En plein cœur de l’été, le gouvernement a annoncé un plan de licenciement de 150 000 salariés embauchés en contrats aidés ! Mais malgré les vacances, cette annonce n’a pas pu être passée sous silence. Elle a permis de révéler le scandale organisé depuis presque 40 ans autour de ces « contrats aidés ».
Les premiers contrats aidés sont apparus dans le milieu des années 1970. Au fil des années et des gouvernements, ces contrats ont connu des dizaines d’appellations : contrat d’orientation, de professionnalisation, d’avenir, contrat jeune, contrat initiative-emploi… Aujourd’hui, ils sont connus sous le nom de « Contrat unique d’insertion » (CUI). Leur point commun : ce sont des contrats de travail pour lesquels une partie des cotisations sociales et du salaire des employés est financée par l’État et les collectivités territoriales. La justification de la bourgeoisie a toujours été la lutte contre le chômage, tant elle est parvenue à ancrer profondément dans les esprits que s’il y a du chômage, c’est parce qu’embaucher un salarié coûte trop cher à un patron. Si l’État assume ainsi une partie du « coût du travail », le patron peut embaucher plus facilement… Ces contrats étaient d’ailleurs réservés aux catégories de la population les plus touchées par le chômage : les jeunes, les vieux, les chômeurs de longue durée.
Des contrats au seul bénéfice des patrons
Mais cessons ici les faux-semblants. Les « contrats aidés » ont toujours servi de variable d’ajustement pour camoufler les chiffres réels du chômage, et ils sont aussi l’un des meilleurs moyens d’organiser la précarité sans avoir à s’attaquer directement au Code du travail.
Comment peut-on prétendre que ces emplois permettent de lutter contre le chômage quand tous ces contrats sont à durée déterminée et/ou à temps partiel ? En réalité, ces contrats renvoient périodiquement des salariés au chômage. Ils ne sont pas un remède au chômage, mais une véritable aubaine pour les patrons : l’opportunité économique des contrats aidés est d’offrir aux entreprises un emploi à prix réduit et à contraintes allégées. Les contrats aidés permettent de remplacer indéfiniment un salarié à un poste qui devrait être pourvu de façon durable, ce qui renforce la flexibilité. L’employeur s’exonère ainsi de toutes les garanties collectives offertes par le droit du travail.
Le Président des riches voit plus grand…
Macron, pour sa part, a décidé de s’attaquer directement au Code du travail. À ses yeux, les petits arrangements discrets pour déroger aux contraintes des contrats, conventions et autres garanties collectives, deviennent donc obsolètes. Voilà pourquoi, il n’a plus besoin de ces contrats aidés.
Mais dans son plan, il a sans doute oublié que ces salariés « jetables » remplissent des fonctions indispensables. Aujourd’hui, 75 % des contrats aidés sont utilisés dans le secteur « non marchand », les services publics et les collectivités territoriales, en premier lieu dans l’Éducation nationale ou le périscolaire. Les salariés changent mais la fonction, elle, est pérenne. C’est clairement ce qu’a permis de mettre en lumière l’annonce de la suppression de 150 000 contrats aidés. Dans certaines communes, l’arrêt des contrats aidés a signifié la fin de la cantine ou du centre de loisirs ; dans certains lycées, elle s’est traduite par une pénurie d’agents de nettoyage ou de surveillants !
Par la lutte, il est possible de gagner
Face à ce plan de licenciement inégalé, la réaction des directions syndicales a été en-dessous de tout. Aucune initiative nationale n’a été prise, aucune bataille sérieuse n’a été engagée pour empêcher ces suppressions d’emplois. Plusieurs milliers de salariés se sont déjà retrouvés sur le carreau à moindre frais : inutile de prévoir le versement d’indemnités de licenciement, il suffit juste d’attendre que leurs contrats précaires prennent fin…
En revanche, le gouvernement a dû faire face à plusieurs conflits locaux. D’abord à La Réunion et en Martinique, où la mobilisation déterminée des salariés et des usagers du service public, la grève et le blocage de la rentrée scolaire, ont permis d’obtenir des victoires et de conserver ces contrats. En France, plusieurs collèges et lycées se sont aussi lancés dans des grèves reconductibles quand, à la rentrée, ils se sont retrouvés dans l’incapacité de faire tourner les établissements sans la présence des salariés qui occupaient les emplois aidés. Dans la plupart des cas, la lutte a payé. Cela prouve qu’il est possible d’organiser un combat à plus large échelle. Il existe une occasion d’engager une contre-offensive non seulement contre le licenciement massif de 150 000 salariés, mais aussi pour la titularisation de l’ensemble de ces salariés qui occupent des fonctions pérennes.
Rien ne peut justifier que ces emplois soient précaires, à durée déterminée et à temps partiel. Par exemple, comment justifier qu’un enfant en situation de handicap, scolarisé 24 heures par semaine pendant toute sa scolarité de la maternelle au collège, soit accompagné par une auxiliaire de vie scolaire seulement durant 20 h par semaine ? Comment justifier que le contrat de cette AVS ne soit signé que pour un an ? Il faut stopper ce plan de licenciement indigne et titulariser l’ensemble de ces personnels. Les contrats aidés préfigurent sans doute le type d’emplois qui pourront être le lot de n’importe quel travailleur après l’adoption de la loi Travail : des salariés précaires, flexibles et jetables à tout moment. La lutte contre la suppression des contrats aidés pourrait servir de fer de lance à la mobilisation plus générale contre les ordonnances de Macron sur la loi Travail.
Juliette Stein