Télévision : Salaire net et monde de brutes, #OnVautMieuxQueÇa version Arte

Prenant la suite de Tu mourras moins bête, l’excellent dessin animé de vulgarisation scientifique, Salaire net et monde de brutes est diffusé sur Arte depuis le 29 février. Ce programme court, drôle et intelligent, devrait susciter l’intérêt de celles et ceux dont l’exploitation est le quotidien et qui font l’expérience de la précarité, notamment les jeunes.

Après avoir enchaîné CDD et contrats précaires, Elise Griffon et Sébastien Marnier – diplômés en cinéma – ont décidé de raconter leur galère. Ils en ont fait un blog, devenu rapidement une véritable chronique illustrée. Ce blog a donné lieu à une BD – Salaire net et monde de brutes : chronique ordinaire du travail temporaire –, et la BD a été adaptée en dessin animé. Le style graphique d’Elise Griffon, plutôt doux et coloré, contraste fortement avec la description du monde du travail, de ses humiliations, de sa dureté et de son absurdité ; il contribue à donner à ce programme un ton léger, qui n’est jamais inapproprié.



« Chercher du travail temporaire est une activité au long cours dont Seb et Elise sont devenus experts. Aventuriers fauchés à l’affût du moindre job, ils enchaînent boulots improbable, pénibles et absurdes », peut-on lire sur le site web de la chaîne. La série est un florilège de 30 emplois réellement occupés : ouvrier dans l’agroalimentaire, acteur pour fête d’anniversaire, vendeur en grand magasin, opérateur de téléphone rose, etc. Tout y passe, les boulots harassants ou dégradants, le contremaître qui chronomètre la pause pipi, les nouvelles techniques de management ou les convocations chez le DRH, et chaque épisode se termine par la mention du salaire perçu et d’un taux horaire ridiculement bas.

Au début de chaque épisode, le téléphone sonne et une voix propose aux deux amis un nouveau job. « Alors de quoi se plaignent-ils ? », pourraient nous rétorquer les amis de Gattaz. Eh bien justement, ils ne se plaignent pas, ils sont même assez peu rancuniers et particulièrement persévérants, ce qui participe d’ailleurs de l’effet comique. C’est à nous spectateurs de les plaindre, de nous plaindre, car si les deux auteurs appartiennent plutôt à la petite-bourgeoisie salariée – intellectuelle, urbaine et « créative » –, chacune ou chacun d’entre nous peut facilement se reconnaître dans telle ou telle situation décrite avec un certain réalisme. Cette série ne peut que nous conforter dans nos convictions politiques, dans notre choix d’organiser la lutte pour les droits et la dignité des travailleuses et des travailleurs.

Un écho à la mobilisation actuelle

Salaire net et monde de brutes tape juste, et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa diffusion arrive à point nommé, en plein débat autour de la loi El Khomri et des attaques contre le Code du travail. De fait, la série ressemble à une version animée des témoignages d’internautes qu’on suscités les youtubeurs à l’origine du hashtag « On vaut mieux que ça », au sujet des conditions de travail. Elle fait écho à la mobilisation qui débute à l’heure où nous écrivons.

Une série décalée, humoristique et impertinente sur le salariat, qui se paie la tête des patrons, des DRH, des managers et des petits chefs, mais aussi de certains clients, usagers et autres interlocuteurs qui nous agacent au boulot quand ils nous méprisent ou ignorent notre travail… Impossible de louper ça ! Entre une diffusion de tract, une assemblée générale et une manifestation, c’est sûr, vous trouverez bien trois minutes pour regarder un épisode. Et si vous n’êtes pas devant votre télé chaque soir à 20h50, la série est disponible sur Arte+7.

Gaël Klement