Malgré plus de 19 % des voix, huit points supplémentaires par
rapport à 2012, le candidat de La France insoumise a eu pourtant
beaucoup de mal à cacher une déception mâtinée de rancœur lors de son
allocution dimanche soir...
Pour celui qui s’était
effectivement attribué le nouveau leadership de la gauche
institutionnelle, qui martelait depuis plusieurs semaines qu’il était
tout à fait capable de gouverner la France (et qu’il « n’était pas d’extrême gauche »
!), la non-qualification pour le second tour de la présidentielle est un
échec. Quand on prétend réformer le système ou améliorer les
conditions de vie de la population par la voie électorale, encore
faut-il pouvoir remporter les élections. Son ambition était
effectivement de prendre la place du Parti socialiste dont il est issu,
et qui s’est complètement discrédité à mener une politique au service
des riches et du patronat.
Le « vote utile » à gauche a
indéniablement profité à Mélenchon puisque au fur et à mesure que les
intentions de vote s’effondraient du côté de Hamon, elles se reportaient
en majeure partie vers lui. Mélenchon avait fait le buzz en janvier
avec sa formule disant que Macron et lui formaient les deux branches
d’un casse-noix qui allait faire « de l’huile » avec le PS. Cette
formule s’est avérée prémonitoire, mais les deux branches du casse-noix
ne sont pas au final exactement du même gabarit...
Illusions
électorales envers un « vrai gouvernement de gauche », procuration
donnée à un « sauveur suprême », espoirs sincères de changement radical
de société, flirt prononcé avec toutes les idées nationalistes et
chauvines, volonté de mettre une claque bien méritée au Parti
socialiste... c’est bien l’ensemble de ces paramètres qui expliquent le
score recueilli par Mélenchon.
Un Mélenchon qui a fait une
campagne bien moins radicale qu’en 2012, qui a encore plus rompu les
amarres avec le mouvement ouvrier (l’interdiction des drapeaux rouges
dans ses rassemblements, la déferlante des drapeaux tricolores, les
références incessantes à la « patrie chérie », etc.), en bisbille
permanente avec l’appareil du Parti communiste qu’il a réussi à rendre
invisible... tout en réussissant à regrouper derrière lui l’électorat
communiste dans les bastions municipaux de celui-ci. Autant d’éléments
contradictoires, donc, avec lesquels Mélenchon a joué de manière
bonapartiste durant la campagne et qui expliquent aussi son refus de
donner explicitement une consigne de vote en faveur de Macron à l’issue
du premier tour, contrairement aux dirigeants du PCF.
Le succès
électoral de Mélenchon exprime en partie, même de manière détournée, la
rupture d’une frange significative des classes populaires avec le
capitalisme et ses serviteurs, mais Mélenchon l’enferme dans une logique
institutionnelle et nationaliste. Le meilleur service qu’on puisse
rendre à cette frange-là de l’électorat de Mélenchon, c’est s’adresser à
elle sur nos bases, anticapitalistes et internationalistes, comme nous
l’avons fait lors de la campagne Poutou, afin de continuer à marteler
que si on veut qu’ils « dégagent tous », ce sera impossible sans
mobilisations sociales d’ampleur. Le suffrage universel ne pourra se
substituer à la grève générale !
Marie-Hélène Duverger