La direction de Solidaires a trouvé des avocats pour sa politique

La lecture du numéro de juillet-août de la revue Alternative libertaire laisse pantois. Dans l’article consacré au congrèsde Solidaires, on apprend ainsi que le vocable « direction syndicale » est hors-sujet concernant ce syndicat… 

Pourtant, cette direction pèse de tout son poids quand il s’agit de ne débattre de la question centrale – à savoir, la réponse à mettre en oeuvre face aux ordonnances Macron – qu’à 22 heures la veille de la fin du congrès, après une introduction laborieuse de 30 minutes en tribune, pour laisser la parole à la salle lors d’interventions limitées à 3 minutes… Et comment qualifier le fait d’attendre le jeudi pour appeler aux manifestations du lundi suivant, impulsées par le Front social ? 

On n’y trouve pas non plus un seul mot pour dire que seule la fédération Sud PTT, membre historique de Solidaires, a été à l’initiative de la motion invitant à prioriser la construction du Front social. C’est bien parce que la déclaration finale du congrès alignait, sur le même plan, des cadres de mobilisation obsolètes (« On bloque tout » ou « Nuit debout ») ou qui ne fonctionnent pas (« Nos droits contre leurs privilèges » ou l’intersyndicale nationale en pointillé) que la fédération Sud PTT a fait le choix de maintenir sa motion, avec d’autres structures, sous forme d’une motion complémentaire. Alternative libertaire frise même la mauvaise foi en expliquant que cette motion a été largement rejetée, alors que les abstentions et refus de participer au vote représentaient autant que les voix s’étant exprimées contre (respectivement 42 % et 41 %) ! 

En juillet, le comité national de Solidaires a d’ailleurs démontré, en particulier dans nombre de syndicats locaux, qu’on ne partageait pas cette réticence à mettre en place un cadre unitaire local comme le Front social, surtout quand les intersyndicales départementales sont tout bonnement inexistantes. Enfin, le même article réussit le tour de force de passer sous silence le psychodrame qui a marqué le renouvellement du secrétariat national de Solidaires, c’est-à-dire de sa direction. À trop tirer sur les statuts dans le but de maintenir, pour la septième année consécutive, une dérogation permettant de porter la participation maximale par organisation de deux à trois membres au secrétariat, le retour de manivelle démocratique a eu lieu, et la dérogation a été rejetée. 

Arrivé à ce stade de la lecture, on a la désagréable impression qu’on a affaire ici à une sorte de principe de la « courroie de transmission », mais inversé, le syndicat dictant sa ligne à l’organisation pour laquelle se vouloir d’avant-garde sonne comme un gros mot. 

En effet, l’éditorial de cette même revue appelle à construire une rentrée brûlante et le Front social qui va avec (ou plutôt, un front social)… avant de se livrer à une critique en règle de ce dernier. Là aussi, l’approximation est la règle : le Front social est réduit à sa dimension parisienne – alors qu’après trois mois d’existence, il compte déjà 47 collectifs locaux – et à ses seules composantes syndicales, alors qu’il a le mérite de vouloir regrouper les différents fronts de lutte, dont les protestations contre les violences policières et les ZAD. Et quand les jeunes de « Génération ingouvernable » préfèrent défiler avec des syndicalistes plutôt que de s’en prendre au service d’ordre de la CGT, il y a franchement de quoi se féliciter du véritable travail de conviction qui a été mené. 

Encore un effort, camarades libertaires, vous qui appelez à « dépasser le piège du timing » : c’est maintenant qu’il faut construire l’unité d’action pour rassembler le plus largement possible à la rentrée. Certes, comme l’a théorisé Lénine, « Un pas devant les masses, pas plus ! » ; mais pour cela, encore faut-il vouloir marcher sans tarder, alors que patronat et gouvernement avancent à grands pas pour écraser notre classe. Pas demain, mais dès aujourd’hui !

Des communistes révolutionnaires de Solidaires