La crise sociale et économique qui traverse Haïti, le pays le plus pauvre d'Amérique, associée à un scandale de corruption impliquant plusieurs politiciens et grands patrons, a provoqué des mobilisations qui se poursuivent depuis le 7 février.
Bien que ce soit l’opposition parlementaire qui ait appelé à manifester le 7 février, la révolte en cours lui échappe largement. Les jours suivants les manifestations se sont multipliées à Port-au-Prince mais aussi dans toutes les principales villes. Les activités du pays sont paralysées : blocages sur les routes, barricades dans les rues, alors qu’une grande partie des écoles, des administrations, des banques, des commerces ou des stations de carburants restent fermées.
Revendications sociales et émeutes de la faim
Les scènes de pillages se multiplient. Les manifestations se transforment en émeutes de la faim. Les confrontations entre les forces de l’ordre et la jeunesse des classes populaires, ont été violentes. La police utilise des grenades lacrymogènes et tire à balles réelles.
Sept personnes sont mortes dans des affrontements, abattues par la police, alors que le président Jovenel Moïse - au pouvoir depuis deux ans - reste muré dans le silence. La colère populaire se cristallise autour de sa personne, notamment parce que l’inflation dépasse les 15 % depuis le début de son mandat. Haïti est plongé dans profonde une crise politique et les manifestants exigent la démission du président haïtien.
Un manifestant, cité par l’AFP, explique qu’« un gouvernement qui ne peut pas donner de la nourriture et de l’eau à son peuple doit démissionner ». « Il faut aussi que la bourgeoisie se décide à ne plus accaparer toutes les richesses car nous, nous sommes plus nombreux du côté des quartiers populaires », poursuit-il.
Deux milliards détournés
C’est la publication d’un rapport de la Cour supérieure des comptes, fin janvier, qui a mis le feu aux poudres. Celui-ci révèle le possible détournement de deux milliards de dollars du fonds Petrocaraïbe, le programme d’aide au développement offert à Haïti par le Venezuela depuis 2008. Le rapport épingle le président lui-même en sa qualité d’ancien patron de la société Agritans ainsi qu’une quinzaine d’anciens ministres et de hauts fonctionnaires.
Plus de 30 ans après la chute de la dictature des Duvalier, une large partie de la population d’Haïti n’a toujours pas de quoi vivre décemment : près de 60 % des 11 millions d’haïtiens vivent sous le seuil de pauvreté c’est-à-dire avec moins de 2,41 dollars par jour et près de 25 % survivent avec moins de 1,23 dollar par jour. Et la population pauvre subit la corruption d’un gouvernement au service d’une classe de riche et de grands patrons qui vit sur le dos de la majorité.
« La barbarie n’est pas seulement un risque pour l’avenir, c’est dores et déjà une réalité pour la majeure partie de l’humanité » écrivions-nous l’année dernière. A Haïti comme à l’échelle planétaire, il n’y aura pas d’avenir sans renverser le capitalisme.