Lors de la rentrée de septembre 2016, la question des suppressions d’emplois et des licenciements est revenue sur le devant de la scène de la lutte des classes. Les quatre mois de mobilisation contre la loi Travail ont obligé les patrons à marquer une pause dans les annonces de plans sociaux. Mais une fois le mouvement terminé, ce sont plus de 40 000 suppressions d’emplois qui ont été annoncées pour la fin de l’année 2016. Tous les secteurs économiques sont frappés, et les grands groupes capitalistes mènent le bal : SFR (5000 emplois liquidés !), Alstom, General Electric, Areva, IBM, Intel, Servier, Société Générale, Sanofi, Vallourec, Michelin, Latécoère, Carrefour...
Si rien ne vient arrêter les projets des patrons, plus de 200 000 emplois risquent de passer à la moulinette en 2017. C’est une véritable catastrophe sociale... que Fillon, le candidat de la droite à la présidentielle ne trouve pas encore assez dramatique puisqu’il a promis, s’il est élu en 2017, de faire disparaître 500 000 postes de fonctionnaires !
Le front des licenciements dans la guerre de classes
Depuis l’éclatement de la bulle financière de 2008, le capitalisme en crise mène une guerre sociale sans merci à la classe ouvrière. Les licenciements en masse, l’angoisse quotidienne de perdre son emploi, la perspective constante de travailler à flux tendu dans les services au fur et à mesure des suppressions de postes, la pression que cela implique sur les salaires, font de cette question un élément central de la précarisation de notre classe sociale et donc sa préoccupation principale. Cela démontre aussi que les capitalistes sont incapables de faire autre chose que de ruiner nos vies pour maintenir à flots leurs intérêts.
« Départs volontaires », « reclassements » ou encore « reconversions » : le patronat innove sans cesse pour inventer des termes qui cachent la misère. La pression au « volontariat » sous peine de licenciement sec est une technique désormais bien rodée dans les entreprises. Depuis 2008 et la mise en place de la « rupture conventionnelle », ce sont près de 320 000 contrats en moyenne qui sont rompus chaque année : sous couvert d’accord mutuel, combien de licenciements déguisés ? Il y a environ 55 000 licenciements par mois, dont 75 % pour « motif personnel ». Les licenciements économiques deviennent minoritaires et, surtout, le nombre de recours juridiques entamés par les salariés n’arrête pas de chuter.
Chez PSA, en octobre, la direction a annoncé 2 133 postes supprimés sur l’ensemble du groupe. Là encore, des termes moins connotés ont été mis en avant : congés senior, congés de longue durée ou départs volontaires. Pourtant, il s’agit bien de supprimer des postes, qui viennent s’ajouter aux 17 000 déjà supprimés en quatre ans. Et pendant ce temps-là, pour les profits, tout va très bien, merci : 1,2 milliard en 2015, et la même somme pour le premier semestre de 2016 !
Dans cette société capitaliste où la majorité d’entre nous n’a que sa force de travail pour vivre, perdre son boulot, son salaire, c’est voir sa vie rapidement partir en lambeaux, avec l’impossibilité de se loger, de se nourrir, de se chauffer ou de se déplacer, c’est-à-dire de survivre au minimum. Et encore, nombre de salariés sont aujourd’hui des travailleurs pauvres, qui doivent cumuler plusieurs emplois pour avoir un revenu leur permettant à peine d’aller jusqu’à la fin du mois.
Dans certains cas, le prix à payer, c’est la vie elle-même : à La Poste, depuis 2012, il y a eu plus de 100 000 suppressions d’emplois, et 28 suicides ont été comptabilisés. Chez Goodyear, après sept ans de lutte à Amiens pour sauver les emplois, des vies ont été brisées par le chômage, par plusieurs suicides et par la condamnation à de la prison ferme de 8 salariés (condamnation ramenée à vingt mois avec sursis le 20 octobre lors du procès en appel).
Et avec les lois Macron et El Khomri, le gouvernement Hollande-Valls n’aura eu de cesse pendant cinq ans de faciliter le sale boulot des patrons, pour accélérer toutes les procédures de licenciements et accroître la flexibilité du travail.
Prendre sur les profits, exproprier ceux qui nous licencient et nous volent au quotidien !
L’annonce de licenciements crée souvent le désarroi parmi les travailleurs menacés et dans leur entourage. Qui va être touché ? Comment retrouver un emploi ? Comment satisfaire les besoins de la famille ? Mais à l’inverse, pour les actionnaires des entreprises concernées, il s’agit d’une bonne nouvelle, car c’est souvent l’annonce de profits supplémentaires. La misère pour les uns, des dividendes en plus pour les autres. Dans les médias, combien de fois a-t-on annoncé le même jour un plan de licenciements, et dans la foulée l’augmentation du prix de l’action de la même société à la Bourse ?! Sans la moindre vergogne, la maxime des patrons se résume à « des salaires en moins, des profits en plus », à tel point que les dirigeants d’entreprises prospères, qui engrangent de confortables bénéfices, n’hésitent pas à utiliser l’annonce de licenciements pour faire remonter le cours des actions de leur groupe. C’est écœurant, révoltant, mais c’est pourtant la triste réalité.
Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, les licenciements ne sont pas une fatalité. Les centaines de milliers de familles confrontées à la tragédie de la perte d’emplois et de ce qui en résulte, n’ont aucune raison de se résigner, pas plus que les millions d’autres salariés qui vivent dans l’angoisse de telles annonces. Seule la crainte d’une colère du monde du travail peut infléchir l’avidité des patrons et leur imposer d’autres choix, les obliger à prendre sur les profits pour sauvegarder les emplois.
Les richesses n’ont jamais été aussi importantes. Alors oui, une première mesure serait de prendre sur les profits faramineux. Mais à plus long terme, tous ces parasites ont prouvé qu’ils ne feront jamais rien d’autre que de se servir de nous comme de variables d’ajustement, et à plus forte raison en période de crise quand leur système pourri est fragilisé. C’est pourquoi nous revendiquons l’expropriation de toutes les entreprises, de tous les secteurs et groupes qui projettent de supprimer des postes, de fermer des sites, de perpétrer des plans de licenciements. Et plus encore, nous voulons pouvoir vérifier par nous-mêmes l’état réel des entreprises : cela nécessite obligatoirement l’ouverture des livres de comptes des entreprises et l’accès aux comptes bancaires des patrons qui veulent licencier.
Pour cela, n’attendons rien de 2017 : Macron, Fillon ou Valls ne feront demain que ce qu’ils ont déjà fait hier et avant-hier, défendre les intérêts de la bourgeoisie. Marine Le Pen, en embuscade, aura beau jeu de se présenter comme le renouveau : elle défendra tout autant l’arbitraire capitaliste !
C’est maintenant que doivent s’unir les colères !
Comme avant la mobilisation contre la loi Travail, nous sommes de nouveau dispersés, chacun dans son secteur. Pourtant, une frange de salariés et de militants, celles et ceux qui se sont mobilisés contre la loi Travail, qui se regroupent lors des procès de syndicalistes ou de jeunes traduits en justice, celles et ceux qui défendent la convergence des luttes et leur généralisation de manière systématique depuis des années, ont le sentiment qu’une étape peut être franchie dans le regroupement de toutes ces énergies, de toute cette détermination à ne plus se faire écraser. S’adresser aux salariés qui sont frappés par les licenciements et ne sont pas résignés à grossir les rangs de Pôle Emploi, cela doit être une priorité militante : proposer des initiatives visibles à une échelle de masse, dans l’idée de ce qu’avaient tenté de faire il y a plus de quinze ans les salariés de LU-Danone, qui étaient parvenus à organiser une manifestation nationale pour l’interdiction des licenciements. Des équipes syndicales, des collectifs militants sont disponibles pour braver l’inertie des directions syndicales : il est de la responsabilité des militants anticapitalistes et révolutionnaires de peser de tout leur poids pour qu’une initiative voie rapidement le jour au début de l’année 2017, avant le paroxysme du grand cirque électoral.
Pour défaire la loi Travail, pour obtenir l’amnistie de tous les inculpés et ne plus laisser les capitalistes nuire dans l’entreprise comme au dehors avec la menace permanente des licenciements, ce qu’il nous faut, c’est une première journée de grève et de manifestation nationale interprofessionnelle. Elle pourra s’appuyer sur l’expérience de la mobilisation contre la loi Travail, et sur la dynamique impulsée par les équipes militantes et syndicales qui ont permis la mobilisation des 19 et 20 octobre à Amiens.
Armelle Pertus