Vers une mobilisation générale dans l’éducation ?

Manifestation du 4 avril à Paris. / Hermann Click
Dans l’Éducation nationale, le ras-le-bol commence à se faire entendre, et les récentes évolutions montrent qu’une mobilisation d’ampleur pourrait voir le jour. Il faut dire qu’avec les réformes Blanquer, la coupe est pleine. 

Si l’on a beaucoup parlé des drapeaux français et européens qui devront désormais décorer les salles de classe, on a beaucoup moins parlé du fond de ces réformes, qui constituent une nouvelle étape dans la casse de l’école publique et la tentative de mettre au pas les enseignants. Dans les lycées généraux et technologiques, le bac Blanquer constitue en réalité une mise à mort du bac comme diplôme national, remplacé par un diplôme local mettant en concurrence les établissements entre eux et renforçant la sélection sociale, en lien avec Parcoursup. La diminution des horaires disciplinaires et de la carte des spécialités va permettre d’économiser des milliers de postes. L’imposition d’une deuxième heure supplémentaire obligatoire va également dans le sens de la réduction du nombre d’enseignants. La réforme du lycée professionnel procède de la même logique – réduction des horaires et suppressions de postes –, tandis que l’apprentissage est encore développé au détriment de la voie scolaire. En collège, les dotations horaires globales sont encore réduites et de nombreux postes vont être supprimés. 

Dans le premier degré, des centaines de fermetures de classes sont encore prévues à la rentrée prochaine : 120 rien qu’en Seine-et-Marne ! De fait, les classes à plus de 26 élèves vont devenir légion. L’imposition des CP à 12 en éducation prioritaire, alors que partout des postes sont supprimés, conduit également à un alourdissement considérable des effectifs dans les autres niveaux. 

« Stylos rouges », grèves locales : les enseignants cherchent à se mobiliser 

En décembre dernier, les lycéens se sont mobilisés par milliers pour exiger le retrait de la réforme du lycée et l’abrogation de Parcoursup. Le gouvernement a alors déchaîné la répression la plus brutale, et les enseignants, révoltés, ont commencé à se mettre en grève en solidarité. En région parisienne, mais aussi du côté de Toulouse et Marseille, plusieurs lycées sont entrés en grève reconductible. Certains enseignants ont même mis en avant, au-delà de la simple solidarité, la convergence des revendications entre lycéens et enseignants ; au lycée Maupassant de Colombes (Hauts-de-Seine), profs et élèves ont défilé derrière une banderole commune « Unis contre les réformes Blanquer ». 

La colère s’est également cristallisée avec la formation des collectifs de « stylos rouges », après le discours de Macron du 10 décembre, au cours duquel il n’a pas eu un mot concernant la rémunération et les conditions de travail des profs. Au total, ce sont presque 50 000 personnes qui se sont inscrites sur le groupe Facebook des « stylos rouges », du 1er degré jusqu’au lycée. Dans certaines académies, comme à Lille, ces personnels très déterminés ont mené des actions de blocage. Si dans ces collectifs, un certain nombre d’enseignants ont déclaré que la grève est un moyen d’action « inefficace », en réalité, c’est la politique des directions syndicales qui est mise en cause. Beaucoup de collègues, en effet, comprennent bien que les grèves de type « saute-mouton » de 24 heures, la division entre premier et second degrés, et souvent même entre collèges et lycées, ont mené les dernières mobilisations dans le mur. 

Pour une grève de toute l’éducation, de la maternelle à l’université ! 

De fait, ces débats ont été assez rapidement tranchés par le réel. Dès la fin du mois de janvier, des lycées sont de nouveau entrés en grève. Le 17 janvier, déjà, des établissements de région parisienne ont connu une première journée de grève coordonnée. Après la manifestation parisienne du 5 février, à l’occasion de la journée d’action interprofessionnelle, une assemblée générale de l’éducation a été organisée. Les 6, 7 et 8 février, 13 établissements d’Île-de-France sont entrés en grève reconductible. Mais depuis début mars, ce sont aussi les autres académies qui commencent à entrer dans la danse. C’est le cas notamment à Nantes, où les enseignants, majoritairement du premier degré mais aussi du second, ont fait grève les 4 et 11 mars. L’AG qui s’est réunie le 11 a d’ailleurs réuni 350 personnes, qui ont appelé à poursuivre la mobilisation. 

Les cortèges « éducation » du 19 mars ont été particulièrement denses. Pour la première fois depuis des années, les assemblées générales ont rassemblé beaucoup d’enseignants et les taux de grève ont été élevés, en particulier dans le premier degré (jusqu’à 80 % par endroits, 40 % au niveau national, d’après les syndicats). Nombre d’AG ont décidé d’une nouvelle journée de grève le 28 mars, avec à la clé des discussions sur la reconduction : à Nantes, d’où la contestation est partie, à Lyon, Marseille, Toulouse, au Havre, en Île-de-France, à Clermont-Ferrand, dans les Deux-Sèvres. 

Pourtant, l’intersyndicale a fait le choix d’attendre 15 jours pour une nouvelle date de grève de l’éducation, le jeudi 4 avril, deux jours avant le départ en vacances de la première zone. Mais au-delà de la manœuvre, cela indique clairement qu’une montée en puissance est possible, d’autant plus que les manifestations initiées par la FSU le samedi 30 mars ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes. 

À l’heure où nous écrivons, nous ne pouvons connaître le niveau de mobilisation qui sera atteint lors de la grève nationale du 4 avril. Mais nous connaissons en revanche la voie à suivre : seule une grève reconductible de toute l’éducation, de la maternelle à l’université, permettra d’imposer le retrait de toutes les reformes Blanquer. 

Aurélien Perenna et Denise Sarraute