À l'heure où ces lignes sont écrites, l'opération « Bordure de protection » a déjà fait plus de mille morts dans la bande de Gaza. Un bilan provisoire qui s'ajoute à ceux des autres opérations meurtrières qui ont eu lieu depuis l'évacuation des colonies israéliennes de Gaza en 2005 : « Pluies d'été » en 2006 (400 morts), « Guerre de Gaza » en 2009 (1 300 morts) et « Pilier de défense » en 2012 (160 morts)...
Réactions internationales
Comme toujours, cette agression bénéficie du soutien des grandes puissances impérialistes, qui tout en faisant mine de s'inquiéter de « l'escalade de la violence », rappellent le droit de l'État d'Israël à se « défendre » contre les roquettes palestiniennes. Selon le ministère israélien des Affaires étrangères, celles-ci auraient fait, depuis 2001... quatorze victimes, la dernière remontant au 27 février 2008 !
Mais comme toujours aussi, la solidarité internationale s'exprime dans les rues des villes du monde entier. Les rassemblements ont regroupé 100 000 manifestants à Londres le 19 juillet, 3 000 à New York le 25 juillet et même 7 000 à Tel Aviv le 26 juillet. En France, des manifestations ont lieu dans toutes les grandes et moyennes villes, avec des succès énormes pour un mois de juillet : 10 000 personnes à Lyon le 26 juillet, 8 000 à Marseille, 3 000 à Nice, 2 000 à Lille le même jour... Et plus de 20 000 à Paris pour la manifestation (autorisée) du mercredi 23 juillet.
La composition de ces manifestations n'est pas exactement la même selon les villes. Néanmoins, on y retrouve à la fois une vieille génération militante pro-palestinienne, issue du PCF ou des associations plus ou moins proches de lui (Association France-Palestine solidarité, Mouvement de la paix, MRAP...), l'extrême gauche (principalement le NPA, LO faisant preuve d'une très grande discrétion lorsqu'il s'agit de la question nationale) et surtout des manifestants et manifestantes jeunes, rarement organisés, issus des quartiers populaires et enfants d'immigrés du Maghreb, dont beaucoup de femmes.
L'interdiction à Paris
et le rôle du NPA
Pour la première fois, un gouvernement a interdit des manifestations en faveur de la Palestine. Une telle mesure n'avait par exemple pas été prise l'an dernier, alors que les « Manifs pour tous » donnaient lieu à des échauffourées et qu'elles engendraient des agressions de gays et lesbiennes...
Le prétexte de Hollande, Valls et Cazeneuve est l'événement qui a eu lieu à Paris le 13 juillet : des militants de la Ligue de défense juive (LDJ) se sont réfugiés dans une synagogue après avoir attaqué la manif. Les médias et le gouvernement ont transformé l'histoire pour faire croire que des manifestants pro-palestiniens ont assiégé des synagogues parisiennes.
Malgré une apparition moins que minimale (ni banderole ni sono), la présence du NPA à cette manif nous a permis d'apparaître dans les médias comme l'un des principaux organisateurs du mouvement de solidarité en France. Les jours suivants, nous avons bénéficié d'un écho médiatique important. Dans ce contexte, notre parti a su prendre la bonne initiative en appelant publiquement à briser l'interdiction pour la manif du 19 à Barbès. Nous avons aussi fait preuve d'une bonne réaction d'organisation avec une présence très importante malgré la période estivale. À la manif suivante, celle du 23, des camarades ont compté jusqu'à 700 personnes dans le cortège !
Cela montre que, quand il sait prendre des initiatives et affirmer un profil radical et anti-État, notre parti est capable de prendre une place importante dans le mouvement social et de se rassembler sur la base d'une politique juste.
Aller plus loin : une orientation politique offensive
Dans le rassemblement, interdit de nouveau, du 26 juillet place de la République, le NPA n'a pourtant pas été à la hauteur. Notre cortège est resté en marge du gros de la manifestation. Plusieurs camarades de la direction ont affiché un énorme esprit de méfiance vis-à-vis du reste des manifestants (et même des mots d'ordre en arabe lancés par des camarades du NPA sur notre sono, qui n'étaient que la traduction de notre feuille de slogans !). Une telle attitude pourrait bien gâcher les avancées de ces dernières semaines.
Ceux et celles qui expriment leur foi musulmane en criant « Allahu akbar » ne sont pas a priori des intégristes qu'il faudrait fuir ou combattre. Que le sentiment d'appartenance religieuse soit un vecteur de mobilisation en solidarité avec le peuple palestinien est un fait. À nous de le politiser. Autrement, nous tombons dans les travers traditionnels du mouvement ouvrier français qui n'a jamais su, jusqu'à présent, se construire une légitimité solide dans les milieux des travailleurs immigrés et de leurs enfants. C'est justement cela qui a rendu possible l'interdiction par Valls : les jeunes des quartiers populaires, « musulmans d'apparence » selon la formule de Sarkozy, sont facilement dénoncés comme nouvelles classes dangereuses (les « casseurs ») et comme antisémites. Il n'est pas possible que notre attitude puisse, de quelque manière que ce soit, sembler aller dans le sens de ces préjugés.
Il ne s'agit pas de masquer les problèmes : oui, nous cohabitons dans ces manifestation avec des groupes ou courants aux idées réactionnaires voire racistes. Mais notre légitimité dans cette mobilisation devrait nous mettre en confiance pour développer une politique offensive vis-à-vis des préjugés et idées reçues qui s'y expriment. Notre principal souci, outre la structuration d'un cortège visible et attractif, devrait être de diffuser nos tracts, notre presse et de prendre des contacts. Ces tâches ont été assurées par des camarades, mais pas de manière organisée, centralisée et systématique.
L'anti-impérialisme comme réponse aux idées complotistes
Quant au fond politique, notre matériel politique ne répond justement pas totalement aux enjeux. L'idée reçue dans une grande partie de la société, et qui s'exprime largement dans les manifestations, est que l'État d'Israël et le « lobby sioniste » manipulent l'Occident. On a vu des pancartes dénonçant Hollande comme le « chien d'Israël » ou affirmant que la France et les États-Unis sont des « colonies » de l'État sioniste.
La réalité est exactement inverse : l'État d'Israël est l'instrument des impérialismes occidentaux au Moyen-Orient. Sans revenir sur toute l'histoire depuis la fin de la Première guerre mondiale et le partage des zones d'influence après la chute de l'Empire ottoman, il est facile d'expliquer que jamais un État dont le PIB est cinquante fois moins élevé que celui des États-Unis ne pourra exercer la moindre pression sur les grandes puissances capitalistes.
Quelques faits simples et concrets le prouvent :
- L’État israélien est le seizième pays du monde pour les dépenses militaires, avec 16 000 milliards de dollars, soit 6,5 % de son PIB. Au Moyen-Orient, seule l'Arabie saoudite fait mieux, mais elle bénéficie d'une manne pétrolière que n'a pas l'État hébreu. C'est un formidable client pour les marchands d'armes états-uniens et européens.
- L’Union européenne est son premier partenaire commercial : 33 % des exportations israéliennes vont vers l'UE et 40 % de ses importations en viennent.
- Enfin, les eaux territoriales palestiniennes comprennent des gisements de gaz naturel estimés à 30 milliards de mètres cubes et d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. En 1999, un accord avec l'Autorité palestinienne a donné la concession de ce gaz à un consortium britannique (60 %) et palestinien (30 %). Cet accord a été dénoncé en 2006 par le Hamas et l'État d'Israël n'a de cesse d'empêcher toute exploitation dont il ne serait pas bénéficiaire. En 2007, un nouvel accord a été conclu sous la direction de Tony Blair, envoyé spécial du « Quartet pour le Moyen-Orient », qui transfèrerait 75 % des revenus palestiniens à l'État d'Israël. Toutes les opérations contre Gaza depuis 2006 ont aussi pour objectif la mainmise israélienne sur le gaz. Et l'enjeu du soutien international aux crimes israéliens est bien de recevoir une part du gâteau dans une nouvelle négociation sur la concession gazière.
Quand Valls déclare que l'extrême gauche et les Verts « ont un problème avec Israël », nous devons lui répondre que nous avons un problème avec l'impérialisme. Nous avons un problème avec les grandes puissances qui pillent les richesses. Nous avons un problème avec la France qui mène des guerres coloniales au Mali ou en Centrafrique pour le compte d'Areva. Et nous avons un problème avec les instruments des impérialistes : la Banque mondiale et le FMI qui imposent l'austérité aux peuples ou l'État d'Israël qui est leur relais au Moyen-Orient.
C'est ce discours que nous devons tenir aux manifestants qui agitent des drapeaux français, parfois tout en brûlant des drapeaux israéliens : tous ne sont pas des soraliens antisémites convaincus par son « social-nationalisme ». Mais si nous n'avons pas un discours clair à leur adresser, nous les laisserons définitivement dans les mains de cette extrême droite complotiste.