Levée du drapeau, garde-à-vous, uniforme bleu marine et blanc avec cocarde tricolore, Marseillaise chantée à l'unisson... Et non, ce n'est pas le service civil obligatoire mis en place par Pétain dans les années 1940 ou le service militaire supprimé sous Chirac, mais bien le service national universel (SNU), dont la première phase débutait ce dimanche !
2000 jeunes volontaires entre 15 et 16 ans, répartis dans 13 départements pilotes, vont être encadrés par des militaires, des animateurs et des éducateurs dans des hébergements collectifs pendant une douzaine de jours. Au programme : activité physique en pleine nature, visites de sites historique, témoignages d’autres engagés, sensibilisation aux valeurs de républicaines, module d’initiation au Code de la route, connaissance des principaux services publics, etc. Le comble quand on pense à la situation aux urgences, dans les écoles ou à la SNCF ! Le gouvernement détruit les services publics et prétend les défendre en les présentant aux jeunes.
Vers l’engagement… obligatoire
Par ailleurs, selon le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, l’engagement est un des fils conducteurs de ce SNU. Mais en réalité, le gouvernement prévoit que cet « engagement » devienne obligatoire pour tous les jeunes d’ici 2023 et Gabriel Attal, le secrétaire d’État en charge du SNU, répète qu’il sera impossible de se faire exempter. Le gouvernement a déjà pensé à tout puisque le groupe de travail qui a été chargé du dispositif propose de sanctionner les « réfractaires » par « des moyens analogues à ceux en vigueur aujourd’hui pour la journée défense et citoyenneté : impossibilité de passer le code, de passer le baccalauréat ou un autre diplôme, exclusion de concours administratifs, etc.». Une loi devrait également préciser les sanctions pouvant être prises à l’encontre des jeunes qui ne se conformeront pas aux règles de la vie quasi-militaire lors des séjours dits « de cohésion ».
Le très faible nombre d’agents publics travaillant dans le champ de la jeunesse, des sports et de la vie associative et les suppressions de postes sont en total décalage avec l’objectif de séjours de cohésion pour toute une classe d’âge… Mais dans le cadre de la réorganisation territoriale de L’État, ces personnels administratifs, techniques et pédagogiques doivent être intégrés aux services de l'Éducation nationale et leurs missions revues pour « les positionner notamment au service de la mise en œuvre du SNU » comme l’indique une circulaire du Premier ministre.
Embrigadement militaire
Dans les faits, le SNU est fortement inspirés du service militaire, il s'agit de l'encadrement physique et idéologique de la jeunesse ! Centres gérés par un chef de brigade et trois adjoints, réveil à 6h, port de l'uniforme, levée du drapeau, parcours du combattant dans les Ardennes, Raid commando dans la jungle pendant deux jours avec un bivouac en Guyane... Les deux modules obligatoires, d’une journée chacun, sur les thèmes « sécurité » et « défense et mémoire » s'inscrivent également dans le formatage idéologique, laissant présager la promotion de l'armée et des valeurs de la France, un concept dans lequel se mêlent les intérêts des riches et des pauvres, des patrons et des travailleurs, comme s’ils étaient identiques. Un des objectifs affichés du SNU est ainsi de « favoriser un sentiment d'unité nationale ». Aucun doute que toutes les occasions, festives ou solennelles, seront utilisées pour fédérer les jeunes autour de cette idée de Nation, que ce soit le match de la Coupe du monde féminine de foot France-Nigéria le 17 juin ou la commémoration de l'Appel du 18 juin.
Bourrage de crâne nationaliste
Faire assimiler le nationalisme au son de la Marseillaise et du clairon est l’objectif même du SNU comme l’attestent les déclarations des membres du gouvernement : pour Gabriel Attal, le SNU doit « accroître la cohésion et la résilience de la nation », il souhaite aussi « que ce vivier puisse être mobilisé pour des cérémonies patriotiques ». Quant à Jean-Michel Blanquer, il soutient, à propos des jeunes, que « leur point commun, c'est d'être français ». Pas étonnant que ce projet rétrograde et réactionnaire plaise tant au ministre de l'Éducation, qui prévoit dans sa réforme de l'école publique que drapeau français et paroles de la Marseillaise soient affichés dans toutes les classes.
Garde-à-vous, garde à vue… Gare à eux !
Cette mise au pas de la jeunesse est bien entendue liée à la répression qui s'accroît dans le pays : manifestants gazés et matraqués, syndicalistes placés en garde-à-vue, journalistes intimidés... L'État fait tout pour contenir la contestation sociale en la réprimant d’un côté, et en tentant de rallier les classes populaires à la bourgeoisie dans un projet nationaliste de l’autre.
1,7 milliards d'euros investis dans le SNU alors qu'à peine 70 millions sont débloqués pour répondre à la mobilisation grandissante des services d’urgences, sans parler des coupes budgétaires dans l’éducation ! On voit clairement la priorité du gouvernement, qui préfère nous faire marcher au pas plutôt que mettre de l'argent dans les services utiles à la population !
Gageons que dans les manifestations et les grèves, la jeunesse apprendra par elle-même, aux côtés des travailleurs, la révolte plutôt que la soumission. C’est par nos luttes que nous pouvons opposer notre unité de classe à leur « cohésion nationale ». La jeunesse ne marchera pas au pas !