés de se réfugier dans les pays voisins. La récente offensive de la coalition internationale contre Daesh, à Mossoul, pourrait provoquer près d'un million de migrants selon les pires estimations de l'ONU. En 2014 on estimait à 50 millions le nombre de migrants causés par les guerres et des conflits dans le monde. Sur ce chiffre, l'Europe forte de ces 500 millions d'habitants, n'en accueille que 1 %. Ce sont surtout les pays déjà très pauvres qui accueillent le plus de migrants, comme le Liban, pays de 4 millions d'habitant qui regroupe 1 millions de migrant.

Bombardés là-bas, surexploités ici

Ces vagues de migrations ont toujours été utilisées par les patrons pour faire fonctionner l'économie et mettre les travailleurs en concurrence. En France les patrons encouragent par exemple l'immigration légale dans toute une série de secteur qui manque de main d'œuvre. On estime entre 20 et 30 % le nombre d'ouvriers du bâtiment, d’employés de l'hôtellerie ou de la sécurité qui sont des immigrés légaux. Et quand le nombre de migrants « légaux » ne suffit pas, les patrons embauchent les centaines de milliers de travailleurs sans-papiers, obligés d'accepter de travailler pour un salaire et des conditions de travail très précaires. L'Allemagne qui a accueilli 1 million de réfugié, a mis en place des emplois a 1 euros de l'heure. 

L'utilisation de la main d'œuvre immigrée par le patronat n'est pas nouvelle, dès 1850 les patrons des mines et du textile du nord de la France et de région parisienne utilisaient des travailleurs Belges et Allemands pour faire fonctionner leurs industries. Puis se sont succédées des générations de travailleurs immigrés Italiens, Polonais, Portugais, Espagnol, Algériens, Marocain ou d'autres colonies comme l'Indochine. Quand les vagues de migrants ne suffisaient pas, les capitalistes sont allés chercher directement des travailleurs, de gré ou de force. Ce fut le cas après la première guerre mondiale ou près de 500 000 travailleurs polonais furent ramenés par wagons entiers pour combler la pénurie de main d'œuvre. Après la deuxième guerre mondiale, les patrons de l'automobile et des mines de charbon allèrent cette fois chercher leurs ouvriers dans les villages d'Afrique du nord. Ainsi la classe ouvrière a été constituée par des générations de travailleurs immigrés.

Murs, frontières, barbelés... Contrôler pour mieux exploiter 

Si les patrons ont autant besoin des migrants, pourquoi les gouvernements à leur service renforcent-ils les frontières pour bloquer l'entrée massive des réfugiés ? En effet on assiste depuis plusieurs années au renforcement des frontières comme celle entre les Etats-Unis et le Mexique que Obama n'a cessé de fortifier et qui a conduit à la mort de 5 à 10 000 migrants sur les 15 dernières années. Avec le projet de construction d'un mur géant par Donald Trump, la traversée risque d'être encore plus dangereuse pour les milliers de personnes qui tentent leur chance chaque année. 

Le bilan de la forteresse européenne est encore plus dramatique. L'ONU estime que 10 000 migrants sont morts noyés dans la mer méditerranée depuis 2014. L'Union européenne n'a fait qu'augmenter le budget pour renforcer sa frontière. Frontex, l'organisme chargé de coordonner la surveillance des frontière européenne a vu son budget multiplié par quinze depuis 2004, et l'a conduit à renforcer tous son attirail de surveillance grâce à des drone, des hélicoptère, des caméras thermique et l'utilisation massive de compagnies de surveillance et de sécurité privée. C'est pour éviter toute ces barrières que les migrant sont obligé de prendre des routes de plus en plus dangereuse et qui les conduise bien souvent à la mort. 

Ces politiques sécuritaires, xénophobes et racistes permettent aux gouvernements de trouver des boucs émissaires à la crise et au chômage, qu'ils n'arrivent pas à endiguer. Cette politique démagogique n'est pas nouvelle non plus : déjà durant la crise des années 1930, le gouvernement français avait expulsé 400 000 travailleurs immigrés. Mais les patrons savent bien que, dès qu'ils en auront besoin, ils pourront rouvrir les frontières comme ils l'ont fait récemment en Allemagne. En attendant, les milliers de migrants qui arrivent quand même à passer ces frontières au péril de leur vie constituent une main d'œuvre corvéable à merci pour les patrons. Ces populations, qui ont souvent donné leurs dernières richesses aux réseaux mafieux de passeurs et qui se retrouvent traquées par la police, peuvent être exploitées sans difficultés tant elles n’ont pas d’autre choix que d’accepter les conditions de travail et les salaires de misère qu’on leur impose.

De l'indignation à la construction de l'unité de notre camp social 

La politique brutale menée par le gouvernement sur Calais ou sur les camps à Paris n'est ainsi compréhensible que par la volonté de maintenir cet état de fait. Maintenir aussi l'idée que lorsqu'on a pas la bonne couleur de peau et peu importe si l'on vit et travaille ici, on n'a pas le droit à la parole. 

Dire cela, c'est ainsi comprendre que la solidarité avec les migrants est un combat, que l'on ne peut délier de la bataille contre le gouvernement et contre les politiques patronales. Face à ces vagues de migrations et à la politique de division des gouvernements, nous devons chercher à unifier notre camp, jeunes et travailleurs d'ici ou là bas. Dans l'histoire, les travailleurs ont toujours gagné à se battre pour les droits de migrants et à les intégrer à leur lutte. Dès le XIXème siècle, lorsque les patrons des mines cherchaient à mettre en concurrence les travailleurs français avec les belges ou les allemands, y compris en faisant venir des travailleurs étrangers pour briser les grèves, le mouvement ouvrier a cherché à s'adresser à ces travailleurs. C'était le sens de la dernière phrase du manifeste communiste écrit en 1847 par Marx et Engels, qui proclamait « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » et qui ont concrètement cherché à organiser les travailleurs de différentes nationalités dans une même organisation de lutte, l'Association Internationale des Travailleurs. Aujourd'hui, le recul du mouvement ouvrier pour s'adresser aux migrants et les défendre comme des frères et sœur de classe, contribue à nourrir les préjugés racistes dans la classe ouvrière. 

Déjà dans les années 1980, le PCF parlait de « produire français » tandis que son principaux dirigeant Georges Marchait expliquait qu’« il faut arrêter l'immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage ». Aujourd'hui, Jean Luc Mélenchon a repris cette rhétorique en expliquant que les travailleurs détachés « volent le pain » des travailleurs qui se trouvent sur place. Ces paroles n'empêcheront pas les migrants de quitter leur pays en guerre et où la misère provoquée par le système capitaliste bat son plein. Par contre, elles contribuent à renforcer l'illusion que les responsables du chômage et de la misère seraient les migrants. La situation impose au contraire de se battre pour les droits de migrants à commencer par leur liberté de circulation, leur régularisation et leur accueil dans de bonnes conditions. Les travailleurs en France, qu'ils aient des papiers ou non, ne pourront combattre l'exploitation qu'imposent les patrons, qu'en renforçant leur unité.

Mathias [Lille]