Victoire juridique pour les travailleurs uberisés

Le 10 janvier 2019, la Cour d'appel de Paris a reconnu le contrat de travail liant un chauffeur Uber à la plateforme.

Dans la droite ligne de ce qui a été fait sous Sarkozy puis Hollande, Macron a tout fait pour faciliter la vie des patrons des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo et précariser toujours plus les travailleurs en développant le statut d'auto entrepreneur. 

Mais l'évidence est de plus en plus difficile à nier au fur et à mesure des décisions de justice. Après la Cour de cassation qui avait reconnu le 28 novembre 2018 l'existence d'un contrat de travail entre un livreur à vélo et la plateforme de mise en relation "Take it easy", c'est au tour de la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 10 janvier 2019, de reconnaître qu'un chauffeur Uber était bien lié par un contrat de travail à la plateforme. 

Ces décisions de justice sont claires : à partir du moment où la plateforme donne des ordres aux chauffeurs ou livreurs (interdiction de refuser plus de trois sollicitations par exemple), contrôle leur activité – notamment grâce à la géolocalisation - et est capable de les sanctionner à tout moment en les excluant temporairement ou définitivement, le lien de subordination existe. Le contrat entre la plate-forme Uber et un chauffeur n’est donc pas une relation commerciale qui lierait deux patrons, d'égal à égal. Il y a bien subordination et relation de salariat. La Cour d'appel de Paris a donc décidé que c'est aux prudhommes, comme pour tous les autres salariés, que sera jugé Uber pour licenciement abusif (le chauffeur concerné par cet arrêt s'était vu définitivement exclu de l'application sans préavis ni indemnités bien sûr!). 

Sur le plan juridique, ces procédures individuelles viennent s'ajouter à celles de l'Urssaf contre Uber ou de l'Inspection du travail contre Deliveroo. Concernant ces deux entreprises, des procès-verbaux pour travail dissimulé ont été transmis au procureur de la République de Paris, sur la base du détournement de statut, les indépendants devant être considérés comme des salariés. 

Mais les procédures juridiques, si elles vont dans le bon sens, ne suffisent pas pour l'instant à déstabiliser les patrons des plateformes qui savent qu'ils peuvent compter sur le gouvernement pour modifier la loi en leur faveur ou pour donner ordre au parquet de ne pas donner suite aux procédures des corps de contrôle. Ainsi, visée par l’Urssaf et par une grève des chauffeurs, la direction d'Uber déclarait, en 2017, sûre d'elle : « La position de l'Urssaf est politique. Il est clair qu'Uber n'a aucun contrôle sur l'activité des chauffeurs Uber » (ce qui est totalement faux comme vient de le reconnaître la cour d'appel).

Si les patrons de la plateforme continuent, en 2019, de ne pas se sentir trop déstabilisés, c'est qu'ils savent que pour enrayer ces requalifications en chaîne des tribunaux, le gouvernement entend prendre des mesures par le biais de l'article 20 du projet de loi d'orientation des mobilités en cours d'examen. Il est prévu d'inscrire dans la loi l'obligation pour les plateformes de rédiger une charte bidon relative à leur responsabilité sociale, tout en leur garantissant que l'existence de ce document ne saurait caractériser un lien de subordination avec les travailleurs concernés. 

Stop aux arnaques ! 

Les travailleurs uberisés demandent les mêmes droits que ceux des salariés. C'est par la grève qu'ils ont commencé à résister contre Uber, contre Deliveroo et à tisser des liens avec leurs collègues à l'international. Et c'est par la grève, en touchant aux portefeuilles des patrons, qu'il sera possible de les faire reculer. Car indépendants ou salariés, l'arme des travailleurs, c'est la grève ! 

Correspondant Inspection du travail