GOUVERNEMENT DE COALITION PSOE-UP : UN GOUVERNEMENT POUR LA CLASSE OUVRIÈRE ET LA MAJORITÉ SOCIALE ?


Nous publions ici l’article de Izquierda Anticapitalista y Revolucionaria (IZAR), organisation révolutionnaire présente dans l’Etat espagnol, sur la signature d’un accord de gouvernement entre le PSOE et Unidos Podemos.

Nous avons maintenant un gouvernement de coalition entre le PSOE et l'UP. Cela a provoqué une grande agitation et a polarisé les débats au Congrès ainsi que dans les médias, mais face à cette situation, nous devons nous poser d'autres questions : cette polarisation est-elle le résultat d'une politique économique et sociale radicale qui va mettre les riches dans les cordes pour récupérer tout ce qui a été perdu dans la crise ? S'agit-il seulement d'un bruit médiatique résultant de l'incapacité des institutions de l'État à effacer le sentiment d'indépendance de la Catalogne ? Comment pouvons-nous réaliser un programme d'urgence sociale qui réponde aux besoins de la classe ouvrière, quel que soit le gouvernement ?

Un accord diffus et insuffisant malgré des avancées...

L'accord programmatique conclu par le PSOE et les Unidos Podemos (UP) contient des mesures qui, si elles sont mises en œuvre, seront sans aucun doute positives pour la classe ouvrière compte tenu du contexte actuel : augmentation du SMIC à 60% du salaire moyen, limitation de la sous-traitance, limitation des augmentations abusives des loyers des logements, abrogation de la LOMC (NDLT:réforme de l'éducation), suppression progressive des tickets modérateurs santé, suppression de la priorité de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, retour de l''ultractivité" (NDLT: maintien en vigueur des conventions collective pendant la négociation)  justification accrue des contrats temporaires pour éviter leur abus, loi sur l'euthanasie, modification du Code pénal pour que les contrevenants soient considérés comme tels à toutes fins utiles... Toutefois, affirmer cela n'est pas contradictoire avec le fait de dire que ces mesures sont insuffisantes.

Ils ne nous permettront même pas de retrouver nos droits et nos conditions de vie d'avant le début de la crise capitaliste, car ils laissent dans l'ombre des questions essentielles qui désignent les coupables de la crise et ceux qui se sont enrichis à nos dépens pendant des années. Qu'en est-il du "pensionazo" (NDLT:casse des retraites), de l'argent du renflouement des banques, du paiement de la dette, de l'article 135 (article de la constitution donnant priorité à la dette extérieure dans les dépenses budgétaires), de l'équilibre budgétaire imposé par l'UE, etc.

En ce qui concerne l'emploi, il est question d'éliminer la dernière réforme de l'emploi, et la nouvelle ministre de l'emploi a déjà déclaré son intention de le faire en deux phases : la première en supprimant les aspects les plus nuisibles et la seconde en réformant les aspects "non adaptés à la situation actuelle" pour aboutir à la rédaction d'un nouveau statut des travailleurs. Cependant, l'accord ne dit rien sur la réforme du travail de Zapatero qui a rendu le licenciement abusif moins cher en 2010, en généralisant la compensation de 33 jours par année travaillée au lieu des 45 jours précédents, parmi beaucoup d'autres questions.

En matière de logement, la PAH (NDLT: Plateforme des victimes du crédit hypothécaire) a déjà souligné dans sa déclaration les lacunes et les limites de l'accord : "Nous sommes face à une liste de bonnes intentions, qui ne comporte aucune mesure concrète et nous courons le risque qu'elles deviennent un nouveau toast au soleil". Par exemple, l'accord stipule : "Nous allons promouvoir la politique du logement avec une augmentation des ressources. Il est proposé d'augmenter progressivement le budget actuel du logement", sans donner de données concrètes, tout comme lorsqu'il parle de contrôle des loyers, il le laisse entre les mains de la bonne volonté de chaque conseil municipal.

Dans le domaine de l'éducation, l'intention est de récupérer 5% du PIB dans les budgets futurs, égalant ainsi le taux de 2009 (le plus élevé ces derniers temps), qui, bien que positif, oublie les grandes exigences des marées vertes et du mouvement étudiant qui réclament 7% du budget, mais surtout pointent le financement de l'éducation semi-publique, les coupures dans les  lignes budgétaires, l'augmentation des frais d'inscription, ou la limite imposée par l'article constitutionnel 135 (approuvé par le PP et le PSOE en 2011) qui donne la priorité au paiement de la dette sur toute dépense sociale.

D'autre part, la politique des retraites semble suivre la même voie de ne pas répondre aux demandes du mouvement des retraite : les actualiser avec l'augmentation déjà annoncée de 0,9% (ce qui signifie pour la plupart des retraités une augmentation comprise entre 1,35 et 6,75 euros par mois) mais sans parler de récupérer les droits retirés avec la réforme du pensionazo de Zapatero, qui a notamment porté l'âge de la retraite à 67 ans.

Un gouvernement qui ne tient pas tête à ceux qui ont profité de la crise

Le contenu de l'accord PSOE-UP, les premières déclarations et même la composition du Conseil des ministres (avec l'orthodoxie budgétaire et économique comme bannière) nous font penser qu'il ne faut pas se fier à la portée sociale de ce gouvernement. S'il est vrai que des mesures positives seront encouragées, elles pourraient être très myopes car elles n'ont aucune intention de redistribuer la richesse des banquiers qui ont été enrichis par le sauvetage des banques, des hommes d'affaires qui ont exploité le travail pendant de nombreuses années grâce aux réformes du travail, des propriétaires terriens et autres nuisances qui vivent au détriment de notre travail. À cela, il faut ajouter les déclarations de "sérieux" et de "discipline fiscale" envers la Commission européenne dans le respect du déficit et du remboursement de la dette.

Mais il faut aussi souligner que la droite parlementaire ne rejette pas ou peu ces mesures, la question nationale, la monarchie et la politique d'alliances pour l'investiture étant la seule bannière de l'opposition et les seuls éléments de prétendue discorde pour agiter l'atmosphère. Cela est certainement lié au fait que, pendant de nombreuses années, le PP et le PSOE n'ont eu aucun problème à mettre en œuvre des mesures similaires en matière économique.

Cela ne signifie pas non plus que ce gouvernement reconnaîtra, par quelque moyen que ce soit, le droit de décision du peuple espagnol, et plus particulièrement de la Catalogne. Sur cette question, ils ont également été clairs. Le dialogue s'inscrira dans le cadre de la Constitution espagnole actuelle. La seule différence consiste donc à parler de dialogue et dans l'abandon supposé de la judiciarisation de la question catalane.

Se mobiliser pour imposer nos revendications et défendre la perspective d'une autre société

C'est à cause de tout cela que depuis IZAR, la Gauche Révolutionnaire Anticapitaliste, nous parions sur la mobilisation soutenue, quel que soit le gouvernement. Nos conquêtes sociales ne sont jamais venues des élections, mais des grèves, des manifestations et de l'auto-organisation de notre camp social. C'est ce qui nous a toujours permis de construire une société alternative au capitalisme dans laquelle ceux d'entre nous qui produisent des richesses sont ceux qui décident avant tout des besoins sociaux de l'immense majorité et non des avantages et les privilèges d'une minorité.

Par conséquent, ceux d'entre nous qui pensent de cette façon doivent se regrouper, désigner les coupables de la crise passée et de celle à venir et ne pas laisser le discours de la politique du moindre mal et de la gestion "humaine" du système capitaliste être le seul horizon. En pratique, cela signifie à moyen terme offrir une alternative de mobilisation avec un discours qui attaque les intérêts des riches ou la justification de futures politiques antisociales qui pourraient engendrer la démobilisation, la démission et un espace politique encore plus grand pour l'extrême droite.

Pour éviter cela, il est nécessaire de mener une politique de front social qui permette à tous ceux qui se mobilisent de converger, quel que soit le gouvernement. Une première date est le 30 janvier, avec la grève générale au Pays Basque pour lutter pour des retraites décentes. Nous devons organiser des mobilisations du reste de l'État pour faire pression ensemble et exiger les mêmes revendications. C'est la meilleure garantie de retrouver des droits et d'en créer de nouveaux.

Peu importe qui gouverne, les retraites seront défendues !

La lutte continue, qui que ce soit qui gouverne !