À partir du 12 septembre : reprendre la rue, construire la grève générale !

Alors que depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Macron-Philippe prépare ouvertement une guerre-éclair sanglante contre le salariat, avec la mise en place d’une loi Travail XXL encore plus néfaste que la précédente, aucune des directions syndicales n’a cherché à mobiliser ne serait-ce qu’un tout petit peu avant la période estivale. Celle-ci doit maintenant nous servir au moins à une chose : réfléchir et bâtir notre propre calendrier de lutte.

Un calendrier qui doit prendre appui sur la seule date qui a été enfin annoncée à la fin du mois de juin par la CGT, celle du 12 septembre ; bien évidemment, il s’agira de ne pas en rester à cette seule journée, en mettant en avant d’autres dates de mobilisation – d’ores et déjà, le 20 septembre –, mais aussi les moyens indispensables pour faire échec au projet du gouvernement et du patronat... et la nécessité de s’organiser pour pouvoir les mettre en oeuvre ! 

« Dialoguer » et lutter ne font pas bon ménage 

Le gouvernement veut aller le plus vite possible, par crainte des réactions, en particulier de ceux qui ont refusé de voter pour lui (près de 70 % parmi les salariés) : c’est pour cela qu’il utilise le système des ordonnances. Il pense que la période estivale, quand beaucoup de travailleurs sont en congés et que les entreprises sont fermées ou marchent au ralenti, est propice à faire passer ses attaques en force sans faire de vagues. S’il n’y avait que les dirigeants des confédérations syndicales, le gouvernement n’aurait pas à se faire trop de souci. Ces dernières années, CGC, UNSA ou CFDT ont habitué tout le monde à signer presque tout ce qu’on leur présente. L’attitude de Berger, de la CFDT, est sans surprise. Comme au moment de la loi El Khomri, il se fait le porte-parole du projet. Pour FO en revanche, le revirement de Mailly est spectaculaire. Lui qui avait appelé à la mobilisation l’an dernier a déclaré : « On est dans un processus de concertation intense […] on a des discussions sur le fond ». 

D’un côté, les premières offensives sont déjà lancées, tandis que de l’autre, on est resté l’arme au pied. Les rassemblements intersyndicaux du 27 juin – initiés par la CGT, souvent rejointe par Solidaires, la FSU, et FO dans certains départements – ont mobilisé très peu de salariés, car tout était fait pour qu’il en soit ainsi : pas d’appel à la grève, rassemblement sur le temps de pause de midi ou en fin de journée et, surtout, aucun plan de bataille annoncé qui soit un tant soit peu à la hauteur de l’enjeu... Et toutes les confédérations qui continuent de jouer la comédie des discussions avec la ministre du Travail ! Maintenant que le gouvernement a officiellement abattu ses cartes, de quoi vont-elles discuter avec lui ? À dire vrai, la démobilisation aurait été totale sans les initiatives du Front social, qui ont été finalement les seules échéances de rue appelant à l’affrontement avec le gouvernement et tentant de l’organiser concrètement, en permettant le regroupement d’équipes militantes, de jeunes, de salariés déterminés à construire le « tous ensemble » sans plus attendre ! 

Le gouvernement veut tout avoir bouclé le 20 septembre, avec l’adoption par le Conseil des ministres du paquet d’ordonnances qui détruira l’essentiel de ce qui reste encore du Code du travail. Dès cette date, les ordonnances pourront être signées par le président de la République, puis promulguées et entrer immédiatement en application. Le temps nous est donc compté : c’est vraiment le moment de reprendre la rue. 

Le gouvernement poursuit l’offensive là où Hollande s’était arrêté avec la loi El Khomri : reprenons, nous aussi, là où nous nous sommes arrêtés ! Les cinq mois de mobilisation contre cette loi sont encore en mémoire, des centaines de milliers de travailleurs ont participé au moins à une manifestation ou à une grève. C’est un point d’appui important. Sans compter les centaines de grèves chaque semaine depuis un an, qui prouvent que la combativité ouvrière est toujours là et qu’elle pourrait trouver un axe de convergence dans cette bataille décisive pour un rapport de force favorable aux travailleurs. 

Se saisir du 12 septembre pour en faire le début d’une lutte prolongée 

La CGT est le premier syndicat à parler de mobilisation et à fixer une échéance pour le 12 septembre. Pourtant, elle accepte tout de même de cautionner le simulacre de concertation du gouvernement, comme la décision de rencontrer les syndicats un par un. La CGT a un pied dedans, un pied dehors. D’un côté, elle joue le jeu des négociations, de l’autre, elle appelle à une journée de mobilisation : « La CGT refuse de servir d’alibi ou de faire-valoir dans le cadre d’un dialogue social pipé d’avance. Nous refusons d’ores et déjà d’entendre dire fin septembre que les ordonnances, présentées par le Gouvernement, auraient été co-élaborées avec les syndicats. […] La rentrée de septembre doit être la traduction des résistances, du mécontentement et d’une volonté de changement en matière économique et sociale. C’est pourquoi [la CGT] propose de faire du 12 septembre, une journée d’action et de grève dans toutes les entreprises et services ». Lors de son comité national des 5 et 6 juillet, Solidaires a décidé d’appeler également à la journée du 12 septembre, en appelant « à construire dans l’unité la plus large la journée de grève et de manifestation du 12 septembre, dans le public comme dans le privé, et ses suites et à mettre immédiatement en perspective de nouvelles dates,comme celle du 20 septembre et de mettre en débat, sans en méconnaître les difficultés, avec les organisations syndicales et avec les salarié-es, l’objectif du blocage de l’économie et de la production, donc de la grève générale ». Rien d’annoncé pour l’instant du côté de la FSU... qui paraît complètement tétanisée. 

Il faut bien sûr se saisir de la date du 12 septembre, sans mettre dans notre poche les critiques sur le fait qu’elle arrive déjà un peu tard, mais surtout en faisant en sorte que cette journée puisse être un véritable point d’appui pour engager la bataille et pas un baroud d’honneur sans lendemain. Dans un premier temps, il faut donc déjà populariser cette date auprès du plus grand nombre de salariés, ne pas compter que sur les réseaux militants, entamer dès maintenant le travail de diffusions de tracts (intersyndicaux, des collectifs Front social, du parti), mais aussi le travail de conviction au sein des entreprises et des lieux de travail (heures d’infos syndicales, AG, prises de paroles, réunions de militantes de branches et de secteurs, etc.), bref utiliser tous les outils militants à notre disposition. Il est important également que le maximum d’appels fermes à la grève puissent être lancés par des fédérations, dans les secteurs professionnels, mais aussi dans des grands groupes du privé : il faut pour cela mener la bagarre dans nos organisations syndicales, utiliser nos points d’appui locaux ou de branches pour convoquer des réunions intersyndicales. Dans toutes les entreprises, cette attaque gouvernementale vient s’ajouter à des offensives patronales qui sont déjà permanentes : l’accélération des cadences, les horaires de travail à rallonge, l’explosion de la précarité ou encore les menaces individuelles contre les travailleurs et les militants syndicaux. Tous ces combats sont liés. Il faut convaincre que toutes ces attaques n’en font qu’une, qui vise l’ensemble du monde du travail et qui doit nous pousser à réagir tous ensemble. 

L’un des enjeux sera la mobilisation dans la fonction publique. Parmi les obstacles sur lesquels nous avons buté durant la mobilisation contre la loi El Khomri, il y en a un qui doit être dépassé en liant les attaques contre le Code du travail aux attaques qui commencent à s’abattre sur les fonctionnaires : le gel du point d’indice, l’annonce de la suppression de 120 000 postes et le retour de la journée de carence en cas d’arrêt maladie ; cette dernière attaque est significative à la fois des mesures d’austérité qui vont continuer de frapper l’ensemble des services publics, et du degré de mépris et d’hostilité que ce gouvernement entend manifester à l’égard des salariés de l’État. Ces mesures suscitent déjà colère et inquiétude, lesquelles doivent s’exprimer dès la rentrée : c’est le moment d’y aller aussi, avec les travailleuses et les travailleurs du privé, il faut mettre en avant le mot d’ordre « tous ensemble public-privé », car il peut largement faire écho ! Ce gouvernement veut nous écraser les uns après les autres ? Eh bien battons-nous ensemble, car c’est la seule façon de le mettre en échec. 

Il faudra aussi militer dans la jeunesse scolarisée, lycéenne et étudiante, pour que les échéances de mobilisation des salariés soient considérées comme des points d’appui pour construire le mouvement dans la jeunesse, à la fois en toute autonomie et avec l’idée de la convergence : c’est ce qu’ont porté les organisations de jeunesse le 9 mars 2016, ce qui a alors permis au mouvement contre la loi El Khomri d’acquérir la force et l’ampleur qui ont été les siennes. 

Après le 12, le 20 septembre, avec la perspective du blocage de l’économie 

Il faudra construire la mobilisation du 12 tout en faisant du 20 septembre un point de mire, c’est d’ailleurs la condition principale pour le 12 soit une réussite. La date a été lancée par le Front social dès le mois de mai, avec la connaissance du calendrier gouvernemental : il faut que le 20 septembre apparaisse comme un saut dans la mobilisation par rapport au 12 septembre. À la fois par le nombre de grévistes et de manifestants, mais aussi par les objectifs qu’on doit lui assigner : celui de pouvoir poser, dans un maximum d’entreprises et de services, la question de la reconduction de la grève afin de mesurer notre capacité collective à mettre en œuvre concrètement le blocage de l’économie. Cela signifie prévoir la possibilité d’organiser des assemblées générales, des piquets, des actions de blocage dès le 21 septembre. Aucun mot d’ordre allant dans ce sens ne viendra des directions syndicales : c’est à nous, à la base, partout où nous aurons les forces de le faire, que reviendra cette tâche. Certains secteurs sont plus déterminants que d’autres – transports, raffineries, logistique, etc. – mais c’est là où nous sommes que nous pouvons de toute façon agir, et aucun secteur ne doit se sentir « moins en pointe », car le fait de donner une impulsion, de démarrer, peut entraîner et encourager bien d’autres salariés. Gageons que les liens tissés pendant le mouvement contre la loi El Khomri, et ceux tissés ou consolidés dans les collectifs Front social, vont être une aide substantielle à cet objectif, car ils peuvent permettre de nous coordonner, de nous regrouper et de nous renforcer mutuellement. Peut-être que nous ne sommes « rien », selon Macron… Mais dès le 12 septembre, soyons tous et toutes dans la rue et décidés à y rester !

Marie-Hélène Duverger