Du 15 au 26 mai 2015, les travailleurs de l’usine Renault Oyak de Bursa en Turquie ont fait grève, en occupant l’usine et en bloquant totalement la production.
A l’origine de la grève dans cette usine de 4 800 salariés, qui s’est étendue et a paralysé une partie de l’industrie automobile turque, il y a le refus de la Convention collective 2015-2017, signée en janvier par le syndicat mafieux Türk Metal-Is, et le rejet de ce syndicat jaune dont les représentants sont liés au patronat. Un syndicat qui va jusqu’à réprimer physiquement les ouvriers qui s’organisent en dehors de lui.
Auto-organisation ouvrière
Le 18 avril, les travailleurs de Renault Bursa ont commencé à manifester en scandant « Nous ne voulons pas de syndicat qui nous vende », après la signature d’une convention plus favorable chez l’équipementier automobile Bosch, prévoyant 60 % d’augmentation des salaires. Le 13 mai, la direction de Renault a annoncé qu’« il n’y aura pas d’augmentation de salaires », et que « s’il y a de nouveaux arrêts de travail, des licenciements seront prononcés ». Les travailleurs de l’équipe du soir ont alors décidé de ne pas quitter l’usine, et la production s’est totalement arrêtée.
Tout au long du conflit, la direction de l’usine et même le gouverneur de la région de Bursa ont dû se résoudre à accepter de négocier, non pas avec le syndicat officiel, mais avec des représentants des grévistes contrôlés par les travailleurs, et élus sur la base des Unités Élémentaires de Travail (UET) – unités d’environ une vingtaine de travailleurs qui constituent le socle de l’organisation du travail voulue par le groupe Renault dans toutes ses usines à travers le monde !
Victoire des grévistes
Après 13 jours de grève, les travailleurs ont voté la reprise, suite à un accord conclu avec les représentants des grévistes. La direction a satisfait la plupart de leurs revendications, excepté l’augmentation de 60 % des salaires.
La direction a dû s’engager à ne procéder à aucun licenciement pour faits de grève et à retirer ses plaintes contre de prétendues « menées criminelles ». En 2012, suite à un mouvement de grève et d’occupation de cette usine, la direction était parvenue à licencier 35 travailleurs pour briser leur combativité.
Dans la foulée, Renault s’est engagé aussi à reconnaître à tous les salariés la liberté de s’affilier au syndicat de leur choix et d’élire librement leurs porte-parole. Et jusqu’à cette élection, les porte-parole élus pendant la grève restent reconnus par la direction de Renault.
Concernant les revendications économiques, la direction va verser immédiatement deux primes : l’une de 360 euros, l’autre de 170 euros en fin d’année, plus une prime annuelle minimum de 215 euros, à comparer aux salaires mensuels qui varient de 450 à 700 euros. Plus important encore, elle s’est engagée à revoir tous les salaires dans le délai maximum d’un mois, en prévoyant une augmentation plus importante pour les bas salaires, dans cette usine où l’écart salarial entre les plus anciens et les plus jeunes peut aller jusqu’à 50 %, et où les bas salaires constituent 60 à 70 % de l’effectif.
Face à la mondialisation capitaliste de la production automobile, qui a pour objectif de mettre en concurrence les salariés de ce secteur, de les opposer les uns aux autres, d’un pays à l’autre, pour imposer partout une baisse des salaires et une destruction des conquêtes sociales, cette première victoire des travailleurs de Bursa constitue un point d’appui. Un point d’appui pour unifier notre camp social.
Régis Louail