Amazon : quand Jeff Bezos sourit, les travailleurs grimacent

Depuis les annonces du Premier ministre le 14 mars dernier sur la fermeture des commerces non-essentiels et le confinement en cours d’une partie de la population depuis le 17 mars, l’activité de nombreuses entreprises, dont la production n’est pas nécessaire dans la période, perdure exposant ainsi inutilement de nombreux travailleurs au virus et est même plus florissante que jamais dans le cas d’Amazon.

Dans la célèbre compagnie américaine dirigée par Jeff Bezos, son principal actionnaire également, qui compte plus de 11 000 salariés, permanents et intérimaires, et six entrepôts en France, une bombe sanitaire et sociale implose depuis plus d’un mois : de plus en plus d’employés sont non seulement atteints par le Covid-19 mais en tombent malades, voire en réanimation déjà pour l’un d’entre eux. Face à cette situation où leur vie est sciemment mise en danger pour la course aux profits, des centaines de travailleurs se sont mis en grève ou ont fait valoir leur droit de retrait… que la direction se refuse à payer !

Les syndicats CFDT, CGT et Solidaires dénoncent aussi les agissements de la société et les pressions mises en œuvre par la direction pour obliger son personnel à travailler coûte que coûte. Même le gouvernement a dû taper du poing sur la table en diligentant une opération coordonnée de l’inspection du travail qui a donné lieu à plusieurs mises en demeures. Pour sa défense, Amazon invoque les mesures de sécurité, prises sous la contrainte, qui iraient plus loin que celles préconisées par les autorités mais qui sont avant tout de l’affichage :
  • porter la mesure de distanciation sociale à deux mètres plutôt qu’un seul : la nature des tâches à effectuer oblige à casser régulièrement cette distance au risque y compris d’être sanctionné, 
  • la prise de température aux portes des sites : une personne infectée peut ne pas avoir de fièvre et un nouveau point de contact, qui vient s’ajouter à ceux existants dans les bus, aux entrée et dans les locaux, est ainsi crée,
  • la mise à disposition de masques : elle demeure pourtant facultative et limitée en nombre.

La direction ment aussi sur le fait que seules des marchandises essentielles comme l’alimentaire, l’hygiène et l’entretien sortiraient des entrepôts or le personnel continue à traiter des choses aussi nécessaires que des accessoires de jeux vidéos, du vernis à ongle, de l’alcool ou des sex-toys. C’est pourquoi Solidaires, sur le modèle de ce qui a été fait avec succès contre La Poste, a saisi la justice pour que soit y compris ordonné sous astreinte leur fermeture : le juge a finalement décidé hier que soit limité, dans les 24 heures et sous astreinte d’un million d'euros par jour de retard, l'activité aux marchandises essentielles dans la période dans l'attente d'une évaluation des risques épidémiques en y associant les représentants du personnel.

À l'échelle internationale, la compagnie suit la même politique cynique de mise en danger de son personnel : en Italie par exemple, les entrepôts ne font pas partie de la liste des activités interdites par le gouvernement, en Pologne où la réalité de l’épidémie est certes moindre, la direction reproche aux salariés que le fait d’aller plus souvent se laver les mains fait chuter la productivité et, aux Etats-Unis, un militant a été licencié pour avoir appelé le personnel à la grève. L’analyse de Marx sur l’avidité du Capital n’en est que plus brûlante : « Quand le profit est adéquat, le Capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 % et on pourra l’employer partout ; à 20 % il s’anime, à 50 % il devient carrément téméraire ; à 100 % il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 % il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre, même s’il encourt la potence. »

Face à cette crise et aux réponses apportées par les classes dirigeantes, les travailleurs du rang, au-delà de ceux d’Amazon, prennent conscience de leur force et du fait qu’ils ont leur mot à dire, pas seulement pour défendre leur peau mais aussi sur la conduite de la production. C’est cet état d’esprit qu’il faut encourager sur nos lieux d’habitation, de travail et d’études pour que « le monde d’après » ne soit définitivement plus le leur, marqué par la barbarie sanitaire et sociale.

LD