Cologne : les femmes valent mieux que ça !


Plus besoin de manifester pour les droits des femmes. Depuis les événements de Cologne, tout le monde est féministe !

Féminisme ou racisme ?

Pour rappel, la nuit du Nouvel An a vu des centaines d’agressions – sexuelles ou non – de femmes à Cologne, prétendument par des réfugiés organisés dans ce but. Même si l’enquête révèle qu’il ne s’agissait pas uniquement de réfugiés, et malgré les témoignages de femmes montrant que nombre d’agressions lors de grandes fêtes de rue sont aussi le fait de « bon Allemands », on a aussitôt vu toute la droite clamer son indignation à l’encontre des réfugiés. Dans une tribune, Marine Le Pen est allée encore plus loin, n’hésitant pas à citer Simone de Beauvoir et à affirmer : « J’ai peur que la crise migratoire signe le début de la fin des droits des femmes ». Le même phénomène s’était déjà produit au début des années 2000, avec la mise en avant des « tournantes » dans les cités françaises. Cette rhétorique existait déjà à l’époque de la traite esclavagiste des Noirs : elle désignait systématiquement les hommes noirs comme de potentiels violeurs de femmes blanches.

A chaque fois, il s’agit d’une instrumentalisation à but raciste de la violence que subissent réellement les femmes. La droite et l’extrême droite ne s’intéressent aux droits des femmes que dans la mesure où cela sert leurs intérêts. Ces mêmes partis soutiennent une vision de la famille qui institutionnalise la soumission des femmes et des enfants au « chef de famille », et qui produit d’innombrables violences.

La violence sexiste est partout

En réalité, la violence sexiste est partout. On parle beaucoup moins des agressions sexistes perpétrées par les soldats aux ordres des puissances impérialistes sur les populations opprimées, des débuts de la colonisation jusqu’à nos jours, par exemple en Centrafrique ; ou des agressions sexuelles de migrantes par des gardiens de camps de réfugiés, également à Cologne. Les viols collectifs n’ont pas lieu que dans les quartiers populaires, mais aussi dans les grandes écoles et les universités. En France, en 2014, 84 000 femmes ont subi un viol ou une tentative de viol, et dans 90 % des cas, la victime connaissait son agresseur[1]. Selon une enquête récemment publiée en France, 19 % des interrogés pensent qu’en matière de rapports sexuels, un « non » veut en fait dire « oui », et 17 % estiment que forcer sa conjointe n’équivaut pas à un viol : ces chiffres effarants attestent d’une véritable « culture du viol »[2].

La violence sexiste touche toutes les classes et tous les milieux sociaux. Il faudra manifester encore et toujours pour dénoncer cette violence systémique, pour revendiquer des mesures d’urgences pour l’autonomie financière des femmes – première condition pour se libérer de l’emprise d’un foyer violent –, et pour exiger l’accueil, la protection et la justice pour les femmes victimes de violences. Il faudra montrer notre force pour qu’enfin, les agresseurs soient davantage terrorisés que les femmes.

Une adaptation du capitalisme aux revendications féministes ?

Cette collusion entre le racisme et un certain « féminisme » pose une question plus profonde : celle de l’adaptation du système capitaliste aux revendications féministes. La force du système capitaliste, qui lui permet de perpétuer l’exploitation de l’immense majorité par une infime minorité est, d’une part, l’aliénation produite par l’exploitation elle-même. Mais cette aliénation peut être surmontée par la colère qui, si elle est collective, peut devenir une lutte consciente contre la minorité d’exploiteurs et leurs institutions. Le deuxième pilier du capitalisme est donc la division tous azimuts de la majorité exploitée. Le patriarcat et le racisme sont des moyens essentiels de division. Ils ne pourront pas être abattus dans leurs fondements économiques et leurs manifestations culturelles, sociales, sans abattre le capitalisme lui-même. En revanche, le capitalisme n’a aucun problème à s’adapter en partie à la résistance que suscitent ces oppressions. Pourquoi ne pas prétendre défendre les femmes, tout en maintenant leur position subalterne, si cela permet de renforcer le racisme ? Une partie du mouvement féministe s’y laisse prendre, se contentant de placer des femmes en position de pouvoir, ou de condamner fermement les agressions sexistes uniquement quand elles viennent de la classe ouvrière ou des immigrés. Notre rôle est de rester ferme contre toute exploitation, oppression, injustice ou violence. Notre féminisme est révolutionnaire, il ne fait aucune concession au patriarcat, mais il ne servira pas de cache-sexe à la classe dominante, au racisme ou à toute autre instrumentalisation.

Carlita Garl

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[1] Observatoire national des violences faites aux femmes.
[2] Association « Mémoire traumatique et victimologie ».