Il aura fallu plus de six semaines de grèves et d’actions des travailleurs de la banane pour qu’enfin les grands planteurs cèdent. Les travailleurs de 20 plantations ont donc repris le travail le 3 juillet, après avoir remporté une victoire de haute lutte.
La grève a démarré le 18 mai,
suite à la victoire obtenue par les
travailleurs de la SA Bois Debout (la
plus grande plantation de bananes
de Guadeloupe). Ces derniers ont
obtenu des tribunaux, après une
longue procédure judiciaire et
plusieurs grèves, des rappels de
salaires compris entre 10 000 et
20 000 euros, que les planteurs
leur avaient indûment retenus.
Comme la situation était la même
dans toutes les plantations, cela a
donné le moral aux salariés pour
entrer à leur tour dans la lutte.
Des conditions de travail indignes
Il faut dire qu’en plus des problèmes
salariaux, les patrons voyous
de la banane font travailler leurs
ouvriers dans des conditions indignes.
Le CHSCT de la plantation
Bois Debout avait mandaté un expert
pour établir un rapport sur les
conditions de travail : le rapport
rendu était tellement accablant que
la hiérarchie de l’expert ne voulait
pas croire qu’il s’agissait de la réalité
et lui avait demandé de recommencer
! Ce qui a été fait, avec bien sûr
les mêmes conclusions. Le travail
dans les bananeraies est éreintant
et entraîne des atteintes à la santé
considérables, comme des hernies
discales, de l’arthrose, des tendinites
ou de l’insuffisance veineuse. Sans
parler des accidents du travail fréquents,
des machines vétustes et
insuffisamment entretenues, du
manque d’eau potable, de la présence
de rats, et de l’utilisation sans
protection suffisante de produits
chimiques hautement dangereux.
Les ouvriers sont atteints de troubles
musculosquelettiques (TMS) au
coude, au poignet ou à l’épaule. Selon
les postes de travail, les charges
transportées sont invraisemblables,
bien au-delà des recommandations
officielles. Chaque transporteur soulève
plus de 5000 kilos par jour, soit
l’équivalent du poids de six voitures.
Un arrimeur transporte quotidiennement,
lui, l’équivalent en poids
de 36 voitures !
Une production
largement subventionnée
Les planteurs reçoivent des subventions
généreuses de l’Union
européenne depuis des années.
Mais cette année, jackpot avec
près d’un million d’euros annuels
de la région, promis jusqu’en 2021.
À partir de 2022, la région s’est engagée
à verser plus de 4 millions !
Cela n’empêche pas ces assistés
de se comporter en voleurs en
n’appliquant pas notamment la loi
de mensualisation des salaires, qui
leur permet de payer les salariés
en dessous du Smic par exemple.
La grève
Dans ces conditions, les raisons
de la colère ne manquaient pas. La
victoire obtenue par les travailleurs
de Bois Debout a été le déclencheur,
en montrant qu’il était possible
de gagner contre les planteurs.
C’est ainsi que progressivement,
une vingtaine de plantations sont
entrées dans le mouvement. Les
patrons ont essayé tous les moyens
de dissuasion : coups de fil, menaces
de licenciement, etc. Mais cela n’a
pas marché. Ce sont les grévistes
qui ont marché… de plantation
en plantation. La grève marchante
a fait gagner les travailleurs, qui se
retrouvaient entre 150 et 250 tous les
matins pour faire le tour des plantations.
Mi-juin, la grève et les actions
s’étaient installées. Les grévistes ont
mis en place un comité de grève
pour organiser leur mouvement, et
l’ont mené démocratiquement, lui
donnant ainsi la force d’aller jusqu’au
bout. Et après 42 jours,
touchés au portefeuille
et voyant que la détermination
des grévistes
ne faiblissait pas, les patrons
ont mis les pouces
le 28 juin. Un accord
a été signé, en présence
de 300 ouvriers
agricoles. L’accord prévoyait
l’application de
la loi de mensualisation
et le remboursement
des sommes volées
au cours des dernières
années, ainsi que l’amélioration
des conditions
de travail, et le paiement des jours
de grève. Le 3 juillet, les travailleurs
se sont présentés dans leurs plantations
respectives, et ont touché
un acompte de 700 euros promis
pour le paiement des jours de grève.
Le combat continue
À l’heure où nous écrivons,
deux planteurs continuent de
refuser d’appliquer l’accord, dont
le patron de la plantation Bois
Debout, à l’origine de la grève.
89 ouvriers sur 153 n’ont pas eu
leur chèque promis pour le 30
juin. Et un autre planteur, le seul
Noir, qui sert de marionnette aux
gros Békés, a décidé de faire de
la résistance et de ne pas payer
l’acompte de 700 euros. Mais les
grévistes ne l’entendent bien sûr
pas de cette oreille : les bananes
ne peuvent être expédiées au
port et la solidarité des autres
plantations joue à plein.
La vigilance est donc encore de
mise, et il faudra surveiller de près
l’application des accords. C’est
une constante chez ces Békés, de
ne pas respecter les accords qu’ils
ont dû signer sous la contrainte.
Les salariés ont donc l’habitude
et sont bien décidés à ne pas se
laisser déposséder de leur victoire
chèrement acquise.
Régine Vinon