Il s’agit ici de faire un bref point d’étape de la politique menée ces derniers mois et en particulier suite à la dernière mobilisation contre la loi travail le 15 septembre. Ce point d’étape ne se veut pas exhaustif mais plutôt une amorce au débat, pour inciter les camarades du parti à mener cette discussion, mais aussi et surtout pour que les militants de boîtes qui jouissent d’une certaine implantation en fassent leur politique.
Ce qui a principalement permis la fermeté du pourtant faible gouvernement Valls/Hollande face à l'ampleur et la durée du mouvement social ce printemps, c'est l'absence de direction politique ouvrière lutte de classes pour cette mobilisation.
Pour autant, que l'adoption de la loi El Khomri n'a eu pour conséquence ni une démoralisation des salariés ou des militants ni un reflux massif de la lutte de classes. On assiste plus à une suspension momentanée de son expression collective la plus visible, celle contre la loi travail. Par contre une multiplication de conflits économiques localisés partiels témoigne du caractère toujours explosif de la situation sociale. On peut en voir l'expression aux succès des journées de mobilisations nationales après le 15 septembre, celles de la santé, de EDF ou encore à la durée des conflits sociaux comme au succès de certains d'entre eux. Sur la semaine du 16 au 20 janvier se sont d’après les observations de Jacques (cf la page Facebook Luttes invisibles), plus de 120 conflits par jours, soit le double par rapport à l’année dernière sur la même période. Deux grèves nationales sont d’ores et déjà prévues à pôle emploi le 6 mars et le 7 mars dans le secteur de la santé et du travail social. La mobilisation à pôle emploi pose la question de la reconductible, les camarades expliquent d’ailleurs que la colère y est importante.
On ne peut pas dire quand aura lieu la nouvelle explosion, mais cela peut arriver à n’importe quel moment.
Les classes possédantes comptent maintenant sur le cinéma électoral de 2017 pour occulter, contenir ou détourner les mobilisations sociales. Cependant, les pôles de classe opposés se renforçant, le centre mou social-démocrate s'estompant, il n'est pas dit que la lutte des classes ne vienne pas troubler le jeu électoral.
Et d'une certaine manière, cela se prépare et s'annonce déjà.
Contrairement à bien des élections passées, ou s'opposaient gauche et droite, avec les illusions que cette confrontation organisait, le résultat des prochaines présidentielles est déjà quasi établi pour la majorité des électeurs ; le gagnant mènera clairement une politique violemment anti-ouvrière. L’oreille de militants ouvriers ou d’équipes syndicales luttes de classes est donc disponible pour écouter qu’il ne sert à rien d’attendre le résultat pour préparer le troisième tour social, et qu’il vaudrait mieux s’y mettre dès maintenant.
En effet, l'absence de direction politique ouvrière à la mobilisation du printemps a accru et approfondi la crise qui existait auparavant au sein de la CGT ce qui n'est pas sans conséquence.
La première expression publique de cette crise s'était manifestée à l'hiver 2014/2015. Le passage de la loi Macron, après déjà l'Ani, les attaques incessantes du patronat, montraient l'inconsistance et la nocivité de la politique de Dialogue social dans laquelle le gouvernement enfermait la confédération. De nombreuses structures du syndicat s'opposèrent publiquement à cette politique pour tenter de retrouver le chemin d'une politique lutte de classe. L'affaire Lepaon a alors à la fois amplifié l'expression publique de cette contestation en même temps qu'elle la détournait vers des objectifs internes. Le résultat a été la mise à l'écart du secrétaire confédéral sans pour autant permettre un changement de fond de la politique de la CGT.
Cependant, l'acuité de la lutte de classes accompagnée des violences gouvernementales continuant, l'affaire des chemises d'Air France annonçait déjà ce qui allait être une étape importante dans la contestation interne dans la CGT, la manifestation du 4 février 2016. Mickael Wamen des Goodyear s'adressait directement à l'ensemble des manifestants ce jour là – pas seulement aux militants CGT - pour une autre politique. Puis, il entamait une tournée de meetings ouverts à tous où sur la base d'une orientation clairement lutte de classe, il trouvait l'oreille de nombreux militants CGT... et d'ailleurs.
Cela a permis le succès des rassemblements à Amiens des 19-20 octobre 2016 et du 11 janvier 2017. Mais pas seulement. Car à ces occasions mais aussi entre temps, se sont regroupés avec les Goodyear un certain nombre de structures syndicales et de militants de tous horizons autour de l'exigence de relaxe et d'amnistie de toutes les victimes de la répression et de la continuation de la lutte contre la loi travail. Ca s'est fait dans le meeting de Paris le 13 octobre, s'ouvrant aux jeunes de quartiers et à des militants de Sud ou enseignants en lutte, puis le 16 octobre avec la Compagnie Jolie Môme lors de leur « cabaret d’urgence », encore dans le meeting de Mulhouse le 16 novembre puis à nouveau au théâtre de la Belle étoile le 15 décembre, où était franchi une nouvelle étape avec la décision de renouveler ces meetings chaque mois.
Un nouveau stade dans la construction d'une politique lutte de classe indépendante a été passé le 12 janvier 2017 : 13 structures syndicales CGT - à ce jour - annonçaient qu'elles attaquaient en justice la constitutionnalité de la loi travail alors que les confédérations qui l'avaient promis ne le faisaient pas. Elles proposaient également d'élargir la gestion de la caisse de grève créée par Info Com CGT pour les Goodyear (qui a recueilli plus de 500 000 euros), aux syndicats qui le voulaient, en même temps qu'elles proposent de continuer la collecte pour aider aux luttes à venir.
Cette dynamique de classe aura évidemment une suite rapide au vu des attaques en cours et à venir. Au calendrier électoral, il faut répondre par le calendrier de notre camp social.
Cela signifie qu'est en train de se construire autour de la lutte contre la répression (plus de 1700 cas de procès, sanctions ou procédures ont été centralisé par Jacques) et de la continuation du combat contre la loi travail, un pôle ouvrier indépendant lutte de classe à notoriété de masse regroupant militants, travailleurs et potentiellement des jeunes qui n'en peuvent plus des attaques patronales et gouvernementales comme de la politique de collaboration de classes des dirigeants du mouvement ouvrier traditionnel. C'est unique en Europe, très loin des expériences électorales de Siryza ou aux marges de la classe ouvrière de Podemos.
C'est évidemment là que doivent se trouver les militants révolutionnaires.
A&R