Le monde d’après : la terreur policière ?

Castaner est sorti de ses gonds suite aux déclarations de la chanteuse Camélia Jordana sur la peur qu'inspire la police à une partie de la jeunesse et des classes populaires. Syndicats de policier, préfectures, politiciens et autres éditorialistes ont tous participé à une levée de bouclier, en criant au mensonge. 

En guise de réponse, sur Twitter, le compte officiel de l'Amicale de la police nationale s'est fendu d'un commentaire sur une vidéo montrant un jeune homme filmant des policiers : « ce jeune qui nous film (sic) est français malgré ses origines et son culte, et il n'a pas peur, car il reste respectueux (…) et nous sommes loin d'être des racistes. » Il serait bien difficile pour l'auteur de ce tweet d'être plus proche du racisme ! 

C’est quoi la police au fait ? 

La police est une institution chargée de faire respecter la loi d’une société donnée. Il s’agit d’un corps détaché du reste de la société pour y faire respecter l’ordre. Détaché, car il y joue un rôle très spécifique : le maintien de l’ordre. Il a pour cela des droits uniques, à commencer par le port d’arme.

En France, la Police nationale compte 150 000 agents et la gendarmerie 100 000. Soit 250 000 personnes dont le rôle est uniquement de faire respecter la loi et donc l’ordre établi par l'État. La police est dirigée par la Direction générale de la Police nationale (DGNP), dont le directeur est nommé par le président de la République. La DGPN ne rend de comptes qu'au ministère de l’Intérieur. Dans les départements de Paris et de la petite-couronne, ainsi que dans les Bouches-du-Rhône, elle est dirigée par des préfets de police, mais qui eux aussi ne rendent de comptes qu'au ministère. L’un des seuls organes aptes à juger les actions des policiers est l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), qui est composée... De policiers ! Loin d'une institution indépendante et impartiale ! Quiconque voudrait poursuivre réellement les flics « fauteurs de troubles » subirait une terrible pression de ses collègues et de sa hiérarchie. 

La police est donc un corps aux ordres de l'État, et de son exécutif, mais avec une réelle autonomie car elle est la seule capable à remettre en cause ses propres actions... ce qu’elle ne fait quasiment jamais ! 

La police pourquoi ça existe ? 

Qu'un corps détaché ait le monopole de la violence légitime – ce qui ne veut pas dire qu'elle est juste ! –, trouve son origine dans celle des États. Dès lors que les sociétés humaines se sont structurées avec un pouvoir, une classe détentrice des richesses, c'est-à-dire notamment lorsque les sociétés ont été en capacité de produire plus que ce qu'elles consommaient, et qu'un groupe s'est accaparé le surplus, il a fallu un groupe en arme pour garantir le maintien de la propriété, et maintenir les inégalités. 

Au fil du temps, cette situation n’a pas tellement changé, hormis que les inégalités se sont creusées : le surplus a explosé et sa concentration est de plus en plus forte. Ainsi la police est devenue de plus en plus importante et armée pour contenir toute remise en cause de cette société.

Combien compte-t-on de jeunes et de travailleurs en prisons ou en garde à vue pour des petits larcins, alors que les dirigeants politiques et les grands patrons qui détournent de l’argent ne sont que très rarement inquiétés ? Comment croire à une quelconque égalité lorsqu'un Sarkozy est autorisé à interrompre sa garde à vue pour rentrer dîner et dormir chez lui ? 

La police : un outil de terreur ?

Ainsi la police est donc un corps détaché pour maintenir les règles d’une société donnée, une situation profondément inégalitaire où une toute petite minorité s’accapare les richesses produites par l’immense majorité. Elle ne répond qu'aux ordres de cette petite minorité, tout en étant capable d’une autonomie d’action. 

Pour maintenir l’ordre, elle doit inspirer la peur. Il ne s'agit pas d'un simple ressenti : c’est son rôle ! Elle doit inspirer une telle crainte que personne ne remette en cause le fonctionnement de la société, son organisation… Elle est logiquement plus terrifiante pour celles et ceux qui n'ont pas intérêt à maintenir l'ordre établi, voire qui le remettent ouvertement en cause.

Si des conditions matérielles et sociales empêchent de respecter telle ou telle règle, comme le confinement lorsque l'on vit dans un logement surpeuplé, la police frappe plus durement, elle augmente la terreur.

La police joue aussi un rôle de maintien de l'ordre moral, à la fois en tant qu'institution et par sa composition et son autonomie : virilisme et racisme, perméabilité aux idées d'extrême droite et haine du mouvement social sont non seulement particulièrement répandus chez les futurs flics, mais ils sont même encouragés par les entraînements et la formation idéologique. Dans des exercices répétés, des instructeurs parlent de jeunes de banlieues, de hooligans et de manifestants... Cibler ainsi des corps sociaux permet de définir des ennemis à abattre pour maintenir l’ordre.

Voilà pourquoi la police fait peur : elle doit organiser la terreur pour maintenir un ordre au profit d’une minorité. Elle utilise tous les moyens possibles en s’en prenant aux jeunes des quartiers populaires, en les frappant, en les humiliant, en les tuant… mais aussi à toutes celles et ceux qui ne suivent pas des règles, même aberrantes. 

Voilà pourquoi elle ne s’en prend pas aux bourgeois quand ils ne respectent pas les règles du confinement : nous n’avons pas vu la BAC pourchasser et frapper dans le XVIe arrondissement de Paris, alors que les sorties et attroupement y étaient nombreux. 

Impunité, formation, autonomie… tout ce cocktail donne des ailes à l’expression d’une violence systémique de la police. Une police qui bénéficie du soutien sans faille des dirigeants. Une police dont les représentants peuvent aller très loin dans les propos violents contre les classes populaires, la jeunesse des quartiers, les immigrés et leurs enfants, ou les Gilets jaunes... Une police inattaquable dans les médias, du moins sans susciter la levée de bouclier de tous les chiens de garde de l'ordre établi. 

Hermann