Provoquer un morcellement supplémentaire de l’extrême gauche révolutionnaire : un choix néfaste

Manifestation contre la réforme des retraites, 19 janvier 2023, Paris. / Sidonie Dauver

Dossier : Nous continuons le NPA !

Dans une situation politique mondiale de crise du capitalisme, d’offensive de la bourgeoisie mais aussi d’explosions sociales qui bien souvent mettent en avant l’impasse du réformisme, comment le noyau historiquement majoritaire de la direction du NPA a-t-il pu faire le choix de diviser une nouvelle fois l’extrême gauche et le camp des révolutionnaires ?

Les camarades qui ont quitté le congrès du NPA et qui cherchent maintenant à s’arroger seuls la légitimité du NPA aimaient pourtant à le répéter fréquemment : dans le NPA, nous étions toutes et tous des révolutionnaires. C’est-à-dire que nous partagions a priori un projet de société commun, le communisme, et les moyens d’y parvenir, la révolution. Comment expliquer désormais à toutes celles et ceux qui s’intéressent à nos idées que des camarades qui partagent un projet de société commun ne pouvaient plus rester dans une organisation commune ? Les rai-sons invoquées sont une impossibilité de continuer à faire un parti ensemble parce que les relations entre les différentes composantes du NPA étaient trop difficiles et délétères. Ces « relations dégradées » nécessitaient donc une scission entre des organisations politiques séparées. Sans nier que des désaccords d’orientation importants aient vu le jour au sein du NPA (ils étaient d’ailleurs à l’origine de l’émergence de tendances et fractions au sein du parti), ou que ceux-ci aient impliqué parfois des discussions vives ou des expériences pratiques différentes qui ont pu conduire à des tensions, nous avons combattu cette séparation forcée et nous continuons à la regretter profondément : nous estimons qu’elle s’assoit sur les intérêts supérieurs de notre camp social.

Diviser… pour mieux régner ?

Le choix effectué par la direction de la plateforme B lors du congrès, sans d’ailleurs l’avoir fait valider en amont par les camarades qui avaient voté pour elle, exprime à la fois son incapacité à s’imaginer autrement qu’hégémonique au sein d’une direction, et son refus que des clarifications politiques validant une indépendance complète vis-à-vis des organisations de la gauche institutionnelle puissent s’opérer.

En France, les organisations révolutionnaires issues du trotskysme ont réussi à maintenir des cadres organisationnels bien plus importants numériquement que dans la grande majorité des pays européens et aussi à se faire identifier à une échelle un peu large grâce à plusieurs de leurs porte-parole (notamment à travers les séquences électorales mais pas seulement). En revanche, mais elles n’ont jamais été autant divisées, voire morcelées. Non seulement elles ne parviennent que très rarement à travailler ensemble, même sur des terrains qui devraient pourtant les ras-sembler plus « spontanément » que d’autres (des prises de position internationalistes, la lutte contre le racisme et l’extrême droite, la mise en commun de leurs forces à l’échelle nationale dans les mouvements de masse pour aider à l’auto-organisation des travailleurs et des travailleuses), mais elles semblent cultiver à loisirs « leurs spécificités » voire leurs « querelles » dès qu’elles en ont l’occasion… comme si leur existence dépendait de la mise à l’écart des autres. Les rapports inexistants entre les directions de Lutte ouvrière et du NPA lors de cette dernière décennies, sauf à l’occasion de débats souvent caricaturaux lors de la fête de LO ou de l’Université d’été du NPA.

Les rapports conflictuels venus des propos déplacés tenus par le camarade de LO au meeting d’hommage à Alain Krivine à la Mutualité, puis en retour de l’attitude totalement disproportionnée de la majorité de la direction du NPA, en sont une des manifestations. Le départ des camarades de Révolution permanente du NPA avant l’élection présidentielle de 2022 pour aller construire à deux ou trois cents une énième organisation révolutionnaire et tenter de présenter un candidat en plus des Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, en est une autre. L’éclatement du NPA en deux morceaux de taille à peu près identiques suite au dernier congrès ne renforce pas le camp des révolutionnaires, il l’affaiblit car 2 000 militants et militantes qui agissent au sein d’une même organisation, même avec des désaccords importants sur différents plans, c’est préférable que chaque moitié agissant à « compte séparé ». Le temps agit plutôt dans le sens du fossé qui se creuse.

C’est un défi auquel s’attachent à répondre celles et ceux qui ont fait le choix de « continuer le NPA », très majoritairement des camarades qui ont voté pour la plateforme C, mais aussi des camarades ayant voté pour la A et quelques comités géographiques refusant la séparation et continuant à militer sans se séparer. Un tel choix exprime la compréhension de la responsabilité qui incombe aujourd’hui à chaque militante et militant révolutionnaire de travailler au regroupement et à l’unité, à l’inverse des choix de cultiver son pré carré en renonçant à construire un parti révolutionnaire stratégiquement délimité. 

Marie-Hélène Duverger